C'est juste le récit d'une journée ordinaire en Moscovie (ou presque), celle que j'ai vécu aujourd'hui... C'est Lahaut qui va encore raler parce qu'il n'y a pas de photos et beaucoup de bla-bla. D'habitude, je ne prends pas la peine de raconter in extenso ce que j'ai fait dans la journée, mais comme il pleut dehors et que je m'ennuie dans le café où je me suis réfugiée, je le fais quand même. Et puis, c'était tellement typique de la Russie, cette journée, que je ne peux m'empêcher de vouloir le partager... Je le poste tel quel, sans réelle relecture, alors que la journée n'est même pas encore terminée et cela manque certainement de recul et d'effort sur le style. Mais comme dirait Lilie, si on écrit ou ré-écrit son carnet de voyage à son retour, ça devient un carnet de maison...
Comme toujours en Moscovie, lorsque l’été arrive, il ne faut pas compter faire une grasse matinée. Comme il gèle à peu près la moitié de l’année, il ne reste plus que l’autre moitié pour faire tous les travaux nécessaires dans la ville. Dès que les beaux jours reviennent, toute la ville se transforme alors en un immense chantier. Et dans le quartier où je squatte un lit, ils refont tout. Des routes jusqu’aux balcons des appartements. On appelle ça, les « Remont », et c’est vrai que cela donne l’impression que c’est tout le pays qu’on remonte.
Les ouvriers qui travaillent tout l’été sur les différents chantiers de la ville, les Russes les appellent les Tadjiks. La majorité d’entre eux viennent effectivement du Tadjikistan, juste pour la saison. Alors, même lorsqu’ils ne sont pas Tadjiks, on les appelle les Tadjiks. Et avec beaucoup de cynisme, j’oserais dire que c’est bien pratique tous ces « Tadjiks ». Ils sont toujours prêts à faire tous les boulots pour récupérer un peu de sous. Alors dès qu’on a besoin de faire un truc, genre porter quelque chose de lourd, ou déménager un meuble, ou réparer un truc dans la maison, il suffit d’appeler dans la rue et ils accourent.
Il y en a un qui travaille dans la cour de l’immeuble où j’habite avec lequel j’ai tapé un brin de causette un jour. Il m’a expliqué qu’il était médecin au Tadjikistan mais qu’il ne gagnait pas assez. Alors, il venait pendant quelques mois à Moscou, travailler au black pour renflouer les caisses. D’autant que sa fille va se marier cet été. Il y a 1500 convives de prévu, c’est à lui de tout payer, alors il vient refaire quelques rues moscovites pour ne pas décevoir sa fille. J’ai toujours un pincement au cœur en songeant à tous ces gens qui ne peuvent vivre du métier pour lequel ils ont étudié pendant des années.
Puisque on m’a tiré violemment de mes doux rêves enchantés et que je ne peux pas me rendormir avec le boucan qui monte de la rue, je me décide à me lever. Je ne suis pourtant pas très motivée pour m’activer. C’est profilaktika en ce moment à Moscou. Profilaktika, c’est le truc que connaissent et redoutent tous ceux qui vivent ou ont vécu en Russie. Deux fois par an, avant et après l’hiver, la municipalité contrôle tous les tuyaux qui courent sous la ville, pour s’assurer qu’ils n’ont pas gelé ou qu’ils ne gèleront pas et pour les nettoyer. Alors pendant deux semaines, on n’a plus une goutte d’eau chaude.
L’été ce n’est pas trop grave. S’il fait chaud, on s’y fait vite aux douches glacées. Mais quand il fait froid ou humide, c’est chiant. Il faut s’adapter, trouver des solutions alternatives. Les plus aisés s’inscrivent dans des salles de sport pour profiter de la douche. Les autres font installer des ballons d’eau chaude dans leur salle de bain. Mais quand on ne peut faire ni l’un ni l’autre, on se débrouille avec les moyens du bord.
