par imanachnuelohim Mar 29 Juil - 22:13
JOUR 23
Mais qu'y a-t-il à voir là-haut ? Qu’est-ce qui m’a poussé à rouler dans cette région désolée ? Pourquoi perdre une journée dans cet enfer d’houille où sont plantés des corons d’un temps ? Eh bien justement, c’est pour voir les corons. Pour voir ces maisons si typiques qui ont fait la solidarité d’une population. J’apprends par un guide que ces corons étaient plus qu’une demeure : c’était une collectivité, un monde unique, une société indépendante, un art de vivre. Les propriétaires miniers en avaient le contrôle, ils conditionnaient leurs ouvriers ainsi que leur famille en leur proposant ces habitations avec toutes sortes d’avantages en nature : potagers, écoles, soins médicaux, églises. De plus, pour occuper le temps libre de ces travailleurs de force, les propriétaires terriens organisaient des kermesses, des événements sportifs et tout autre style de manifestation culturelle, sociale et traditionnelle pour les conditionner exclusivement dans cet univers infernal.
De nos jours, les vrais corons ne sont plus. Ou tout du moins sont devenus rares. Les nouveaux corons alignés, construits plus tard, ne reflètent plus l’âme de cette activité qui fut jadis prospère. Quant aux mines fermées une à une à partir des années 70, elles perdurent difficilement en musée, car aujourd’hui l’économie est insuffisante pour être investie dans ces trous de l’histoire. Pour vous donner un exemple, aujourd’hui où le temps s’y prête à merveille (temps gris et couvert), il est 14heures, et je suis le SEUL visiteur pour explorer une mine-musée à Bruay-la Buissière… Les touristes dédaignent et délaissent cette région, qui pourtant à beaucoup de choses à nous montrer et à nous apprendre. La solidarité, la souffrance, l’espoir, l’endurance, la force de caractère sont autant de vertus que nous pourrions percevoir dans le cœur de chacun de ces habitants.
Pendant deux heures, je découvre la vie des mineurs de fond par la visite des lieux noirs et des explications du guide. A certains moments, je peux même éprouver la difficulté du travail en jaugeant le poids des outils et en mesurant physiquement les tâches qui incombaient à ces houilleurs. A la sortie de la galerie souterraine, je suis profondément peiné par la tristesse que je lis dans les yeux de l’accompagnateur à cause du peu de fréquentation touristique. Il est si désespéré qu’il me demande de prendre avec moi, plusieurs dépliants du musée pour que je puisse les disposer sur un autre présentoir d’un autre site touristique que je visiterai. Et ce n’est pas les 2 € de pourboire que je lui ai donné qui me consoleront de mon abattement émotionnel.
--- Km 4055 : Ces kilomètres perdus en valaient bien la peine, car j’ai découvert des qualités humaines bien plus profondes que dans mes compatriotes de tous les jours.
Dorénavant, je file sur ce qui sera ma dernière escapade de ce tour de France 2013, située en région parisienne. Elle sera aussi éclatante que celui qui occupait ces lieux. Rien que l’évocation de son nom à travers le monde fait penser au faste démesuré d’un monarque absolu : le château de Versailles !