Il faisait très froid. Le frimas entêtant glaçait les routes, les champs et nos cheveux, si toutefois nous nous attardions dehors trop longtemps.
Le parking de l'hypermarché était plein et je fus obligée à garer ma vieille Ford Fiesta loin de la porte d'entrée, près d'un jeune alisier.
En sortant de la voiture, je demandai l'heure à une dame qui rangeait ses courses dans le coffre d'une Clio. Elle me répondit qu'il était à peine 15h30, mais qu'avec ce foutu temps on avait l'impression d'être déjà le soir.
Je fis "hum" pour lui montrer que j'étais d'accord avec elle.
Je ne possédais pas un tempérament très bavard. Cela m'arrivait de parler longuement, mais cette capacité à m'exprimer demeurait extrêmement limitée et la plupart du temps, quand quelqu'un me parlait, je me contentait de lâcher un "hum", passif et sans éclat.
Parfois ce "hum" était accompagné par un sourire, mais là j'avais oublié de le faire.
A l'intérieur du magasin, il faisait doux. Mes doigts de blancs devinrent très vite violacés. Mes pieds en revanche, continuaient à être engourdis en dépit de mes efforts pour les réchauffer.
Je les frottais discrètement derrière le rayon des livres pour enfants, lorsqu'une femme entre deux âges, confortablement émmitouflée dans un manteau de fausse fourrure, me dit sur un ton de désapprobatin maternelle, que ce n'était vraiment pas le moment de porter des petits tennis.
Je lui souris. Les semelles de mes tennis étaient trouées et les bouts de carton que j'avais mis à l'intérieur n'étaient pas assez épais pour me protéger du froid.
Je lui souris. C'était le mois de Noël et j'avais envie d'être gentille ; c'était le mois de Noël, et pareil à tous les autres mois de Noël, j'avais le spleen.
Le magasin fourmillait de monde. Les clients se bousculaient comme s'ils avaient peur que tout à coup, il ne restât plus rien sur les étagères.
Mon caddie roulait cahin-caha devant moi, poussé tantôt par la volonté de la foule tantôt par la mienne.