Et ce matin, justement, il pleut. L’idée même d’une douche glacée me fait frissonner. Je reste quinze bonnes minutes à me demander si je vais avoir le courage d’y aller à l’arrache ou si je prends le temps de faire chauffer de l’eau que je répartirai ensuite dans des casseroles que j’emmènerai avec moi dans la salle de bain. Finalement, je décide que je n’ai pas le courage de tout organiser pour prendre un semblant de douche chaude et opte donc pour la douche glacée. Une douche froide, ça peut sembler pas grand-chose. Mais l’eau en Russie, elle est vraiment très froide. Et le matin, ça demande vraiment une énorme dose de motivation. Surtout quand cela dure pendant quinze jours
Pendant que je me prépare tranquillement, j’en profite pour faire une petite lessive afin de l’étendre avant de partir me promener. J’ai un joli pull écru que j’adore et qui m’accompagne partout en voyage. C’est idiot mais si je le perdais, je serais vraiment très triste. Comme une idiote, j’ai eu un réflexe de française et je l’ai mis à la machine. Grossière erreur ! Le pull ressort tout blanc immaculé. J’avais oublié qu’en Russie, la lessive est à ce point puissante qu’elle lave même les couleurs. J’avais pourtant déjà connu ce genre de mésaventures, j’aurais du y songer. Ne jamais compter sur des produits russes pour des opérations délicates, c’est la règle numéro 1 dans ce pays. Bon et bien maintenant, j’ai un joli pull blanc qui va m’accompagner dans tous mes voyages à venir.
Il ne pleut plus quand je sors enfin de l’immeuble. Il y a de gros nuages qui se massent au dessus de ma tête mais je décide d’être optimiste et opte pour une longue balade en dehors du centre ville. Je me dirige donc vers le métro, avec la ferme intention de m’installer dans une rame et d’aller jusqu’au bout de la ligne. Il n’y aura certainement pas grand-chose à voir au bout, mais me promener dans les quartiers où il n’y a rien à voir, en Russie, reste l’un de mes plus grands plaisirs.
Marcher dans les rues avant ou pendant la pluie, ce n’est jamais simple. Avec le gel, les trottoirs sont complètement défoncés. Il y a des crevasses partout qui se gorgent d’eau et piègent le piéton distrait. Quant aux voitures, elles n’ont aucune considération pour les marcheurs et passent à toute vitesse dans les flaques arrosant copieusement les passants. J’arrive au métro trempée jusqu’aux os, dégoulinant d’une espèce de flotte à la limite de la boue et l’humeur quelque peu assombrie. Heureusement que la perspective d’une promenade, même humide, me fait garder le sourire. J’ai hâte d’y être. Malheureusement, je ne suis pas encore au bout de mes peines et à peine ai-je mis un pied dans la station de métro, je me fais alpaguer par un flic manifestement désœuvré qui me demande mon passeport.
A suivre...
Comme toujours en Moscovie, lorsque l’été arrive, il ne faut pas compter faire une grasse matinée. Comme il gèle à peu près la moitié de l’année, il ne reste plus que l’autre moitié pour faire tous les travaux nécessaires dans la ville. Dès que les beaux jours reviennent, toute la ville se transforme alors en un immense chantier. Et dans le quartier où je squatte un lit, ils refont tout. Des routes jusqu’aux balcons des appartements. On appelle ça, les « Remont », et c’est vrai que cela donne l’impression que c’est tout le pays qu’on remonte.
Les ouvriers qui travaillent tout l’été sur les différents chantiers de la ville, les Russes les appellent les Tadjiks. La majorité d’entre eux viennent effectivement du Tadjikistan, juste pour la saison. Alors, même lorsqu’ils ne sont pas Tadjiks, on les appelle les Tadjiks. Et avec beaucoup de cynisme, j’oserais dire que c’est bien pratique tous ces « Tadjiks ». Ils sont toujours prêts à faire tous les boulots pour récupérer un peu de sous. Alors dès qu’on a besoin de faire un truc, genre porter quelque chose de lourd, ou déménager un meuble, ou réparer un truc dans la maison, il suffit d’appeler dans la rue et ils accourent.
Il y en a un qui travaille dans la cour de l’immeuble où j’habite avec lequel j’ai tapé un brin de causette un jour. Il m’a expliqué qu’il était médecin au Tadjikistan mais qu’il ne gagnait pas assez. Alors, il venait pendant quelques mois à Moscou, travailler au black pour renflouer les caisses. D’autant que sa fille va se marier cet été. Il y a 1500 convives de prévu, c’est à lui de tout payer, alors il vient refaire quelques rues moscovites pour ne pas décevoir sa fille. J’ai toujours un pincement au cœur en songeant à tous ces gens qui ne peuvent vivre du métier pour lequel ils ont étudié pendant des années.
