Le Village du Peuple Etrange Voyageur

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    Nostalgie d'un hiver jurassien

    LaMémoire
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    Nostalgie d'un hiver jurassien Empty Nostalgie d'un hiver jurassien

    Message par LaMémoire Jeu 25 Fév - 18:37

    Wap, les anniversaires, ça la rend toujours nostalgique...
    ... et comme elle a encore envie d'hiver, que cet hiver blanc dure encore un peu,
    elle m'a demandé de ressortir du fond de la malle livistanaise quelques parchemins poussiéreux :



    -----------------------------------------------------------------------------------------------------------


    Voyage au pays du livre
    où nous retrouvons Yann et Djamel au chalet des Piards, Jura



    Lorsqu’à leur arrivée Yann lui a fait visiter le chalet, en entrant dans le salon, Djamel n’a pu retenir un « Waouh ! » devant le spectacle du mur face à la cheminée, couvert de haut en bas, sur toute sa largeur de livres.
    Même à la bibliothèque municipale Djamel n’avait encore jamais vu ça…
    Un mur de livres. Des milliers. Certains de toute évidence très anciens, cornés, jaunis, à la vieille couverture soutenue par une ficelle, d’autres beaucoup plus récents et peut-être à peine ouverts, tomes de collection aux couvertures similaires, livres de poches, des best-sellers, des éditions limitées, des grands, des petits, des épais, des fins, de tranches aux couleurs variées, de tous les genres : pour jeunes, pour adultes, guides de voyage, récits, romans, recueils de poèmes, essais, pièces de théâtre, encyclopédies, dictionnaires, bandes dessinées…
    Il apprendra plus tard que le gros coffre en bois ramené du Maroc, posé à côté de la cheminée, et sur lequel on s’assoit parfois, contient aussi des trésors de lecture : carnets de voyage, dessins, plans et cartes, herbiers, accompagnés de bricoles de tout genre ramenées de voyage…
    Ce salon, cette bibliothèque comme le trophée d’une famille de lecteurs et voyageurs depuis des générations.


    Le lendemain, Djamel osera un « T’as lu tout ça ? »
    « - Bien sûr que non. Mais une bonne partie, oui. Te gènes pas, choisis. »
    Djamel est embarrassé. Lire n’a jamais été un loisir pour lui. Il sait lire. Pas trop mal même d’après ses profs. Mais il n’a jamais vraiment aimé se plonger dans un bouquin, ça demandait trop de temps, trop de concentration. Il ne se souvient même plus ce que ses profs l’ont obligé à feuilleter (en diagonale ! Fallait pas non plus exagérer. Les fiches de lecture, il les trouvait sur le Net…)… du Molière peut-être ; Pagnol ? il n’est pas sûr… le reste, aux oubliettes (comme beaucoup beaucoup de choses son époque scolaire – 13 ans quand même !). Même Harry Potter n’a pas su attirer son attention malgré sa médiatisation… Quelques mangas, oui… mais ce n’est pas vraiment de la lecture, n’est-ce pas ?

    Bref, devant ce mur de livres et cette invitation de Yann à choisir, Djamel est vraiment perplexe : il a envie d’essayer… mais par où commencer ?
    Son embarras est tel qu’il fait sourire Yann, attendri par ce ‘petit frère’ qu’il a trouvé sur sa route pour accompagner sa solitude. Il cherche un peu dans le mur, et en extirpe deux petits livres qu’il tend à Djamel.
    « Tu connais ? Pour commencer, c’est pas mal. »
    Djamel regarde les couvertures : Le Petit Prince de St Exupéry et L’Alchimiste de Paul Coelho.
    « - Non.
    - ça se lit bien, tu verras. Tu devrais apprécier. Après… »

    Après, Yann lui montre des zones du mur et lui cite des auteurs, des lectures qu’il a appréciés et qui pourraient permettre à Djamel de s’évader, de voyager, voire d’être piqué par le virus du voyage…
    Pour commencer, Jules Verne bien sûr, avec ses Cinq semaines en ballon, ses Voyages extraordinaires, L’île mystérieuse, Le tour du monde en 80 jours
    Pour rester dans la catégorie « livres jeunesse », il y a les Serge Dalens et les autres auteurs de la collection Signes de piste… ou les B.D. de l’ami Tintin, grand reporter globe-trotter…
    Ensuite, du René Frison-Roche, dans les Alpes avec son très connu Premier de Cordée (Djamel hoche la tête en connaisseur… mais ne connaissait pas.) et sa suite, dans le Sahara avec la série Bivouacs sous la lune, le Rendez-vous d’Essendilène… dans le grand nord européen avec Le rapt, La dernière migration ou Les terres de l’infini… ou encore en Afrique noire avec l’histoire romancée de l’explorateur René Caillé dans L’esclave de Dieu
    Autre auteur-voyageur qui se lit agréablement et sait si bien peindre avec des mots les paysages, les ambiances : Bernard Clavel, pour découvrir le Canada des pionniers avec la série Le Royaume du Nord (Harricana, etc), ou pour redécouvrir le Jura d’une autre époque avec les tomes des Colonnes du Ciel
    Redécouvrir la France des terroirs avec les romans de Marcel Pagnol bien sûr, mais aussi Christian Signol qui sait si bien faire vibrer avec ses souvenirs… Yann cite même de tête un passage : « J’ai toujours pensé que la beauté du monde était destinée à nous faire oublier la brièveté tragique de nos vies.» (in Les vrais bonheurs)
    De St Exupéry, il y en a d’autres aussi dans ce mur, si l’aviation l’intéresse : Courrier sud, Terre des hommes
    Envie d’aller du côté de l’Egypte ? Il faut piocher dans les Christian Jacq : Barrage sur le Nil pour une histoire contemporaine, ou les séries plus historiques sur les pharaons comme Ramsès
    D’aller à la découverte du Mali ? La collection d’Amadou Hampâté Bâ est incontournable : Amkoullel, l’enfant Peul, ou les Contes initiatiques peuls, Petit Bodiel
    Du côté du Maroc, voir Tahar Ben Jelloun, même si la lecture de ses Enfant de sable et Nuit sacrée se révèle peut-être plus fastidieuse.
    et… et…

    Yann semble intarissable sur les trésors de ce mur livresque.
    Djamel est assommé par les noms et les titres cités. Il est pris d’un vertige et s’affale dans un fauteuil. Ce qui fait (enfin !) taire Yann, qui s’excuse.
    « C’est rien. … Dans quelques dizaine d’années, quand j’aurais lu tout ça, tu me montreras la suite ? », sourire narquois.
    Eclats de rire.
    « OK, je vais commencer par celui-là » ajoute Djamel en montrant L’Alchimiste qu’il ouvre précautionneusement, avec un peu d’appréhension, il se l’avoue.

