Le Village du Peuple Etrange Voyageur

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    Tranche de vie, saignante.

    Lostdo
    Lostdo


    Localisation : Namur, Belgique

    Tranche de vie, saignante. Empty Tranche de vie, saignante.

    Message par Lostdo Lun 25 Jan - 13:26

    QUEBEC, hiver
    Trop court, deux mois.
    Le temps de m’obséder doucement des températures de plus en plus froides, de jouer pendant deux semaines au concierge dans le Couette et Café de mon ami Daniel, à Limoilou, banlieue de Québec, d’acheter des vêtements plus adaptés,
    et un thermomètre extérieur.
    Sourdes inquiétudes, pour un belge maritime tempéré, que ces températures qui chutent,
    jour après jour.
    Je fais mon service social minimum : la préparation du petit déj, que les trois pensionnaires de Montréal, en recyclage ici, engloutissent, toujours en retard, à 7H30.
    Puis une longue plage de temps libre, que je passe à lire tous ces livres,
    laisses de tant de touristes,
    puis la préparation, le soir, chacun pour soi, de sa popotte, mais en même temps, dans la grande cuisine de pin clair
    Les propos légers volent alors, inconsistants , comme des rires mondains.
    Je fais avec.
    Puis, un mois entier dans le Camp des Mouches, une pourvoirie au Nord, à Ste-Catherine, un ancien territoire Huron, dans lequel mon ami a des parts.
    Un autre résident dans la maison de bois, JM, français de Guyane, en délicatesse avec ses autorités nationales.
    Lequel m’accueille plus que froidement.
    Le lendemain, je suis réveillé aux clartés de l’aube, filtrées de mon seul carreau sale de 60 cms de côté.
    J’ouvre la porte, transi, et c’est une bouffée de chaleur relative qui m’accueille, de la cuisine-salle-à manger.
    Un bon seize degrés centigrades, une température intérieure qui s’avèrera au fil des jours, maximale.
    Les lueurs de ladite aube m’attirent vers le salon, au-delà, éclairé par les baies simple vitrage, qui en rendent le séjour impossible : la neige à dépassé le niveau de la terrasse extérieure, et s’accumule, sur un mètre de hauteur.
    En restent 1.5 m, magiques de perspectives, sur le lac gelé et les forêts alentours, festonnées de givres, sous le soleil rasant, rouge, énorme, en chaudière si, si fatiguée…
    Tant de morts belles
    , qui me ravissent assez, emmitouflé dans ma couette !
    Et puis, je le vois, fixé à l’extérieur du chassis : le thermomètre extérieur, qui indique -32°C….
    Jean-Marc s’est levé, pénible, une heure après.
    On a déjeuné : café, oeufs et bacons préparés par moi, silencieux : la porte de sa chambre est restée ouverte : pas con lui !
    Mâchouillant,dans sa couette enroulé, éructe, chiffonné assez:
    « On doit vivre ensemble. Mais fais pas chier »
    Je réponds, paisible :
    « La température a baissé sévère, cette nuit. Fait -32°C »
    S’est levé aussitôt, et a été de lui-même au thermomètre, constater l’impensable.
    Dans son dos, j’ai souri :
    « Toi aussi, t’as acheté un thermomètre ? Tu te demandes aussi quand cela va s’arrêter ? »
    Il s’est fendu d’un gros sourire, obligé, assez.
    De ce jour-là, j’ai décidé que nous étions copains, en vis-à-vis, chacun enroulé dans sa couette.
    Les jours qui suivirent ont été très heureux, parce que réduits à l’essentiel .
    Mûremment méditée et discutée, au petit déj qui s’éternise, :une sortie par jour.
    Pour relever les collets posés la veille, en remettre de nouveaux sur d’autres sentes découvertes, ou échanger du gibier avec le plus proche voisin (300 m de neiges jusqu’au x genoux, (les raquettes nous sont restées définitivement étrangères), pêcher, ou rentrer du bois à la chaufferie.
    Point barre.
    On a ainsi mangé du Caribou, du Wapiti, de la Marmotte, du Castor, du Lièvre articque, du Chevreuil, et j’en passe, tous dépiautés et préparés de même, en ragôuts longuement mijotés.
    On a aussi tronçonné la glace du lac, et pêché, minuteurs au cou, réglés sur 20’, des truites, petites assez, mais en nombre suffisant pour un repas de roi.
    JM était un grand carnivore, et son rêve était de manger de chaque gibier du monde.
    Il découvrait le monde en le mangeant, comme d’autres le font en le lisant.
    M’a parlé longuement de son plat favori : le steak de queue de caïman, chassé de nuit, au phare, en Guyane.
    J’étais le premier, gelé, à rentrer au bercail, à chacune de nos sorties, vêtu de tous mes vêtements,en bibbendum figé, mais les yeux écrasés, malgré mes lunettes, d’ éblouissements définitifs.
    Avec l’autre fil tenu de cette obsession commune de la température, toujours baissière, et qui n’obnubilait que nous , l’histoire de mon séjour peut aussi se lire en contrepoint des chasses et pêches, de subsistance.
    J’hibernais. Mais je me donnais une chance, chasseur redevenu, de survivre demain.
    Il a fait -39°C…
    La dernière semaine est là, de retour au Couette et Café.
    P. a téléphoné à Daniel, qui a cru bon lui donner le n° de mon portable, ici.
    Ce que je ne lui pardonnerai pas vraiment.
    P. me téléphone chaque jour, et je donne mon accord pour un essai de vie commune à nouveau, de guerre lasse, mais un espoir ténu au le cœur : elle m’a tant répété tout ce qu’elle regrettait, et sa maturité nouvelle, et son appétit de nous, inchangé.
    Elle a habité mes instants et mes pensées, dès ce jour.
    Le voyage était donc terminé, avant l’heure.
    Et la température remonte d’heure en heure.
    Le jour de mon retour, il fait O°C à Montréal.

    J’étais, en nage, en tee-shirt, du taxi à l’aéroport.
    geob
    geob


    Tranche de vie, saignante. Empty Re: Tranche de vie, saignante.

    Message par geob Lun 25 Jan - 15:33

    C'est curieux comme la temperature remonte lorsque l'espoir renait ! Tranche de vie, saignante. 1612
    Wapiti
    Wapiti
    Admin


    Localisation : Annecy et Thonon (74) France

    Tranche de vie, saignante. Empty Re: Tranche de vie, saignante.

    Message par Wapiti Lun 25 Jan - 18:40

    A la lecture du titre, j'ai craint...
    Me voilà rassurée, et enchantée par ton texte, Lostdo.
    Il faudra encore nous raconter ces hivers là, ou d'autres voyages...


    _________________
    "Nous méritons toutes nos rencontres, elles sont accordées à notre destin et ont une signification qu'il nous appartient de déchiffrer." F. Mauriac

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