J’y suis arrivée tranquillement peu après 15h, hier, samedi. Un dernier virage sur le continent et me voici sur le pont qui le relie à l’île. Je suis surprise de me retrouver sur une 2 x 2 voies, limitée à 110km/h. Bien aménagée pour faire venir les touristes me dis-je immédiatement. La 2 x 2 voies dure. Snacks, spécialités vendéennes, restos, hôtels. Tout est fermé, mais les panneaux racoleurs sur le bord de la route, eux, restent à l’année.
Ce sont mes premières impressions de Noirmoutier. Qui donnèrent le ton. J’ai essayé. Mais je n’ai pas réussi à me connecté à ce lieu. Je n’ai pas aimé. Et ils sont rares, les lieux où j’ai mis les pieds sur la planète, et où j’ai dit que je n’avais pas aimé. Etait-ce moi qui n’étais pas alignée avec les astres ? C’est de toute façon, forcément moi, puisqu’un ressenti, c’est subjectif.
Je suis d’abord allée au Gois. Une ancienne villageoise y ayant séjourné m’avait conseillé d’y être deux heures avant la marée basse, pour y observer notamment les mouvements d’eau sur le passage. L’eau recouvrait encore largement la route sous-marine, alors je décidai de rejoindre le tout nord de l’île, vers les villages du Vieil et du Petit Vieil, conseillés là aussi par cette même ancienne villageoise pour y planter ma tente. Mignonnets villages, qui ne me charmèrent pas pour autant (pis cette 4 voies qui fend l’île en deux, du nord au sud, que je venais d’emprunter, et ces panneaux qui faisaient le tapin tout du long, ne m’avaient toujours pas mis dans de bonnes conditions). Et surtout, un accès à la mer bien trop construit : toutes les maisons donnent en accès direct sur la plage, ça peut être charmant pour l’oeil, mais pour planter sa tente, c’est inconcevable ! De plus, toutes les petites plages auxquelles je pouvais avoir accès indiquaient des interdictions de planter la tente très visibles. N’ayant pas le temps de chercher plus longtemps, je décidai que ce ne serait donc pas dans cette partie de l’île que je dormirais sous tente. Il était temps de retourner au Gois pour observer le spectacle... A nouveau par cette fichue autoroute !
Arf ! Arrivée au Gois, j’avais loupé la fente de la mer en deux : les voitures passaient déjà, le bitume était déjà totalement découvert ! Pas grave, le soleil commençait à baisser, le ciel était bleu parsemé à l’ouest de jolis moutons blancs. J’ai parlé à quelques personnes, des pêcheurs d’huîtres pour leur entrée dominicale, ou de bigorneaux, qu’ils feraient tremper dans l’eau pendant deux jours avant de les déguster à l’apéro.
- C’est bien meilleur que des cacahuètes !
Et puis ce couple, qui observait les bernaches et autres plumeux à la longue-vue.
- Vous savez où je pourrais planter ma tente, sur l’île, cette nuit ? Un endroit calme, si possible avec vue sur la mer ? Au nord, c’est trop habité, et il y a des panneaux interdisant les toiles de tente sur les plages...
Ils me conseillèrent d’un commun accord la plage des Boucholeurs, pas très loin d’ici, vers Barbâtre, côté sud-ouest.
- C’est une grande plage, et il y a la dune. Il y a aussi une forêt de pins, vous y serez à l’abri du vent. Pis il y a des habitations pas trop loin si des fois vous aviez besoin de quelque chose.
On a discuté un bon moment. Ils habitaient en Vendée et avaient une petite maison sur Noirmoutier.
- Je vous aurais bien proposé de venir chez nous, mais on n’a qu’une pièce, c’est tout petit, me dis gentiment l’homme.
Plus tard, quand j’installais ma tente, je regrettais de ne pas avoir eu l’idée de leur proposer d’amener les croissants le lendemain matin, et de leur raconter ma nuit sous tente, pour les remercier de leur bon tuyau.
Je me suis avancée sur le passage jusqu’à son premier virage. Au début, je n’osais pas trop m’aventurer à l’extérieur du bitume, de peur de laisser mes bottes dans la vase. C’est intéressant cette construction de l’Homme tout de même, qui fait inévitablement penser au passage biblique de Moïse fendant la mer en deux. Je ne me suis pas renseignée sur ce passage, sa construction, les études d’ingénierie qu’il a du nécessité, sa raison d’être primaire. J’ai aimé y observer les oiseaux, et la cacophonie des bernaches. Un peu. Car le passage du Gois, c’est avant tout une route. Et au bout d’une heure, le trafic, qui me gênait depuis le départ, était trop intense, et me gâchait tout le plaisir. Et puis le soleil, bien qu’encore assez haut, se rapprochait doucement de la ligne d’horizon, et il me fallait trouver un lieu d’hôtellerie 1000 étoiles. J’ai donc pris la route en direction de Barbâtre, village du sud de l’île, à peu près au même niveau que le Gois, mais côté ouest. Village fantôme. A 18h, aucun commerce n’était ouvert. Aucun volet non plus. Pas une âme, pas un vélo, pas une voiture qui circulait. 3 kilomètres plus loin, je me garais entre les pins et la dune sur le parking de la plage des Boucholeurs.