    Yann de son côté fouine quelques minutes avant de tirer du mur Les sept plumes de l’aigle d’Henri Gougaud. Il compte sur les aventures spirituelles de Luis le Quechua du côté de Tiahuanaco pour dissiper les brumes et langueurs qui assaillent encore son cœur et son esprit.


    Le lendemain soir.
    Après quelques heures de lecture (si peu finalement !), Djamel referme son livre et reste longuement pensif. Comme Santiago le berger andalou, lui aussi est parti en quête, mais il ne sait trop en quête de quoi… sa « légende personnelle » ? En a-t-il vraiment une ? Il ne sait pas. Il ne l’a pas encore découverte, révélée à son cœur…
    Dans le fauteuil d’en face, Yann semble plongé dans sa lecture. Il n’ose l’interrompre, mais il a très envie de lui demander si lui connaît sa légende personnelle, s’il a suivi son rêve pour connaître sa vérité…

    Perdu dans ses pensées, Djamel retrouve sous ses doigts le contact d’une feuille de papier qui a glissé du livre hier. Il la déplie. Belle écriture fine, sûrement d’une femme. Une signature énigmatique : Mamido. Un titre : Nils m’a prêté son oie.
    Les lignes défilent, il les savoure. Décidément, Djamel ne savait pas qu’il pouvait être si bon de lire.
    Il a fini. Il ferme les yeux. Le feu ronronne dans la cheminée en garantissant sa douce chaleur. Djamel s’envole. Il rêve. Il rêve de nuages, d’océans, de désert de sable, de pyramides, de moutons d’Andalousie, d’une oie…
    Original de ce texte publié par Wapiti au Livistan le 6 février 2008 : //peuplevoyageur.spaces.live.com/blog/cns!D76DAB0F8562EBE1!242.entry
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    Nostalgie d'un hiver jurassien Empty Re: Nostalgie d'un hiver jurassien

    Message par LaMémoire Jeu 25 Fév - 18:45

    François pense à rentrer au Yukon - ou le voyage au pays de la solitude -



    Nostalgie d'un hiver jurassien Y1pfFt3CzRl3dXnjxNP-C06Mtr4r5K_XIywPBjLIX6K2sK90lvCHSwtPXzbDifUlEU0Hhk4jTgLLFg


    - on s'appelle hein ?
    - Ok, sois prudente sur la route

    Voilà. Colombine a démarré et il regarde la voiture s'éloigner. Il ne l'a pas vraiment cru lorsqu'elle lui a dit qu'elle souhaitait interrompre cette balade à cause de la douleur provoquée par cette dent arrachée quelques heures plus tôt. Mais quelle importance. De toute façon il n'avait pas non plus envie de continuer ce tête-à-tête dans les rues de Paris. Oui, finalement c'était plutôt bien d'écouter son intuition, il s'en rendait compte à présent. Cela permettait de ne pas se plonger dans des histoires compliquées qui ne menaient à rien. Pourquoi lui avait-elle dit avant de partir "on s'appelle". Etait-ce donc là cette hypocrisie très française dont un québécois lui avait parlé un jour, ces phrases toutes faites prononcées sans les penser vraiment histoire de ne pas se sentir coupable de ne pas vouloir être gentil avec quelqu'un. Il se surprend à penser que sans doute cela doit être comme ça dans tous les pays où la solidarité, où l'acte vrai n'ont plus aucun sens. Chez lui, à Haines Junction et partout au Yukon, avec 30.000 habitants pour une surface représentant 2 fois et demi la Grande Bretagne, les mots ont du poids, les actes ont un sens parce qu'il y a si peu de monde que chacun se sent responsable de la vie de son voisin, toujours très éloigné.

    Il ressent une envie irrésistible de contempler Paris depuis les toits. Il aperçoit la porte d'un ancien hôtel particulier en train de se refermer, il court, se glisse sous le porche, monte les sept étages à pied, grimpe l'escabeau de secours, ouvre la trappe et le voilà juste là où il le souhaitait. Les bruits de la circulation montent de manière étouffée jusqu'à lui. Ouf, presque du silence, cela lui fait du bien.

    Cela fait combien de temps qu'il a quitté son Yukon tant aimé et qu'il est sur Paris ? Juste 2 semaines pendant lesquelles il a trouvé le moyen de blesser une nana avec son skidoo dans le métro. Mais quelle idée lui avait pris de se trimbaler avec ce machin. Evidemment la moto-neige allait servir de décor au salon sur lequel il était convié. Il croit se rappeler qu'elle s'appelle Mado et note dans un coin de sa tête de penser à la rappeler pour savoir si le skidoo n'a pas laissé de séquelles. Il l'avait conduite à l'hôpital et avait attendu qu'elle réapparaisse avant de la quitter mais il continue à culpabiliser un peu.
    Tout en contemplant la nuit qui doucement descend sur la capitale, il ressent le manque de son pays. Il est fatigué de toujours parler français. Il sait bien que certaines personnes apprécieraient de parler anglais avec lui mais cette manière très française pense t-il, de vouloir toujours montrer ce qu'on sait, l'agace terriblement. Il y a trop de bruit à Paris, trop de gens, trop de lumière artificielle.
    La nuit polaire, les aurores boréales joyaux somptueux apparaissant et disparaissant au coeur de la nuit, le crissement de ses pas dans la neige, les traces de caribous, les sapins parés de leur manteau d'hiver, les trous faits dans la glace pour trouver un peu de poisson, les soirées passées près de la cheminée de l'unique pub du village avec tous les vieux qui racontent leurs aventures de chasse, tout ça lui manque. Il se sent seul ici, c'est sans doute pour cela qu'il avait été séduit par cette Colombine au guichet du château de Versailles. Vraie parisienne celle-là, qu'est-ce qu'elle aurait compris à son Grand Nord, sans doute rien et elle n'aurait absolument pas supporter la solitude et l'immensité de son pays. Il l'imagine là-bas, avec lui en train de lui crier : "Emmène-moi dans la grande ville la plus proche, il me faut du bruit, des cris, des voitures qui défilent sans cesse sur la route". Alors il l'aurait conduite à Whitehorse et ses 23.000 habitants, et elle en aurait pleuré de rage. Cette idée le fait sourire et l'image de Mado se superpose à celle de Colombine.

