J’ai pris la route avec le soleil Vendredi matin.
J’ai pris l’autoroute entre quatre roues, et sous 30 degrés j’ai pointé le bout de mon capot en pays Béarnais où m’attendaient en fin d’après-midi Mamina et Papipic que j’étais ravie de retrouver. Cela faisait six ans. Six ans et quelques occasions manquées, mais Mamina m’avait relancée à point juste avant l’été, avec un argument de choc : peut-être mon dernier Octobre en Gaule, alors peut-être la dernière occasion de me rendre, enfin, six ans après, à la foire au fromage de Laruns !
Dernière semaine de septembre 2012, un mercredi, alors que nous revenions de quelques jours de trek autour du Pic du Midi d’Ossau, nous avions dépassés en voiture quelques bergers qui redescendaient à pied leurs troupeaux des estives, pour leur faire passer l’hiver dans la vallée. On avait adoré le tableau. Et puis nous avions arrêté le moteur sur le premier hôtel-café-restaurant-cave d’affinage que nous avions croisé sur le bord de la route, le seul de ce hameau. Deux patous patauds pour nous accueillir de l’autre côté de la route, l’un sur une table, l’autre sur un muret. On avait eu de la chance, l’hôtel fermait ses portes pour la saison d’hiver à la fin du mois et ne réouvrirait qu’au printemps suivant. Le soir dans le restaurant qu’une simple porte en bois aux petits carreaux jaunes séparait du café adjacent, nous avions diné tous les deux, débriefant de notre fabuleuse balade pyrénéenne qui avait été parfaite en tout point. Seuls clients du restaurant, nous avions été troublés dans notre quiétude par le brouhaha soudain de voix rauques provenant du café sur notre gauche.
- Han ! Les bergers de tout à l’heure ! J’ai trop envie d’aller leur taper causette ! m’étais-je enthousiasmé.
On avait englouti la fin de notre repas, et avions poussé la vieille porte pour passer côté café. Assis en demi-cercle autour du comptoir, les quatre ou cinq hommes, seuls clients du troquet jusqu’alors, s’étaient bien évidemment tu à notre entrée en scène.
- Bonsoir ! On vous a doublé tout à l’heure en voiture, on dort ici pour la nuit, et quand on vous a aperçu entrer tout à l’heure, on a eu envie de venir discuter avec vous !
L’amorce. Quelques verres de liqueur de myrtille, et deux heures, ou une, que sais-je, de conversation. Les moutons appartenaient à celui que ses compagnons nous avaient désigné comme le maire du village, et eux n’étaient là que pour lui prêter main forte pour la transhumance de retour. La mémoire me fait défaut pour les détails, y compris pour les traits physiques de ces messieurs. Je me souviens que nous avions passé un bon moment. Je me souviens surtout d’une attirance incontrôlable pour le fier béarnais assis sur son tabouret face au miens. Un grand, brun, barbu, carrure de rugbyman-bûcheron. Charpentier de profession. Séparé de sa compagne quelques mois auparavant (ah ! mémoire sélective que je t’aime !). De ces moments où l’électricité passe par les regards. Ce n’était pas passé inaperçu, parce qu’une fois de retour dans nos quartiers, mon compagnon de vadrouille s’était empressé de me le faire remarquer.
- Ah bon, ça se voyait tant que ça ?
- Il te dévorait du regard, et c'était réciproque, fallait être aveugle pour ne pas le voir !
Je crois que c’est lui qui nous avait conviés à les rejoindre pour une session de chant béarnais dans une cabane, là-haut dans les montagnes, le samedi, deux jours plus tard. On repartait lendemain, à regret. Et était-ce lui, ou l’un de ses compères, qui nous avait également parlé le premier de l'évènement incontournable qui aurait lieu une dizaine de jours plus tard, la foire au fromage de Laruns, à quelques kilomètres de là? Rien que le nom m’avait fait rêver, moi dont ma seule religion est fromagesque, et de les entendre venter les mérites de cette fête locale qui mettait à l’honneur leur culture béarnaise que je découvrais ce soir même en leur compagnie, venait simplement de semer la graine de la frustration de devoir partir le lendemain. Six années durant, à chaque mois d’octobre qui s’égrainait, je nourrissais l’espoir d’y retourner l’année suivante. Cette année, avec le coup de pouce de Mamina, j’avais choisi ma priorité : ce serait Laruns, en vallée d’Ossau, pour le premier week-end d’octobre.
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Lilie
Dernière édition par Lilie le Mar 9 Oct - 22:26, édité 1 fois