Pas de panneau d’interdiction de bivouac sur la plage (mais interdiction d’y faire du feu). Un sentier pédestre s’enfonce dans la forêt de pin. Là, tout une série d’interdiction, dont celle d’y planter une tente. Je m’y suis balader. Ce n’est pas une forêt à proprement parler, plutôt la naissance de la dune parsemée de végétation épineuse. Et c’est effectivement à l’abri du vent. C’eût été une balade fort plaisante si... la nuisance sonore de la 4 voies ne venait pas tout gâcher ! Je n’entendais même plus le bruit des vagues qui n’étaient pourtant qu’une centaine de mètres plus loin (alors qu’à vol d’oiseau, l’autoroute était à un kilomètre plus dans les terres !). Alors interdiction ou pas, je n’aurais de toute manière pas planter ma tente ici à cause de ça ! Je suis donc revenue sur la plage, et j’ai trouvé facilement un spot, qui n’était pas dans la zone protégée de la dune, directement en bord de plage : du sable fin, un vrai nid douillet pour la nuit ! Seuls les parcs à huîtres découverts en contre-bas mettaient un bémol à ma tranquillité, me disant qu’au petit matin, je serai peut-être réveillée par un tracteur... J’ai attendu que les deux voitures quitte le parking pour installer ma tente. Là, même avec le bruit des vagues, à marée basse, certes, j’entendais encore les véhicules sur la D38. Mais le lieu était chouette : j’avais une plage immense de sable fin, une dune magnifique, pour moi toute seule... et ce, pour toute la nuit, jusqu’au matin ! J’ai mangé en terrasse, avec vue sur la mer. Il ne faisait pas froid. Beaucoup moins que trois semaines auparavant dans la baie du Mont Saint Michel. Preuve en est, je suis restée près de deux heures dehors, à regarder les étoiles, allongée sur la dune moelleuse. Je me suis aventurée à aller me balader sur la plage, mais même avec ma lampe, j’avais peur de ne pas retrouver ma tente... alors suis revenue m’allonger à ses côtés, pour observer la nuit dévoilée par les moutons. Pollution sonore, mais lumineuse également, pour toute la partie de l’île et je n’observais les étoiles qu’à partir d’une certaine hauteur par rapport à l’horizon. Côté mer, c’était couvert. J’étais surprise de voir à quelle point je voyais bien dans cette nuit hivernale. On oublie. On oublie qu’on voit la nuit. Je me suis souvenue de ma première fois sur l’Ile de Pâques. Piti m’avait emmenée galoper loin et on était rentrés de nuit, chacun sur notre monture. Je lui disais de m’attendre, que je ne vois rien. Lui, il était habitué, il voyait la nuit. Et puis quelques jours plus tard, je m’étais adaptée : j’avais retrouvé ma nature, et moi aussi, je voyais dans la nuit noire. Ca fait du bien, de temps en temps, de se rappeler à sa nature d’animal.
En me couchant, j’ai réalisé que je n’avais pas dormi sur une plage depuis près de 10 ans. C’était en Australie. Et je me suis dit aussi, que la dernière fois que j’avais fait l’amour sur une plage, c’était à la même époque, et aussi en Australie. J’ai souris.
J’ai eu bien chaud dans la nuit. Pour autant, je n’arrivais pas à m’endormir. Quelque chose me chiffonnait, mais je n’arrivais pas à comprendre quoi. J’étais pourtant bien avec moi-même, pas d’émotions particulières qui se manifestaient. Et puis au bout de quelques heures, j’ai compris : ce qui m’embêtait, c’est que je n’arrivais pas à me connecter avec cette île, qui d’ailleurs ne me donnait pas du tout l’impression d’en être une. Moi qui pourtant, adore les îles et les insulaires ! Je n’arrivais pas à me connecter, elle n’arrivait pas à me plaire. Et dans ma tente, j’entendais toujours ce bruit sourd, qui venait de la départementale. Je me suis dit que j’avais encore la journée du Dimanche pour me faire accrocher, pour y percevoir ses charmes et ses atouts.
(...)
Lilie