Plaisirs du jour

Hmmmm, plaisirs !!

Se préparer mentalement à la sortie, bien réfléchir à l'équipement...
Consciencieusement, enfiler le collant 'technique' sous le pantalon de toile, les 2 paires de chaussettes dont celle bien chaude ex-e-près pour...
Attraper les godillots de rando qui séchaient dans un coin de la boue du weekend dernier, les lacer avec impatience.
Attraper le bonnet (ça doit m'arriver deux fois par an au maximum !), ajuster toutes les ouvertures-fermetures de la parka.
Les gants, surtout ne pas oublier les gants ! Pas les petits en soie du quotidien hivernal, bien chauds certes et bien insuffisants en ce jour de neige, non, les 'deuxième-couche' en polaire tissée très serrée...
Et c'est parti !

Passer la porte et se régaler de la température négative ressentie dans le vent.
Se régaler de la blancheur presque éblouissante malgré le plafond gris et bas.
Blanc au sol, blanc des haies chargées, blanc des arbres plâtrés même en verticalité. Même le grillage du stade est blanc transformé en palissade !

Déneiger avec plaisir les 15 bons centimètres qui recouvrent la voiture. L'expérience : ne pas les laisser se transformer en 10 cm de glace !
Rien que cela, c'est déjà du sport...
Se relever et s'ébrouer avec autant de satisfaction que le chien du voisin qui gambade dans l'immensité blanche du stade à côté.

S'engager sur les trottoirs glissants à l'heure de sortie des cours des lycéens et collégiens du quartier et se maudire de ne pas être sortie un quart d'heure plus tôt... Trottoirs presque noirs, patinoires. Ça jacasse, ça se chamaille, ça fume, ça pollue... beurk !
Se concentrer sur le plaisir du froid qui pique les cuisses à travers les doubles épaisseurs, qui pique les doigts gelés dans les gants mouillés, qui fouette les joues et le nez aux premières loges.
Revenir au plus vite de la boulangerie, sourire aux lèvres de cette magnifique beauté d'une ville sous la neige.

S'offrir une dernière corvée joyeuse.
Ébrouer les laurels les plus fragiles, les plus chargés. Relever la table de jardin en paravent protecteur de la végétation méditerranéenne dans le jardin plantée. Protéger lavande, thym et romarin de l'année avec une bâche, de la mousse... L'avertissement : températures bassement négatives et ventées annoncées pour les jours à venir.

De tout cela, se relever et s'ébrouer une fois encore.
Constater avec satisfaction que je ressemble beaucoup à bonhomme de neige, joues rougies mises à part.

Rentrer, s'enfiler dans un pyjama chaud (il n'est que 16h30 ? peu importe !) et se préparer un chocolat chaud.

Hmmmm, plaisirs !

Quand le brouillard matinal condense sa poussière humide en flocons tendres et légers
qui virevoltent des heures durant, en arrivant parfois à blanchir le sol glacé,
et qui viennent me caresser les joues ou me piquer les yeux lors de ma marche matinale,
c'est plaisir.

Quand le vent glacial arrive à dégager le ciel et que le soleil d'après-midi illumine les toits toujours blancs de la ville dans sa gangue de glace,
fait danser les vagues bleus du lac-mer agité,
éblouit les visages rougis des passants pressés de retrouver au plus vite leurs intérieurs chaleureux,
et agasse mes élèves concentrés sur leur devoir pendant que je musarde par la fenêtre de la classe,
c'est plaisir.

Quand le soleil couchant tinte la brume résiduelle de rose et enflamme parfois brièvement d'orange ou de violet quelques nuages plus consistants,
quand l'atmosphère bleuit graduellement aux températures qui redescendent plus encore sous le zéro jamais atteint en journée,
quand il est l'heure où je rentre, le regard émerveillé posé vers les sommets lointains encore étincelants de blanc ensoleillé et l'argent forestier du mamelon voisin enneigé et glacé contre lequel la ville est adossée,
quand parfois la lune blonde me fait un clin d'oeil du côté de l'est de bleu foncé paré,
c'est plaisir.

Quand je retrouve des sensations glacées d'un hiver québécois si lointain mais pourtant vivace dans mes souvenirs,
c'est plaisir.


Voici ce que je peux écrire de la dernière dizaine de jours écoulée.
Les suivants seront ceux de vacances enneigées, et cela, c'est à l'avance plaisir.

Quand le jour s'éveille mais que le ciel n'est pas encore pleinement éclairé...
Quand les collégiens et lycéens sont encore rares et endormis sur les trottoirs calmes et glissants...
Quand en bas tout est baigné du rose orangé des lampadaires dans ce manteau ouaté qui crisse sous les pieds et embellit tout...
Quand là-haut tout est bleu de nuit qui s'en va, camaïeu de bleus de cieux glacés qui se dégagent, de nuages encore endormis, d'est qui s'éveille...
Juste quand on ne sait s'il fait plus jour là-haut qu'ici bas... ou vice versa.
Poumons qui s'étonnent d'être ainsi sollicités dans pareil froid vivifiant.
Plaisir retrouvé de ces sens sollicités dans une marche matinale pour rejoindre le travail.


Quelques minutes plus tard, à mon arrivée, l'ambiance a déjà changé.
Lampadaires hésitant entre continuer d'exister ou s'éteindre, lumière glacée plus clairement concentrée là-haut dans le ciel qui promet une belle journée.
Trottoirs dégagés de passages incessants, rives suisses proprement apparentes avec ses collines enneigées, massifs français encore engoncés dans leurs écharpes nuageuses.
Sinus qui expriment leur mécontentement face à cette balade glacée qu'on vient de leur offrir.


Quelques heures plus tard, au coeur d'une belle journée ensoleillée, l'ambiance a encore changée.
Trottoirs luisants de fonte forcée, soleil éclaboussant, blancheur éclatante du manteau qui persiste sur les pelouses, dans les creux des arbres, sur les toits...
Coteaux forestiers argentés, lointains sommets enneigés ou lac dans son écrin blanc, tout juste aperçus dans quelques trouées urbaines...
Plaisir retrouvé d'une marche, soleil pleine poire, dans une ville sous la neige.

C'est beau, une ville sous la neige...