    Il sort son portable de la poche de son jeans, compose le numéro :
    - Bonjour Mado, c'est François Supertramp, c'est moi qui ...
    - Hye, how are you ?
    François un peu perdu ce soir lui raconte ses états d'âme
    - Tu me dis qu'il te reste encore une semaine à passer en France ? J'ai un ami qui est en ce moment dans le Jura dans son chalet. De la neige tu vas en avoir autant que tu voudras, appelle-le, il se sent assez seul en ce moment parce qu'il a eu un gros coup dur dans sa vie, je suis sure que cela lui fera plaisir que tu viennes chez lui.
    François note le numéro, salue Mado et raccroche


    Hé hé, va t-il aller rejoindre Yann ? qui nous concoctera le récit des aventures du trio Yann/Djamel/François ?
    et qui veut prendre la relève pour assurer une nouvelle vie à Colombine Sanzel ?


    Original publié par Béatrice au Livistan le 7 février 2008 : peuplevoyageur.spaces.live.com/blog/cns!D76DAB0F8562EBE1!351.entry
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    Nostalgie d'un hiver jurassien Empty Re: Nostalgie d'un hiver jurassien

    Message par LaMémoire Jeu 25 Fév - 18:54

    Jours de neige


    Il neige.
    Depuis 2 jours il neige.
    Pendant des heures, à gros flocons aux trajectoires verticales et aux capacités étonnantes pour couvrir le sol, tranquillement. Copeaux de ouate.
    Par moments en rafale de grésilles fines qui vous giflent et tapissent toute paroi verticale face au vent qui souffle en bourrasque et siffle sous le toit. Poussières glacées.
    Ponctuellement de façon plus éparse, en petits flocons tourbillonnants qui volent et virevoltent comme s’ils ne voulaient jamais toucher le sol.
    Etoiles douces et malicieuses.

    Depuis 2 jours qu’il neige, la couche épaisse isole tout.
    Plus de bruit, juste le coton.
    Plus de couleurs, juste cette blancheur lumineuse partout.
    Plus de circulation piétonne ou routière, ou presque.
    Le chalet est isolé. Le chasse-neige ne monte jamais jusque là, voie privée.

    Yann, habitué à ce genre d’épisodes météorologiques, n’a même pas émis l’idée de déneiger au cours des premières heures. Travail de Sisyphe qu’il sait inutile.
    Lorsque Jean (du bistrot sur les hauteurs) l’a prévenu du changement de temps, Yann a simplement veillé à préparer correctement le siège qui s’annonçait :
    - ils ont méthodiquement rangé dans la réserve les peintures et matériels qu’ils utilisaient depuis les deux derniers jours pour les réfections du chalet,
    - ils ont rentré suffisamment de bois pour pouvoir tenir 7 jours au chaud,
    - une virée en voiture pour faire le plein alimentaire et liquide (le stock de bières s’amenuisait dangereusement), et de piles et de bougies (on ne sait jamais),
    - avant de garer le véhicule (vitesse enclenchée, frein à main libéré, histoire que le gel ne bousille rien) au bout du chemin vers la route, sous l’immense sapin en guise d’abri, et de le bâcher précautionneusement ;
    - les pelles à neige sont dans l’entrée, avec les raquettes et les skis de randonnée, tous prêts à servir au besoin.
    Quand Djamel a vu tous ces préparatifs, tout ce matériel, il est resté sceptique. Ce Yann, il débloque cette fois…

    Mais voilà, depuis 2 jours il neige.
    Depuis 2 jours, ils sont coincés dans ce chalet, désœuvrés. Comme seule compagnie, un peu de musique (pas trop, Yann ne veut pas non plus saouler son compagnon avec du jazz), le ronronnement de la cheminée et un mur de lectures.

    Avant que cela ne commence, les deux hommes sont restés dehors une bonne heure, assis sur le banc de bois, dos calés contre le chalet, le visage vers le couchant, à regarder cet incendie de nuages menaçants qui ont grandis, empli le ciel, assombri l’atmosphère. Il faisait plutôt doux, une senteur bien particulière était apportée par le vent du nord-ouest. Yann a sourit, il a dit : « Elle arrive, je la sens. »
    Quelques minutes plus tard un flocon a virevolté et s’est posé sur le nez de Djamel. Un deuxième, sur sa main. Un troisième… Tranquillement la neige est arrivée.

    Depuis 2 jours, Djamel passe des heures à regarder à travers la fenêtre embuée cette paisible tempête blanche. La magie hivernale fait son effet sur le gamin de la cité. Le sentiment d’ennui ne l’effleure même pas. Il fait bon dans ce chalet. Dehors, c’est tout simplement beau. Les livres pour voyager dans la tête. Et le p’tit gars de la banlieue a le temps de découvrir le jeu de dames, les échecs, la crapette,… sous les conseils avisés d’un Yann détendu, plus serein.
    Le temps s’est suspendu.

