Enlisé à Trat, je suis, sur la côte du Golfe de Thaïlande, par de fortes chaleurs, déjà, en ce début de février.
Rien grand’chose à voir, que le ballet incessant, dès le jour levé, de nuages d’hirondelles et martinets, fondant sur la ville et sa quantité phénoménale de mouches, moustiques, et cafards en tous genres.
Aussi, je m’en vais,
dans les îles.
Un chapelet qui s’offre à moi, et se perd dans le golfe : je choisis la moins touristique, une des plus éloignées, un caillou de 17*4 kms, posée verte, comme un miracle,
sur les eaux bleues que l’on sait.
Deux heures trente de hors-bord ( 2 moteurs de 250CV chacun, quand même): fraîcheur inespérée en cette phase du jour, et qui hache en noir et flash les visions fugaces de minuscules îlots, semés dans les eaux turquoises, comme dans les pages des magazines…
Au bout de l’estacade de bois brut, une île paradisiaque, un peu comme Tahiti offerte aux premiers voyageurs.
J’ai trouvé un bungalow, sur la plage même, sous les cocotiers, dont la chute des fruits représente le plus gros facteur de risque sur l’île, après bien sûr, les accidents de moto.
Me suis installé, ai mangé des fruits de mer, seul, dans un resto tout proche, ai bu de la bière, avant le bain de minuit, à 20H, cocasse : si seul..
Ai donc bu de la bière, à nouveau.
Le lendemain, très tôt, ai loué une moto, et me suis perdu le mieux possible, sur des chemins qui tous, au bout d’un temps, fleurtent avec la mer, étale et suprêmement indifférente.
J’ai vu les villages de pêcheurs du Nord, qui vivent mieux d’ailleurs de la récolte du caoutchouc, que de la mer..
Restes de mangroves, mangées de sacs plastiques qui défient le temps avec leurs slogans thaïs, qu’heureusement, je ne sais lire.
Siestes avant l’heure, de femmes et d’enfants, dans leurs hamacs, et qui à peine relèvent la tête, au son de mon passage.
Soleils et malaria, cahutes,
le long d’une piste de moto.
De retour vers la civilisation de la côte Sud, je cède aux reviviscences organiques du soir, de la fraîcheur retombée, inespérée : manger et boire, au frais.
Mais aussi,
résonner, infiniment, aux angoisses îliennes, celles nées du regard aux abois de ceux condamnés par l’omniprésence de l’eau, à espérer, d’ailleurs lointains, au-délà des mers, d’illusoires rédemptions.
Etre insulaire vous condamne à l’extraversion, alors que l’étang autour duquel vous oeuvrez, tout l’été, vous ramène sans cesse aux racines de vous-même, votre attention sans cesse ramenée à ce point central, hypnotique, :
vous.
Me redécouvre désespérément continental.
Aussi, aies-je essayé, le lendemain, des balades volontairement terriennes.
Mais, sans semonces aucunes, chaque chemin de latérite, ombré de Teaks ou d’Hévéas, vous ramène à la mer, par frondes d’échappées visuelles, ou d’odeurs marines, et de ses envahissements solaires,
pressentis.
Les plus improbables des découvertes,
fussent-elles même de chambres d’hôtes secrètes, égrenées le long de petites plages si perdues, et si francaises, qu’il ne faut plus s’y battre pour y penser anglais, et qui, langoureuses,
face à des îlots sauvegardés, ralentissent le temps, au point que nombre s’y enchaînent,
ne vous font grâce de ce simple constat :
pour vivre heureux, ici,
vous faut accepter le diktat
de l’horizon marin.
Je me suis sauvé, dès la première navette maritime,
du lendemain.