Dans trois semaines, j’ai 85 ans.
Ca va passer vite.
Il faudrait que je tonde le jardin pour laisser bien net à l’arrivée des enfants.
Je n’en ai pas le courage, ce matin ma hanche me fait souffrir. Le médecin que j’ai eu en téléconsultation m’a dit qu’une intervention ne serait pas intéressante pour moi compte tenu du contexte.
J’ai vu le Bourdon* de la Santé Sociale se poser sur le perron d’Henri. Depuis quelques jours ceux de la Brigade Géronte volaient en rase motte.
Je vais ouvrir les volets, aérer la maison, boire mon café et saluer Henri.
* Bourdon se dit drone en anglais.
20 juin
Henri est définitivement parti.
Mon petit village se vide et c’est étrange.
Du temps de Vovonne, tout vibrait et résonnait de vie.
En ville, les gens courent en tout sens les yeux rivés sur leur Iphone et en dehors du bruit sourd des voitures électriques, du bourdonnement des climatiseurs qui tournent à plein régime malgré les lourdes taxes, on dirait une ville de fantômes où les passants, visages penchés, évitent leur congénères en douceur.
Il y a plusieurs mois que je n’y vais plus. La batterie de ma voiture est à changer, ça ne vaut pas la peine.
Le drone de l’Alimentation Générale m’apporte le nécessaire et, derrière la maison, à l’abri des regards de la Caméra Écologique qui tourne à intervalles régulier au-dessus du village, je cultive mes tomates, mes pommes de terre et mes poireaux. En ce moment, les courgettes enflent tranquillement.
Sous ma pergola de chèvrefeuille en fleurs, sous cette voûte parfumée, je me sens protégée.
Il y a 30 ans, les abeilles butinaient, les pattes lourdes de pollen jaune et nous aimions ouvrir notre liseuse, s’asseoir sur le banc écaillé dans la tiédeur de l’été.
.../...