Marylin Monroe.
Tous les soirs, j'allai diner au restaurant "Le Massalia" dont le menu à 31€ est compris dans la demi-pension de l'hôtel "Le Verdon", il me suffisait pour ça de traverser la route de Riez, bref, de marcher sur une cinquantaine de mètres. Je ne vais pas épiloguer sur la qualité de ce restaurant trop axé sur la présentation des plats à tel point que je qualifierais cette cuisine de narcissique car, à l'évidence, le chef aime bien rechercher la gratification dans la décoration artistique de ses plats plutôt que mettre de l'inventivité dans l'accompagnement des poissons ou des viandes hélas trop souvent résumé à des petits bouts de légumes drastiquement réduits à leur plus simple expression, mais harmonieusement disposé comme un peintre pointilliste le ferait avec ses tâches de couleurs. Précédemment, j'avais évoqué de rares foutages de gueule par rapport à l'ambition culinaire de ce restaurant. Un exemple? Gratin de macaronis ! Spaghettis de légumes ! En revanche, je garde un excellement souvenir des poissons, de ce filet de bœuf à la ficelle, de la soupe froide au melon de Cavaillon.
Tous les soirs, la même table, et les mêmes gens non loin de moi. Bon, la plupart, moi y compris, âgé en moyenne de plus de soixante ans. Ainsi ce couple, non loin de moi. L'homme toujours habillé pareil, tee-shirt et short, et la femme toujours habillée en noir, le visage pâle, l'air triste : elle a l'air de se demander ce qu'elle fiche là. Son mari veille sur elle, l'encourage à manger. Aujourd'hui l'âge lui a courbé l'échine, mais il y a trente ans, ça devait être un bel homme. Quand j'arrivai, on se saluait, sans pour autant entamer une conversation... jusqu'au jour où Marylin Monroe contribua à briser la glace entre nous.
Tout d'abord, faut que je vous parle d'une dame, élégante, si élégante que même ses rides lui allaient bien. La femme qui l'accompagnait, eh bien j'ai cru que c'était son amie mais non, juste une relation de curistes habitant le même hôtel. Je les ai vues mon premier jour à Gréoux, dans le village sur la colline. Nous étions attablés sur une terrasse de bar, la pluie s'annonçait, alors il a fallu rapprocher les tables pour que tout le monde puisse s'abriter sous les grands parasols. Comme nous étions si proches, la conversation à trois a bien fini s'ouvrir. Pour simplifier le déroulement des lignes qui suivent, il me faut affubler d'un prénom les intervenantes, et pour bien montrer leur différence, appelons la dame élégante Hélène, l'autre... euh... Raymonde. J'écoutais distraitement les propos de Raymonde, elle était très nature, adorait marcher, mais Hélène ne comprenait pas ces gens qui partaient en randonnée juste après les soins en cure, elle préférait se reposer. Raymonde aimait bien cueillir le romarin, le thym, les étaler sur papier journal pour les faire sécher (me semble-t-il), cela fit sourire Hélène qui préférait les acheter au supermarché. Puis, je ne souviens plus pourquoi, Napoléon vint s'immiscer dans nos dialogues, ce qui fit taire Raymonde. Hélène a un fils qui possède une belle bibliothèque, elle a lu des ouvrages sur l'Empereur, elle ne paraissait avoir une grande admiration pour ce personnage, moi non plus... mais oui, mais oui, bien sûr, nous vivons toujours dans cette nostalgie d'un passé grandiose de fureur et de sang, oui, bien sûr, il y a le code civil, toute cette organisation de l'état jusqu'au moindre détail, etc., etc., qui structure toujours notre société, mais enfin cela a couté si cher à la France, terriblement cher - les thuriféraires du personnage n'évoque jamais les trois ou quatre années d'occupation très dure qui résulta de cette aventure personnelle hors-normes.
La pluie avait cessé. Raymonde se leva pour aller payer leur consommation. J'en profitai pour dire à Hélène combien j'appréciais son parfum à la fois subtil et sensuel. Elle arbora un petit sourire satisfait. Ah c'est sur, ajoutai-je, vous ne l'avez pas acheté chez Monoprix ! Elle se mit à rire. Vous savez, j'aime bien aussi Monoprix ! Sur ce, Raymonde revint, Hélène se leva et je m'apprêtai à leur dire au revoir. Non, je vous ramène à votre hôtel, proposa-t-elle, nous sommes venus en voiture.
Sa voiture, je ne sais quelle marque, en tout cas, en montant derrière, je constatai à quel point sa berline est spacieuse, confortable. Elle me déposa sur le parking de leur hôtel 4 étoiles, le mien est en face, de l'autre de la route Riez, un 3 étoiles
Il y avait donc une étoile entre nous, c'est tout dire !...
Maadadayo !