    Demain, la tempête s’arrêtera. Peut-être.
    On pourra alors sortir, si le gel ne repousse pas toute âme vivante à l’intérieur.
    On s’armera alors des pelles pour déblayer les premiers mètres de l’allée, et le chemin jusqu’à la réserve de bois… pour commencer.
    On chaussera les skis ou les raquettes pour traverser champs et bois et rejoindre le bistrot de Jean, pour retrouver un peu de monde civilisé, prendre quelques nouvelles, avertir que l’on est toujours vivants (pas de réseau pour les mobiles du côté du chalet, ni ligne fixe, ni télé)…
    Et si le temps est clair et le cœur nous en dit, on partira pour une longue balade au cœur de ce Jura enneigé…

    Qui sait ?

    Original publié par Wapiti au Livistan le 11 février 2008 : peuplevoyageur.spaces.live.com/blog/cns!D76DAB0F8562EBE1!512.entry
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    Nostalgie d'un hiver jurassien Empty Re: Nostalgie d'un hiver jurassien

    Message par LaMémoire Jeu 25 Fév - 19:10

    Le bouffon
    La suite du récit des aventures de nos deux expatriés au Jura :



    Djamel descend tant bien que mal le raide escalier menant aux chambres à l’étage.
    « Ha non, c’est pas possible ! J’suis un bouffon comme ça, moi ! ça l’fait pas ! » lance-t-il en entrant dans la pièce.
    Yann se retourne, le jauge de la tête aux pieds et éclate de rire.
    « Z’y va ! Paies-toi ma tête ! J’sors pas comme ça ôam ! C’est la téhon ! »
    Yann n’avait pas évalué la différence de taille et de gabarit qui les séparait. Dans ses vêtements, Djamel est… comique.
    « Pas le choix, mec. Avec le froid qui claque dehors, je te sors pas sans un minimum. Et tu l’as sur le dos, là. Mais ne t’inquiète pas, y’a pas de lapine à bottines à chiner.
    « - De quoi ? … ???
    « - De lapine à bottines, de renarde, de poule, de blonde…de donzelle… de meuf, quoi !
    « - Ha ! Ouai… mais quand-même, vise-moi ça !? C’est trop la téhon !! »
    Djamel tourne sur lui-même, lève une jambe puis l’autre, bat des bras, agite la tête comme un grelot… Yann réprime son envie de rire.
    « Je croyais que c’était la mode chez les djeuns’ le pantalon bouffant à réserves sidérales ? …
    Puis au moins, t’auras pas froid aux mains avec ce rabiot de manches… (sourire à peine réprimé)
    « - Z’y va ! Tu parles d’un pote ! Sur la tête de ma rem, j’sors pas comme ça !
    « - Alors tu ne sortiras pas du tout. (regard sévère, ton des plus sérieux) Je te consigne à bord du navire. En parlant de ta mère, je veux pas avoir à la prévenir que j’ai transformé son fiston en un glaçon de schtroumf qui ne sera pas viable après décongélation.
    « - …
    « - Allez approche, on va arranger ça. Un tour de ceinture, une paire de guêtres pour masquer le surplus du bas… un revers de manches… De toute façon tu m’enfiles ta doudoune et ces moufles là. Et rien ne t’empêche de cacher le bonnet sous ta casquette fétiche. Heureusement encore que tu chausses comme moi.
    T’as pris ton sac ?
    « - Ouai. (air vaincu et boudeur) Tu vas pas me l’déguiser aussi celui-là ? Tu sais pas c’qu’il m’a coûté !
    « - J’imagine (sourire narquois)… Non, on va juste le remplir en se répartissant le barda. »

    Sous le regard renfrogné du jeunot, Yann prépare les deux sacs avec l’indispensable kit de survie en randonnée hivernale et le casse-croûte du jour.
    L’expédition se prépare en ce petit matin.
    La chute de neige a cessé hier soir. Le vent du nord s’est levé, incisif, dégageant très vite le ciel. Depuis, c’est le gel qui fait claquer les bois, les pierres et les métaux, enserrant tout dans son étau.
    L’atmosphère a pris une teinte bleutée de glace. L’air est limite respirable, il vous vrille les sinus, vous brûle l’intérieur. Au réveil, le thermomètre marquait –10°c. Avec le vent, Yann estime le froid ressenti à –25°c. Peccadilles pour des Canadiens, rien d’extraordinaire de mémoire de jurassien, dramatique expérience pour le petit gars de la banlieue chauffée aux gaz polluants et qui n’a jamais voyagé qu’à la mer l’été dernier et au bled dans sa jeunesse…
    La journée s’annonce belle, ensoleillée, mais glaciale.
    La balade s’annonce magnifique dans ce paysage poudré, crépi, tapissé…
    Original publié par Wapiti au Livistan le 13 février 2008 : peuplevoyageur.spaces.live.com/blog/cns!D76DAB0F8562EBE1!543.entry
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    Message par LaMémoire Jeu 25 Fév - 19:33


    Le ouebmasteur-trappeur quitte Paris
    - ou le voyage au pays des hommes célibataires -


    Nostalgie d'un hiver jurassien Y1pfFt3CzRl3dWydbjeEh_OIdUldauFM59f2vc0TxqKNHiMaAUnTSsJL0GnD5bh5A9x0aRyOeK8-9k


    - Allo Yann, bonjour c'est François Supertramp. C'est Mado qui m'a passé tes coordonnées, elle m'avait dit qu'éventuellement tu serais d'accord pour m'héberger quelques jours.
    - Ah oui elle m'a appelé ce matin pour m'en parler. Pendant deux jours on a eu un temps à ne pas laissser un fou jouer dehors, il n'y avait plus aucun réseau mais c'est terminé à présent. Il a cessé de neiger et les routes sont accessibles. Viens si tu veux, pas de problème, le chalet est grand, y'a de la place et tu nous aideras à bricoler un peu

    François raccroche, satisfait. Il avait déjà fait ses valises, réglé la note de son hôtel, loué un 4X4, attaché son skidoo solidement sur le toit, regardé sur internet la route pour aller jusque là-bas, un peu moins de 450 kms de Paris, c'est pas la mer à boire, il n'attendait plus que l'accord de Yann mais il avait bon espoir qu'il n'y aurait pas de problème (ah ces Yukonais, ça doute jamais de rien !).

