Nous partons sur
la piste F208Nous sommes à la croisée de deux pistes célèbres : le Sprengisandur et le
Fjallabak.
Pour nous, c’est la F208, le Fjallabak de sinistre réputation qui nous attend, les choses sérieuses commencent.
La pluie cesse dès que nous nous engageons sur la F208.
Les montagnes qui nous entourent passent du noir mat du basalte au noir de jais brillant de l’obsidienne, les coulées de lave rhomboïdales noires truffées de cristaux scintillent sous le soleil qui succède à la pluie.
Les mousses vertes fluorescentes zèbrent les flancs ocre, rose, rouille, vert, gris, brun, jaune de ryolithe. C’est sublime. Il n’y a absolument personne, nous sommes les seuls rescapés de « la fin du monde ».
Hypnotisés par tant de beauté, nous contemplons le spectacle changeant.
Quelles merveilles.
Une petite pluie fine et un vent coulis nous glacent les os.
Nous bifurquons vers le
lac Ljótipollur (infâme bourbier) malgré la désapprobation de J-L qui n’en mène pas large.
Arrivés au bord, nous nous extasions et J-L est obligé de reconnaître que c’eût été dommage de ne pas y aller voir.
Un lac bleu-vert sommeille au fond du cratère. Les flancs sont blanc, vert, noir, turquoise, ocre, gris, rouge, pourpre….
Nous nous arrachons à regrets de cette splendeur et découvrons une montagne dont le décor fait marcher notre imagination. Chacun y voit un personnage différent.
Nous nous arrêtons au bord du
lac Frostastaðavatn et nous émerveillons encore devant toutes ces couleurs plus délirantes les unes que les autres, on dirait qu’un peintre fou y a écrasé tous ses tubes et que la peinture a giclé partout.
Le champ de lave de
Laugahraun a pour origine une éruption au XV° siècle.
Sous un timide soleil, nous franchissons les deux gués qui nous séparent du camp de
Landmannalaugar (la vallée où les hommes se baignent nus). Le niveau de l’eau est assez élevé, mais nous passons.
L’eau est tiède et je patauge avec plaisir dans la petite rivière qui mène au camping.
Un groupe de septuagénaires allemands vêtus comme Baden Powell s’escriment à monter une gigantesque tente. Le « planté de sardines » dans la caillasse n’est pas aisé !!!
Nous allons faire provision de cartes postales dans le vieux bus vert qui sert d’épicerie.
J-L escalade la coulée de lave pendant que nous allons voir de plus près de quelle roche verte est composée la montagne que gravissent des randonneurs.
Maints bras de la rivière nous barrent la route, mais nous disposons des cailloux pour nous servir de gués.
Nous touchons la colline et nous sommes ébahis de constater qu’il s’agit de sable fin et friable. Une dune du Pyla verte. Je "grave" mes initiales qui s'effaceront dès la première pluie ou le premier coup de vent;
Une dernière fois, nous contemplons les ryolithes polychromes du mont Brandsgil et les fumerolles de Brennisteinsalda.
Un dernier regard sur Landmannalaugar qui restera gravé dans notre mémoire.
En avant pour
l’Eldgjá.
Une fois les deux gués franchis, nous reprenons la F208. La route est de plus en plus mauvaise. Si nous avons croisé quelques autocars 4 X 4 aux abords de Landmannalaugar, ici, la route nous appartient.
Zut, nous avons oublié de visiter les « toilettes les plus chères du monde » (voir saga des Gilabert).
La route surplombe les méandres d’une rivière, la vue est spectaculaire.
Des mousses en tapissent les bords.
Les gués se succèdent. Certains étroits et peu profonds, d’autres un peu plus profonds mais clairs. Le onzième nous laisse perplexes, mais nous passons sans que je ne me déchausse ; les quinzième et dix-septième sont bien larges mais notre « grande expérience » nous incite à traverser. Aux vingt-trois et vingt-quatrième, ça se corse, c’est large, ça bouillonne, l’eau est boueuse. Personne à l’horizon. Je me déchausse et fais trempette. Aujourd’hui l’eau est plus froide que d’habitude.
Il me faut plusieurs minutes pour trouver le passage, le niveau de l’eau est élevé et le lit de la rivière est plein de trous. Après quelques atermoiements, N, pas trop rassuré, franchit les deux gués. Nous avons vaincu la rivière Skaftá.
Enfin, nous sommes devant l’Eldgjá (la faille du feu). C’est la plus longue faille éruptive du globe (35 kilomètres environ) dont l’éruption remonte à 934.
En 1956 le géologue B.C. Heezen établit la carte détaillée des fonds de l'Atlantique Nord, plus exactement de la dorsale médio - océanique (en 1873 on parlait déjà d'elle !!!). Le géologue venait de découvrir l'une des plus grandes fractures de l'écorce terrestre. Elle s'allonge de l'Islande jusqu'en Antarctique où elle décrit un "S ». On a du mal à l’imaginer.
Personne, pas âme qui vive, nul humain, nul oiseau, nul insecte ; le silence total, c’est comme si nous étions les seuls rescapés d’une catastrophe nucléaire.
Nous avons du mal à nous imaginer qu’à notre gauche se trouve la plaque tectonique américaine et qu’à notre droite se dresse la plaque européenne. Les bords s’éloignent de deux centimètres par an (c’est la dérive des continents). Et si c’était aujourd’hui ? Nous avons beau écarquiller les yeux, rien ne bouge …
Nous pique-niquons dans le rift devant ce spectacle insolite.
Il est déjà 16 heures , nous avions projeté de rendre visite à la cascade d'Ófærufoss qui s’élance de la lèvre nord-ouest de la faille , mais l’accès avec le 4X 4 en est interdit , il faudrait s’y rendre à pied et la balade dure 1h15 .
Question : Si nous rebroussons chemin, 1l y a 24 gués à franchir ; les deux premiers difficiles, et trois tangents. Faut-il revenir par Landmannalaugar, sachant que nous allons traîner pour admirer le paysage, ou faire le tour par le sud ?
Le sud nous semble plus raisonnable. C’est certainement plus long, mais c’est plus sage.
Nous traversons les deux premiers gués avec un petit pincement au cœur.
Nous franchissons quelques gués dérisoires et plongeons vers la N1 par les monts
Skarftártunga.
De l’herbe, des moutons, des vaches, des chevaux, des fermes, toutes ces choses que nous avions oubliées !!!!!
Vous l'aurez compris, c'est la région d'Islande que je trouve la plus belle, celle dont les paysages vous prennent aux tripes, celle qui vous bouleverse.
D'ailleurs, c'est ici que seront dispersées mes cendres (le plus tard possible !!!
Ne vous inquiétez pas, le prochain épisode sera beaucoup plus court.
Pour Lahaut : Que c'est beau
Dernière édition par Skyrgamur le Mar 1 Mar - 11:02, édité 1 fois (Raison : oubli MS)