Puisque on m’a tiré violemment de mes doux rêves enchantés et que je ne peux pas me rendormir avec le boucan qui monte de la rue, je me décide à me lever. Je ne suis pourtant pas très motivée pour m’activer. C’est profilaktika en ce moment à Moscou. Profilaktika, c’est le truc que connaissent et redoutent tous ceux qui vivent ou ont vécu en Russie. Deux fois par an, avant et après l’hiver, la municipalité contrôle tous les tuyaux qui courent sous la ville, pour s’assurer qu’ils n’ont pas gelé ou qu’ils ne gèleront pas et pour les nettoyer. Alors pendant deux semaines, on n’a plus une goutte d’eau chaude.
L’été ce n’est pas trop grave. S’il fait chaud, on s’y fait vite aux douches glacées. Mais quand il fait froid ou humide, c’est chiant. Il faut s’adapter, trouver des solutions alternatives. Les plus aisés s’inscrivent dans des salles de sport pour profiter de la douche. Les autres font installer des ballons d’eau chaude dans leur salle de bain. Mais quand on ne peut faire ni l’un ni l’autre, on se débrouille avec les moyens du bord.
Et ce matin, justement, il pleut. L’idée même d’une douche glacée me fait frissonner. Je reste quinze bonnes minutes à me demander si je vais avoir le courage d’y aller à l’arrache ou si je prends le temps de faire chauffer de l’eau que je répartirai ensuite dans des casseroles que j’emmènerai avec moi dans la salle de bain. Finalement, je décide que je n’ai pas le courage de tout organiser pour prendre un semblant de douche chaude et opte donc pour la douche glacée. Une douche froide, ça peut sembler pas grand-chose. Mais l’eau en Russie, elle est vraiment très froide. Et le matin, ça demande vraiment une énorme dose de motivation. Surtout quand cela dure pendant quinze jours
Pendant que je me prépare tranquillement, j’en profite pour faire une petite lessive afin de l’étendre avant de partir me promener. J’ai un joli pull écru que j’adore et qui m’accompagne partout en voyage. C’est idiot mais si je le perdais, je serais vraiment très triste. Comme une idiote, j’ai eu un réflexe de française et je l’ai mis à la machine. Grossière erreur ! Le pull ressort tout blanc immaculé. J’avais oublié qu’en Russie, la lessive est à ce point puissante qu’elle lave même les couleurs. J’avais pourtant déjà connu ce genre de mésaventures, j’aurais du y songer. Ne jamais compter sur des produits russes pour des opérations délicates, c’est la règle numéro 1 dans ce pays. Bon et bien maintenant, j’ai un joli pull blanc qui va m’accompagner dans tous mes voyages à venir.
Il ne pleut plus quand je sors enfin de l’immeuble. Il y a de gros nuages qui se massent au dessus de ma tête mais je décide d’être optimiste et opte pour une longue balade en dehors du centre ville. Je me dirige donc vers le métro, avec la ferme intention de m’installer dans une rame et d’aller jusqu’au bout de la ligne. Il n’y aura certainement pas grand-chose à voir au bout, mais me promener dans les quartiers où il n’y a rien à voir, en Russie, reste l’un de mes plus grands plaisirs.
Marcher dans les rues avant ou pendant la pluie, ce n’est jamais simple. Avec le gel, les trottoirs sont complètement défoncés. Il y a des crevasses partout qui se gorgent d’eau et piègent le piéton distrait. Quant aux voitures, elles n’ont aucune considération pour les marcheurs et passent à toute vitesse dans les flaques arrosant copieusement les passants. J’arrive au métro trempée jusqu’aux os, dégoulinant d’une espèce de flotte à la limite de la boue et l’humeur quelque peu assombrie. Heureusement que la perspective d’une promenade, même humide, me fait garder le sourire. J’ai hâte d’y être. Malheureusement, je ne suis pas encore au bout de mes peines et à peine ai-je mis un pied dans la station de métro, je me fais alpaguer par un flic manifestement désœuvré qui me demande mon passeport.
A suivre...