    Il est 10h30 quand il prend la route. A l'entrée de l'autoroute, il donne un lift à un couple d'auto-stoppeurs qui se rendent en Saône-et-Loire, dans un patelin appelé Le Creusot, enfin c'est ce que croit comprendre François parce qu'ils ont un tel accent bourguignon tous les deux que le Yukonais a bien du mal parfois à décrypter ce qu'ils racontent. Une histoire de parents de 70 ans, Marcel et Paulette, retombés en amour débilo-romantico-pathético selon eux, après 50 ans de vie commune. Ils se placent en gardiens de la santé morale de ces 2 vieux qui d'après eux devient alarmante, ça doit venir des milliers de litres de vins ingurgités depuis l'enfance par le père et des milliards de prières de la mère adressées au Bon Dieu pour que son mari arrête de boire. Pis y'a une histoire de Mistoufle qu'ils n'ont pas bien compris. Faut absolument qu'ils remettent de l'ordre dans tout ça. Ils n'arrêtent pas de parler. François a hâte d'arriver à la sortie de Châlon sud pour les déposer.

    Une fois tout seul, il décide de se boire un café à la prochaine aire puis reprend la route.
    Il est seulement 15h30 lorsqu'il gare le 4X4 devant le chalet.
    Yann et Djamel sont sur le toit.
    - hé salut man, alors c'est à ça que ça ressemble un trappeur ? plutôt friké, faut qu'j'aille faire des affaires là-bas moi. Pourquoi t'as pas fait la route en skidoo ? t'as d'la chance, les voleurs préfèrent la mer ! Au fait, moi c'est Djamel. L'échelle est derrière, rejoins-nous. Sur la tête de ma mère on va t'montrer à quoi ça ressemble la France vu d'en haut.
    "Sur la tête de ma mère" ? François n'est pas familiarisé avec les subtilités de la langue française mais Djamel va se faire un plaisir de parfaire ses lacunes.
    Doucement au fil des heures qui passent, la sympathie s'installe entre les 3 gars. Yann est heureux de pouvoir discuter un peu avec un mec de son âge. C'est pas que Djamel l'ennuie, bien au contraire. Heureusement qu'il est là d'ailleurs, ça l'aide à ne pas broyer des idées noires, mais leurs repères ne sont pas les mêmes, forcément, avec ces 21 ans qui les séparent.
    - hé les gars, vous voulez que je vous cuisine une spécialité canadienne ? c'eeeeesssst parti !
    François fouille dans les placards, il a de la chance, il y a tous les ingrédients dont il a besoin.
    Lorsque François les appelle pour dîner, Yann et Djamel se placent autour de la table, un peu abasourdis :
    - euh, comment t'as fait ? y'a pourtant pas de Mac Do dans le coin. Franchement les Canadiens, vous êtes des rigolos pour la bouffe, r'garde moi ça le hamburger, zi va, j'y crois pas !
    Djamel qui a l'habitude depuis quelques jours de se nourrir de mets délicats préparés par Yann voit un peu rouge.
    - allez, c'est une joke. J'ai tellement entendu dire en France que les Canadiens ne mangent que ça que je n'ai pas pu résister à l'envie de rentrer dans vos bowlshits (sais plus si ça s'écrit comme ça). Tiens au fait, vous savez ce que nous on pense de vous les Français : que votre fantasme à tous quand vous débarquez dans notre pays est de voir un orignal. Qu'est-ce que ça nous fait marrer quand un Français nous demande où on peut en voir !
    - plus sérieusement François, j'ai besoin de te demander des conseils. Mado m'a dit que tu as monté au Yukon un organisme qui propose des sorties à raquettes et chiens de traîneaux, je pense peut-être à faire ce genre de trucs ici dans le Jura. Bon à la base je suis architecte, j'ai beaucoup voyagé mais j'ai l'impression que j'en ai un peu marre là, je voudrais me poser quelque part, faire mon truc à moi, tranquillement, à mon rythme. Je crois que j'ai besoin de stabilité et je me dis que monter ce genre d'affaires, ça pourrait être sympa mais c'est juste une idée qui me trotte dans la tête pour l'instant.
    François lui raconte qu'il avait monté son entreprise il y a quelques années, quand il vivait au Québec avec Fiona, une italienne rencontrée en Laponie finlandaise et qu'il avait arrêté lorsqu'il avait décidé de retourner vivre chez lui au Yukon, sans Fiona.
    Djamel qui depuis un moment écoute et commence à s'ennuyer mortellement ne peut pas s'empêcher de lancer :
    -eh au fait, t'as une nana toi ? aujourd'hui c'est la St Valentin t'as peut-être plutôt intérêt à y penser si y'en a une qui t'attend chez les Eskimos. Vous leur offrez quoi aux nanas au Yukon pour la fête des amoureux ? des bâtons de Gervais ? des testicules de caribou empaillés comme gri-gri pour conjurer les effets de la ménopause ?
    François n'a pas l'habitude de questions si directes mais comme Yann lui fait un clin d'oeil, il décide de rester sur le même ton.
    - c'est quoi des bâtons de Gervais ? non, nous on fête la St Valentin en plein mois de juillet et on leur offre la chance de nous prouver leur amour pour nous : une nuit en forêt, enterrées dans la terre au pied d'un arbre jusqu'au cou. Si elles résistent aux piqûres de moustiques, à la peur ou si elles n'ont pas été dévorées par un grizzli c'est qu'elles sont dignes des trappeurs que nous sommes tous là-bas ! (désolée c'est un peu glauque mais j'ai rien trouvé de mieux).

