23 octobre 2007
Resplendissante, encore et toujours
Je suis partie ce matin avec Karek, un petit mec avec qui j’avais papote plusieurs fois dans la rue. Je voulais aller a Sedimen, vers l’Est de l’Ile, puisqu’on m’avait dit que le coin etait sympa. La moto me parait l’ideal a Bali: ca me permet de profiter pleinement des paysages, on peut s’arreter quand onveut pour une photo et puis surtout, ca permet d’aller la ou les agences de voyage ou les bemos ne vont pas. Joe Dassin aurait pu chanter “A Bali, en moto, on depasse les bemos!”... La moto, c’est aussi le meilleur moyen pour inspirer tous les parfums qui viennent des champs, de l’encens, ou des epices... moins bien pour les gazs d’echapement! De toute maniere, meme a l’abri d’un mini-bus, on se les prend les fumees noires des camions surcharges!
On quitte Ubud en debut de matinee, beaucoup de circulation , je suis un peu crispee a l’arriere de la petite japonnaise mais apres avoir avale quelques virages, l’assurance est vite revenue! Puis, sortis de la route principale, bien vite le trafic s’amincit, et ce n’est plus les pots d’echapement qui nous entourent, mais de belles terrasses gourmandes et voluptueuses, taillees comme les hanches des Balinaises. Les petites routes etroites defilent sous notre deux roues alors que nous montons petit a petit vers Sedimen, laissant apercevoir le volcan Agung occupe a produire des nuages.
Nous nous arretons au bord d’une riziere, Karek m’invite a traverser le ruisselet qui la separe de la route afin d’apprecier depuis ses terrasses, la vallee qui s’offre la-bas au loin. Il faut en fait etre funambule pour se deplacer a travers ces champs de riz, puisque les terrasses sont en fait des bas separes seulement par de minces cloisons de terre recouverte de vegetation. Karek m’a montre et expliquer le systeme ingenieux d’irrigations, les terrasses etant en fait de vrais gruyeres par lesquels s’acheminent l’eau des montagnes. De petits canaux se faufilent dans le sol, et debouchent sur les terrasses cultivees en escalier. L’eau peut ainsi s’ecouler et arroser toutes les cultures. Mais cet ingenieux systeme, utilise depuis des siecles, est bien complexe puisque les Balinais choisissent d’arroser telles ou telles terrasses selon les besoins de la culture qui s’y trouve. Ainsi, j’etais en equilibre entre deux bassins de riz, celui sur ma gauche en train d’etre irrigue, avec dix centimetres d’eau s’ecoulant de la terrasse du dessus, et le bassin sur ma droite, a sec, avec le sol encore frais. Mecanisme tres ingenieux donc, mais qui necessite un entretien regulier, ce qui ne va pas sans dire, puisque pendant la saison des moussons, il n’est pas rare que les canaux sous-terrains se bouchent de boue avec les pluies diluviennes qui descendent des montagnes.
Nous remontons sur la moto, traversons Sedimen, et empruntons une petite route qui descend dans la vallee. La vegetation est dense et nous protege du caniard qui tape deja suffisement fort a cette heure-ci. La route se retrecie encore un peu plus, se defonce par la meme occasion, bien sur. Pas facile pour le dos, mais je me console en me disant que les vibrations, c’est bon pour la cellulite! Ces pistes nous menent de virages en villages, bien loin des hordes de touristes et c’est ce que je voulais: le Bali rural. A plusieurs reprises, Karek fait demi-tour, il semble prendre s’amuser autant que moi a s’enfoncer sur chemins et routes etroites qu’il ne connait pas, juste pour le plaisir de voir ou ca nous mene. Nous traversons de petits hameaux, ou l’on doit slalomer entre poules, chiens, et momes qui traversent la route. Et aujourd’hui, Made me l’avait dit la veille, c’est jour de fete a Bali. Les femmes, meme dans ces villages isoles, sont magnifiquement vetues, portant de gros paniers de fruits et d’offrandes sur leurs tetes. Elles defilent de toute part sur les bords des routes, se rendant au village. Les odeurs de viande grillee ne tardent pas a chatouiller mes naseaux. De petits cochons de lait sur broche cuisent non loin de la route, partout ou nous passons. Karek m’explique qu’aujourd’hui, c’est la fete du cochon... donc on lui fait la fete. Nous croisons aussi des hommes, transportant sur leurs epaules ces memes cochonnets, suspendus sur de longs bambous.
Jour de fete n’empeche pourtant pas certains de travailler dans les champs, les cultures n’attendent pas et ne connaissent pas le repos...
En passant a travers tous ces villages, les gamins me faisaient de grands sourires (a Bali, pas de casque sur la tete en dehors des bledes), ou me saluaient de la main, tout etonnes de voir une blanche par ici. Parfois, a Bali, j’ai vraiment l’impression d’etre une celebrite! Meme dans les endroits plus touristiques, les gens sont curieux de parler avec moi, Europeenne. Certains se prennent meme en photo avec moi! Comme aujourd’hui, encore une fois.
Juste avant de revenir a Ubud, nous nous sommes arretes a Goa Gadia, la Grotte de l’Elephant, un lieu sacre. Je remontais tranquillement du bassin ou je me suis abreuvee d’une soirce censee donner la jeunesse eternelle (celle de l’esprit), quand un jeune m’interpela. Eddy vient de Sumatra mais travaille a Ubud ou sa famille est venue le visiter. Il etait donc avec sa famille lorsqu’il m’a demande mon accord pour qu’on nous prenne en photo tous les deux. Ha! Ha! Ca me fait marrer, tout ca: ils voient des Blancs a la pelle, pour eux, on reste toujours exotiques, representant cet “ideal occidental” dont nombreux revent... Et nous, a l’inverse, qui revons de leur petit paradis. C’est un peu comme la frustration d’etre sur mer quand on est a terre: a terre, face a la mer, on reve d’aller sur l’eau,voir comment c’est la-bas. Une fois qu’on y est, qu’on ne voit plus les cotes pendant longtemps, on reve de mettre pieds a terre.
Retour a mes coqs (je ne les supporte plus!). Apres cette petite escapade, retour a Ubud, ou une assiette de riz et de sardines pimentees preparee par Made m’attendait a ma guesthouse, et meme un bout de lard de circonstance en cette fete du cochon! Ensuite, tour au marche pour admirer la procession des femmes vers le temple. Il faut les voir! Toutes vetues de leurs plus belles tenues, kabayas et sarongs, ces gros paniers d’offrandes sur leurs tetes dans lesquels se consument deux a trois batonets d’encens. Qu’elles sont belles! Tant de couleurs, les kabayas aux couleurs chaudes laissant paraitre leur belle peau brune, les sarongs ficeles aux hanches par de petites ceintures en tissu, de maniere a mettre en valeurs leurs formes somptueuses, les cheveux noirs et luisants attaches ou tombant tres bas dans le dos... Une vraie toile de maitre, mais belle et bien vivante!
Apres dix jours a Bali, je ne cesse de m’emerveiller de tous ces gens, de cette vie qui grouille de partout, du mouvement, des formes, des couleurs, des goutes et des odeurs que l’on trouve aussi bien dans le Bali touristique que dans l’autre Bali, rural. Certainement tout ca qui m’a inspire le tatouage que je me suis faite cet apres-midi: beau et vivant a la maniere de cette ile.
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Lilie