Entre monastères et lacs au Petit Tibet Indien

Phyang. Phyang !
Mais c’est toute l’aventure de Gérard qui me soulève le cœur en repensant à Phyang !
Et c’est cette impression de marcher sur les traces d’un ami, de revivre une histoire, qui m’a parcourue l’échine lors de notre approche dans la vallée verte cultivée avant d’atteindre le gompa, lors de la visite de ses intérieurs…
Comme Gérard et avec respect, je passe sous le porche surmonté de son cerf, sa biche et sa roue du dharma dorés, et j'actionne les moulins à prière…
Comme Mado, je frissonne devant les animaux empaillés, ossements et peaux abrités par une petite salle à lourde et belle porte de bois sculptée, je contemple ici le fameux chörten, là les masques effrayants, la plaine fertile au pied de la colline…
J’ai l’impression d’entendre dans le silence monastique les musiques festives du Gang Sngong Tsedub…
Je cherche du regard, amusée et malgré moi, les personnages de Gérard, Mado, Vigdís, Dinghzong… Ce bonze là, tiens, il pourrait bien correspondre à l’image que je me suis faite de lui !
Bulle-sourire…

Lamayuru et les jeux de nuages.
A Lamayuru, le temps était très orageux et le ciel nous offrait un véritable spectacle, les nuages noirs se déversant en ondées blanches sur les sommets environnants, nous tournant autour très menaçants, jouant parfois à laisser percer un rayon de lumière pour illuminer une petite parcelle blonde de blé, un chörten éclatant de blancheur, le paysage de craie jaune de Moonland, cette zone surprenante au milieu de cet univers minéral de gris tendant par endroits vers le rouge… C’est ce spectacle naturel, ce sont ces luminosités qu’il me reste en mémoire de Lamayuru.
Et cette luminosité bien particulière vécue sous l’abri d’un préau, devant la petite cour douchée de l’averse orageuse, dans l’attente de la traversée pour rejoindre les fresques murales et la belle porte menant à la grande salle promise à la visite. Cette attente, cette brève mais abondante averse, cette luminosité éphémère, ces jeux d’eau et de lumière, cette ambiance là. Et la pureté de l’atmosphère et des couleurs des bâtiments, des chörtens, des drapeaux à prières qui claquent au vent, qui s’ensuivit…
Lamayuru, bulle de lumières d'un jour d'orages.

Spituk
Du gompa lui-même, intérieur et extérieur, je n’ai que peu de réels souvenirs, certes quelques clichés, mais c’est le troisième du jour, le dixième au moins depuis le début du circuit, c’est la fin d’après-midi…
De Spituk, ce sont ces cinq petites mais longues minutes d’attente devant le dukkang fermé qui me restent fondamentalement gravées dans l’âme. Là, trois vieux bonzes à la démarche lente et difficile ont grimpé laborieusement les escaliers aux marches trop hautes pour eux, pour venir nous tenir compagnie. Enfin assis sur le tapis mousse adossé au mur, l’un d’eux m’invite à le rejoindre. Un deuxième arrive et s’installe en souriant. A gauche, les escaliers qui donnent sur la cour et où le reste du groupe papote, en face, une roue de la vie peu épargnée par les affres du temps, à droite les quatre gardiens grimaçants du monde et de la porte de bois rouge close, derrière moi… peu importe. Nous sommes deux, copines, assises en tailleur, encadrées par nos deux bonzes de pourpre et or, silencieux et aux yeux pétillants de bonheur au milieu de leur visage irradiant de zénitude dans leurs rides cuivrées.
Nul besoin de parler, juste sourire. Nul besoin de réfléchir, juste savourer. Cinq si petites mais si longues minutes de bonheur simple.
Bulle zen...

Alchi est un énième gompa dans ce voyage ladakhi. Un énième, mais pourtant différent, unique en son genre…
D’abord, ce gompa là n’est pas haut perché et isolé sur un rocher ou au-dessus du village ; au contraire, il est plutôt au cœur de celui-ci, légèrement en contrebas puisque c’est une allée faiblement descendante qui nous y mène, bordée de boutiques de marchands… On aime ou on n’aime pas cette allée mercantile, mais en cette matinée tranquille où les marchands sont zens, où peu de touristes circulent, où rien ne s’impose, j’ai trouvé cette approche plutôt agréable.
Ce gompa-là, puisqu’il n’est pas haut perché, ne nous propose pas escaliers à hautes marches, toits terrasse exposés au soleil claquant et autres escalades habituelles... Non, ici, les salles se succèdent en terrain plat, de petite cour ombragée en petite cour ombragée, joliment agrémentées de fleurs colorées. Sous le couvert, il fait délicatement frais, juste comme il faut, et cela sent délicieusement bon, faute à la multitude d’abricots ici encore accrochés aux branches, là tout juste récoltés à finir de dorer dans leurs cageots, ailleurs en reliques de noyaux séchant en tas au soleil…
Et dedans ce gompa-là, c’est pareil et c’est à la fois différent. C’est toujours aussi chargé de statues, d’offrandes, de tangkas, de peintures murales… mais ces représentations peintes sont pourtant légèrement différentes dans leurs formes et couleurs, puisque de bouddhas il est toujours question. Dans ce gompa-là, ce ne sont pas des peintres tibétains qui ont œuvré, mais des artistes cachemiris. Je ne peux pas dire que c’est plus beau ou que j’aime mieux, juste que c’est différent et que cette légère différence n’est pas désagréable dans cette ribambelle de gompas visités.
Alchi : du plat, de l’ombre, des fleurs, des effluves abricotières… hmmm, bien agréable cette gompa-bulle qui s’éloigne déjà.