    Le feu crépite dans la cheminée, le vin aidant, tout le monde se retrouve plus ou moins somnolant. Djamel qui baille à s'en décrocher la machoire décide de monter se coucher. Yann se lève pour rajouter quelques bûches. La chaleur qui se dégage et la magie des flammes qui dessinent sur les murs des formes mystérieuses incitent aux confidences.
    - j'ai vécu un peu en Colombie. J'avais l'intention de me marier là-bas mais elle est morte dans un accident de voiture. Heureusement, Gérard le futur mari de Mado qui est un super pote est venu me chercher et je suis rentré. Je me sens paumé parfois, comme si on m'avait arraché quelque chose. Je sais que je vais m'en sortir parce que j'aime la vie mais tu comprends, pour l'instant je sais plus où je suis, ce que je veux. Alors j'ai décidé de venir m'enfermer ici puis Djamel m'est tombé dessus au bord de l'autoroute et finalement c'est une bonne chose parce qu'il m'aide à recoller les morceaux.
    François reste silencieux. Quoi dire face à ce chagrin qui s'épanche ? Il n'a pas l'habitude de parler, de se répandre. Il est plutôt du genre à se carapaçonner pour ne pas ressentir la douleur. Pourtant il sait bien qu'il se leurre et qu'un jour il faudra bien qu'il accepte de se regarder dans un miroir.
    - tu vois, jusqu'à ce que je perde Eléna dans cet accident, je ne me rendais pas compte à quel point je pouvais être fragile. C'est con mais j'étais tout le temps à faire des trucs, à m'occuper. A chaque instant que je restais éveillé, je trouvais un truc pour ne surtout pas prendre le chemin qui aurait pu me conduire jusqu'à moi-même. Et depuis que je me suis enfermé ici, je prends conscience petit à petit à quel point je suis passé à côté de moi. Tu crois que c'est vrai ce qu'on dit ? que les êtres humains auraient besoin de connaître la douleur pour accepter de prendre la route de l'essentiel dans leur vie ... Serions-nous l'espèce la plus maso de l'univers ?

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    Message par LaMémoire Jeu 25 Fév - 19:38

    ... mais bon sang, que faisaient-ils donc sur ce toit les gaillards ?!?!

    Nostalgie d'un hiver jurassien Yann-Jura-1

    ... mais bon sang, que faisaient-ils donc sur ce toit les gaillards ?!?!
    Je croyais Yann plus sérieux. Quelle prise de risque après une telle chute de neige et le gel du jour !

    En tout cas, avec tout cela, la belle balade prévue a tourné court.
    A peine arrivés sur les hauteurs, les mobiles ont retrouvé les réseaux, ça n'a cessé de vibrer, de textoter, de causer... Yann a eu Mado... et un peu plus tard, durant le café-fine chez Jean, le fameux François l'a appelé...
    Du coup, nos deux gaillards sont rentrés directement au chalet pour mettre un peu d'ordre (oui, enfin, un ordre de mecs !) et surtout déneiger l'allée pour que le Yukonnais puisse parquer son char au plus près du chalet. Cela leur a pris deux bonnes heures de pelletées endiablées, mais ils en sont venus à bout.
    Sur le toit, c'était la pause-détente en attendant le troisième homme ?
    Dans leur fringues trempés de sueur, ils ne devaient pas avoir très chaud nos deux larrons hauts perchés...
    Nostalgie d'un hiver jurassien Smile_wink

    En tout cas, il est normal que le petit jeunot ne tienne pas la veillée, baille aux corneille et sombre au plus tôt dans son lit. On ne raquette pas dans la neige fraîche pour la première fois, et on ne pellete pas pendant 2 heures en toute impunité lorsque l'on fait ça pour la première fois de sa vie. Je connais des muscles qui vont grincer demain ! Le réveil va être douloureux... Pauv'Djamel !

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    Message par LaMémoire Jeu 25 Fév - 19:48

    Voyage au pays des longues foulées masculines (rêvez les filles !)


    Pas de nouvelle tempête de neige en vue. Le vent du nord souffle toujours, assurant un ciel dégagé et des températures glaciales.

    Ce matin, comme toujours, Djamel a été le dernier à descendre. Mais en plus il est bougon et ne cesse de geindre et de se plaindre.
    Les jambes sont lourdes et au-dessus, à travers la douleur, il découvre des muscles insoupçonnés (fessiers, adducteurs, tenseurs, abdominaux, dorsaux, pectoraux, droits et obliques, trapèzes, épineux, ronds, biceps et triceps…)… Il est comme passé sous un rouleau compresseur, le Djamel.
    Au-delà de ces courbatures, son cerveau est embrumé, la tête enserrée dans un étau, la respiration encombrée, les yeux brillants… [ndw : Gitanita, t’es où ? l’a besoin d’une infirmière le Djamel !! Et Béatrice, t’as vu ce que tu lui as fait au Djamel, en le posant mouillé sur le toit dans l’air glacé ?!!! ]
    On l’installe au plus près de la cheminée, bien calé sur le canapé avec une couverture. Obligation d’ingurgiter une double aspirine et un bon grog. Ordre de manger, de boire et se reposer pour reprendre des forces. La promenade avortée de la veille et remise au programme du jour se passera de lui.
    En consolation, François lui promet une virée en skidoo lorsqu’il sera remis sur pattes.

    Sur la belle table de sapin, Yann et François ont préparé leurs sacs et leur matériel. Sans un mot ou presque, déjà complices : tous deux habitués aux randonnées hivernales, ils ont les mêmes gestes, les mêmes pensées.
    Après une dernière recommandation au jeunot qui en rajoute en appelant au secours sa mère dans un râle, Yann et François passent rapidement la porte et s’engouffrent dans l’air bleuté et glacial du matin enneigé.
    Raquettes aux pieds, ils accordent très rapidement leurs longues foulées.
    C’est un jour de glace. Un jour bleu.
    Ciel d’un bleu profond à l’ouest et au nord, bleu pastel sous le pâle soleil qui tente désespérément de réchauffer l’atmosphère de son blanc halo.
    Forêt jurassienne de sapins bleu-vert qui se dressent serrés vers le ciel.
    Neige légèrement bleutée de reflets célestes, en couche épaisse immaculée, par endroits amassée en congères.
    Villages tapis sous la neige, à peine visibles si ce n’est aux fumerolles bleutées s’échappant de leurs cheminées et à leurs clochers d’ardoises qui pointent vers le ciel.
    Les couleurs chaudes sont profondément cachées dans ces maisonnées où l'on devine une grande chaleur de bois et de coeur.

    Une fois la courte trace de la veille abandonnée, ils se relaient en tête. Les foulées sont amples. Les deux hommes avancent rapidement, en silence, confiants dans leur force et dans la beauté de cette journée.
    Ils vont marcher ainsi des heures, avares en paroles mais partageant les mêmes bonheurs à sentir leurs corps se libérer des tensions sous l’effort et à apprécier le paysage qui défilent.

    Ils rejoignent rapidement Les Piards, dépassent le bistrot de Jean (Yann se contentera d’un très bref arrêt pour signaler leur circuit du jour), puis la belle petite chapelle St Rémi du XVème, et les derniers chalets du village…
    Ils filent à travers champs, puis à travers bois. Les espaces découverts et les sapinières alternent. Parfois un village est contourné ou traversé.
    Dans ce paysage vallonné, il faut descendre, remonter, redescendre, ...
    Certaines pentes se font un peu plus sérieuses, il faut ralentir et se concentrer sur son souffle.
    Certaines descentes offrent l’opportunité de belles glissades : en appui sur l’arrière effilé des raquettes, on glisse en grandes enjambées en retrouvant des sensations de ski…
    Les espaces dégagés en hauteur offrent de beaux points de vue sur les vallées, les vallons, les villages, les plans d’eau.
    C’est sur une de ces plates-formes qu’ils se sont posés quelques minutes à midi, pour casse-croûter. Protégés du vent par un rebord rocheux, faces au soleil, les lacs brillants à leurs pieds.

    Ils ne rentreront au chalet accueillant que quelques minutes avant le soleil couchant.
    En sept heures, ils auront parcouru une belle boucle de plus de 30 kilomètres.
    Les corps sont fourbus, les visages rougis et asséchés par l’air vif et le soleil.
    Ils sont ivres du vent qui les a assaillis la journée durant.
    Les esprits sont allégés, les âmes sereines.
    Pendant plusieurs heures, les esprits ont cessé de fonctionner, toute l’énergie a été concentrée sur l’effort, tous les sens orientés vers ce paysage blanc, glacé, silencieux, magnifique.
    Il n’y avait plus ni d’Elena, ni de Colombine, de Mado, ni d'agitation grise parisienne, de rêve de Yukon, de regrets de Colombie…
    Simplement deux hommes en communion avec le Jura au cœur d’une très belle journée glacée, d’une magnifique randonnée hivernale.

    Nostalgie d'un hiver jurassien Yann-Jura-2



    Original publié par Wapiti au Livistan le 17 février 2008 : peuplevoyageur.spaces.live.com/blog/cns!D76DAB0F8562EBE1!611.entry
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    Message par LaMémoire Jeu 25 Fév - 19:53

    L'heure du départ a sonné


    Les hommes avaient bien profité des journées ensoleillées, pour de longues randonnées.
    Djamel s'était remis de sa grippe et avait eu droit à sa virée en skidoo, radieux comme un gosse à qui l'on offre son premier tour de manège.
    Les travaux de réfection du chalet devaient encore attendre la fonte des neiges qui l'encerclent.
    Les 3 hommes, malgré leurs différences d'âge et d'origine, de cultures et de langages, avaient passés une belle semaine ensemble.

    Il était maintenant temps pour François de repartir vers Paris pour reprendre un avion pour le Canada.

    Yann avait aussi rendez-vous sur Paris pour le mariage de Gérard, son meilleur ami.

    Il a proposé à Djamel de rester au chalet, seul. Mais celui-ci a refusé :
    "Tu vois mon pote, j'ai kiffé rester avec toi ces dernières semaines.
    La peinture, les livres, le chalet, la neige et les randos, c'était le kif total !
    T'es un vrai frère, j'te l'dis.
    Mais te vexe pas, ça manque un peu de vie par là. Ca bouge pas assez.
    La zique, les meufs, le bruit de la ville, la teuf le soir... toute la totale, ça me manque grave !
    Et puis j'suis pas un branleur, moi. Faut que j'bouge plus loin et qu'j'me trouve du taff.
    J'ai un cousin à Lyon. Je lui ai causé hier, il me dit de venir, il va m'trouver un boss et du taff qu'il m'a dit.
    T'es un vrai pote que je t'oublierai jamais, sur la tête de ma mère !"

    Il en a été décidé ainsi.
    Yann a profité du 4x4 de François pour rejoindre Paris. Il reviendra en train, en stop...
    Djamel a été largué du côté de Beaunes. Entre temps, ses potes les "reubeus" l'ont appelé pour lui dire qu'ils arrivaient. Quelle surprise ! Ils devront le récupérer à la sortie d'autoroute où il les attend.

    Le chalet a retrouvé son calme, et un semblant d'ordre. Les clefs sont cachées à l'endroit habituel.
    Djamel sait que s'il a un souci il pourra revenir se reposer, se planquer ici, avec la bénédiction de Yann.
    Yann quant à lui ne sait pas encore s'il reviendra de suite après le mariage de son pote ou profitera de son invitation à rester quelques jours ou semaines en profitant de la future chambre de Vigdis (anciennement Nathan Pierre Amono pour celles et ceux qui auraient du mal à suivre) avant que celle-ci ne vienne au monde.
    François est ravi de son escapade jurassienne, mais aussi heureux de retourner dans son Yukon sauvage et enneigé.
    Les voilà tous trois repartis vers de nouvelles aventures, en solo...