Rizong comme un trésor.
L’approche et l’arrivée sur le gompa me renvoient aux mêmes sensations qu’au bout du canyon coloré de Petra débouchant sur le « Trésor » jordanien, magnifique façade rose orangée nabatéenne. Une route improbable qui serpente à flanc de parois abruptes filant loin vers le bas et haut vers le ciel pétant de bleu et blanc, dans un défilé de roches lumineuses ou ombrées qui se resserre, pour déboucher au détour d’un virage sur ce trésor ladakhi, cette façade blanche en partie éclatante du soleil de fin d’après-midi. Surprenant, magnifique.
L’accueil souriant d’une quinzaine de moinillons aux yeux qui pétillent, aux joues rougies, propres et droits dans leurs tuniques rouge et or, qui nous attendent sur les premières marches, dos à cette façade étincelante. Comme une volée de moineaux qui s’envole au son de la cloche dans les clac-clac de leurs claquettes qui les mènent en courant en classe.
Avant la visite, le plaisir d’un thé rapidement servi dans cette première cour fraiche où les sons de la classe nous parviennent, le plaisir d’une pause en lenteur bien méritée après cette très chaude après-midi de marche…
Nous sommes seuls, seuls visiteurs, seuls touristes, et au fond de cet univers rocheux haut perché loin de toute civilisation, au-delà des bruits étouffés de la vie du gompa, c’est le silence qui domine.
Une fin d’après-midi lumineuse, le silence, la solitude. Plaisirs simples.

Samtanling…
Pour sa beauté extérieure, son beau porche d’entrée de bois rouge et or, son escalier de rouge aux murets blancs qui mène à sa belle façade colorée et éclatante, légèrement différente des autres il me semble (ne me demandez pas en quoi, je suis incapable de l’expliquer, c’est juste que je l’ai ressenti ainsi).
Cet escalier sur lequel le groupe s’offre un quart d’heure de méditation silencieuse, faces aux tièdes rayons du soleil couchant de la Nubra, dans la quiétude de ce gompa désert où seules résonnent les interpellations et injonctions des moinillons de l’école voisine en plein exercice de tsod-pa, ces débats aux allures de joutes verbales. Pour ces instants paisibles.
Enfin, pour cette belle promenade vespérale dans le village qui s’ensuivit… mais ceci emplira une autre bulle qui s’envolera bientôt.

Une envolée de petites gompa-bulles pour finir :

Shey, sa plaine de chörtens blancs qui s’étend à ses pieds et son bouddha géant dont on admire le visage serein au premier étage…

Wanla duquel la vue sur les travaux agricoles m’a bien plus inspirée que l’intérieur noirci de fumée de sa petite salle aux odeurs de renfermé et la crasse de ses abords…

Diskit et le plaisir d’arpenter en quasi-solitude le sentier rocheux qui mène du gompa au bouddha géant tout récent qui domine le village et la vallée de la Nubra…

Tak Thok, pour son nom rigolo et pour sa grotte de méditation, agréablement froide en cette après-midi caniculaire et son plafond collant comme du chewing-gum duquel pend une kirielle de billets de roupies-offrandes…

Plop ! Pop ! Pop ! Plop !

Les chörtens, ce sont des stuppas tibétains... ça t'avance bien, non ?

En fait, des constructions de pierres, briques de terre et plâtre, généralement blanchies (de plâtre) régulièrement, et conservant en leur sein le corps ou des reliques de saints, de grands lamas, voire des textes sacrés...
Il convient de tourner autour pour gagner des "mérites", c'est-à-dire compenser par des actes positifs ses actes négatifs pour améliorer son karma... et toujours par la gauche la circumambulation !


La dernière photo est un bel exemple de chörten

Entre les gompas, il y a la route et des balades pédestres…
Et quelle route ! Mais partons d’abord en balades ladakhies…

Petites balades ou plus longues randonnées, parenthèses de marche en haute altitude.
Plaisir de tâter du pied et de la main du caillou himalayen, de brasser poussières ou sables indiens, de sentir la caresse des herbes folles qui bordent le chemin, celle de l’ombre fraiche des peupliers, saules, abricotiers ou pommiers qui bordent le sentier ou la route, tout comme la poigne du soleil qui tape dur ici, de humer les fragrances florales, arboricoles ou agricoles locales, de découvrir la petite flore qui croît en ces espaces improbables, de goûter aussi de l’eau froide des topkos, ces torrents qu’il nous faut traverser à gué tant bien que mal…
Plaisir de se dégourdir les jambes entre les longues heures de route, plaisir de tester notre souffle et notre énergie aux 3600 mètres et plus que nous affrontons, à leur faible teneur en oxygène et faible pression atmosphérique qui fatiguent nos organismes.
Plaisir de prendre le temps d’apprécier cette nature à rythme piéton, de goûter du temps qui passe à rythme bouddhiste…

Cela donne des bulles, de volutes de fumées, aux saveurs diverses mais au plaisir quasi-identique…