    Original publié par Wapiti au Livistan le 23 février 2008 : peuplevoyageur.spaces.live.com/blog/cns!D76DAB0F8562EBE1!655.entry
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    Message par mamina Jeu 25 Fév - 23:44

    Bien sympa de retrouver ces textes !
    J'ai aussi la nostalgie des portraits de voyageuses initiés par Pondy, je les avais copié et de temps en temps j'y retourne... je ris toujours autant et je suis toujours aussi épatée par vos talents d'écriture !
    Merci Wap'
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    Message par Wapiti Ven 26 Fév - 13:22

    Oui, Mamina, moi aussi j'ai sauvegardé quelques merveilles que je relis de temps à autre avec bonheur... Nostalgie d'un hiver jurassien 863782
    Malheureusement d'autres trésors ont disparu...


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    Message par Skyrgamur Ven 26 Fév - 14:04

    Merci La Mémoire d'avoir fait ressurgir ces textes.
    C'était à la grande époque où Pondy pondait de jolis portraits, où nous étions bien dans la grande ville d'en face, à l'époque où les citadins d'en face n'étaient pas en perpétuelle guéguère, à l'époque où nous avions toutes de l'inspiration...


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    Message par Invité Ven 26 Fév - 17:49

    Ben c'est vieux tout ça.

    On avait continué quelque temps (ailleurs, je donnerai les infos en privé)et Djamel avait continué sa vie.
    Je vous en met une tranche, il manque le texte précédent qui ne m'appartient et que je ne peux transcrire.

    Ca fait un peu décalage avec le Jura mais bon ...
    _______________________________________________________________________________________

    Djamel, mon petit Djamel, cà fait plaisir de te retrouver ici.

    Dédé, c’est bien tout ce que tu racontes mais tu restes à la surface des choses, creuse Djamel, creuse.

    Dédé n’est pas qu’un rmiste qui dort sur le goudron fondu qui renvoie encore la chaleur les nuits d’été, c’est pas qu’un mec largué par sa femme, viré par sa boîte, c’est plus encore.
    Il te dit qu’il est un privilégié de l’errance. Mouais, ça t’arrange de le croire, comme lui, ça l’arrange de le dire.

    Mais Dédé, il est comme les autres, il a besoin de repères, de rythme, de routine. Ca lui prend sa journée au Dédé pour trouver la bouffe, il se sert toujours aux mêmes poubelles de supermarché,il va toujours boire son bol de soupe chaude, l’hiver, au secours populaire, c’est là où y’a le moins de bordel, il s’assoit toujours au même endroit, le matin vers chez Hamid, le soir sous le porche de la bnp. Sa vie n’est pas aussi chaotique que t’imagines.
    Il a choisi l’exclusion parce qu’il est exclu de lui-même depuis toujours. C’est comme ça Djamel.

    Comme toi qui aimerais bien être célèbre avec le rap et avoir du fric, il a eu tout ça et ça a marché pendant longtemps, puis ça a foiré. La dégringolade, ça fait mal mais ça l’a rassuré, il était enfin à la place où il devait être. Exactement la place qu’on lui a donné quand il était môme, sous la table ou sous son lit pour recevoir le moins possible les castagnes de son père imbibé. Jusque là il a toujours eu l’impression d’être un usurpateur d’identité et d’ailleurs il est pas foutu d’en garder des papiers d’identité.

    La rue, c’est un monde dans le monde. Un monde de violence, un monde où tu fous tes pompes au fond du sac de couchage sinon tu les retrouves plus. Un monde où on te met au ravalement (ça veut dire où on te rackette), un monde où on te troue au couteau ou au cutter pour que tu files illico les ronds de la manche. T’y croises tous les accros, du pinard, de la bière, de l’héro,
    T’as aussi des vrais potes quand ils sont à sec.
    Mais, surtout, t’as la solitude Djamel.

    Retourner à la vraie vie avec un toit, c’est pas qu’il voudrait pas, c’est qu’il ne peut pas. Il étouffe maintenant enfermé entre quatre murs. Il faudrait voir la clique des assistantes sociales coincées, des psy de la réinsertion, des travailleurs sociaux pressés, et ça, il a donné et il ne veut plus en entendre parler.
    Il préfère encore les regards condescendants, la gentillesse des riverains qui lui file quelques euros ou un sandwich de temps en temps,
    Et tu sais ce que c’est son rêve ? Parce que même les clodos ça rêvent.
    Il voudrait voir son fils qui doit avoir dans les vingt ans comme toi. Il sait même dans quelle ville il habite son fils. Mais il ne le fera jamais.
    Parce qu’ il a honte Dédé.

    Et la honte, Djamel, ça te colle à ton carton ramolli, ça te coupe de n’importe quel élan, même celui si puissant d’apercevoir un instant le visage de ton gamin.

    J’habite toujours au bloc D, si ça t’branche de passer ….

    Djamila.
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    Message par Wapiti Ven 26 Fév - 18:18

    Skyrgamur a écrit:C'était à la grande époque ... où nous étions bien dans la grande ville d'en face, à l'époque où les citadins d'en face n'étaient pas en perpétuelle guéguère, à l'époque où nous avions toutes de l'inspiration...
    Vrai pour l'inspiration, mais faux pour la grande ville et ses citadins : nous avions déjà dû nous exiler à l'époque de cet hiver jurassien. Le Peuple Etrange était déjà au Livistan, c'en était les débuts d'ailleurs, débuts prometteurs...


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    Message par Wapiti Ven 26 Fév - 18:26

    pondy a écrit:Ben c'est vieux tout ça.
    On avait continué quelque temps (ailleurs, je donnerai les infos en privé)et Djamel avait continué sa vie.
    Je vous en met une tranche,...
    Nostalgie d'un hiver jurassien 863782 Oui, Djamel avait fait parler de lui aux côtés de Dédé...
    ... mais aussi sous la plume de Lutine au Livistan, il avait vécu de belles aventures que La Mémoire nous ressortira un jour. Nostalgie d'un hiver jurassien 626800

    pondy a écrit:... il manque le texte précédent qui ne m'appartient et que je ne peux transcrire.
    En posant la question à l'intéressée, elle pourrait peut-être nous le (ré)offrir ce texte... non ? Nostalgie d'un hiver jurassien 443927 Nostalgie d'un hiver jurassien 626800


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