Le Village du Peuple Etrange Voyageur

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    Debriefing II

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    Debriefing II - Page 7 Empty Re: Debriefing II

    Message par geob Dim 8 Mar - 4:45

    HELSINKI

                                   
                                                     

    2


           

     Le guide français.


    Nous formions un cercle autour de notre accompagnatrice et de notre chauffeur, sur la place du Sénat à Helsinki. Et nous attendions. Nous attendions notre guide, un français qui vit depuis trente ans en Finlande. Personne ne le connaissait. Pour ma part, je remarquai un homme qui semblait observer notre groupe : il avait entre quarante et soixante ans, difficile d'offrir une fourchette moins large tant il portait beau avec son blazer et ses larges épaules, ses cheveux noirs (teinture ?), et son sourire éclatant. Il finit par se diriger vers nous. Alors je dis à notre chauffeur : tiens, voilà notre guide ! Tu le connais ?  me demanda-t-il. Absolument pas, rétorquai-je. Le type fendit notre cercle, et se présenta :
    - Bonjour, je suis Patrick, votre guide. Vous êtes bien le groupe de l'Alliance française ?

    Ce Français se révéla être notre guide le plus intéressant de ce voyage. Cela fait trente ans qu'il vit en Finlande, avec une intégration réussie à un point tel qu'il nous parlait des Finlandais en s'y impliquant avec un "on" systématique : en Finlande, on est en démocratie... en Finlande, on peut croiser notre président dans un supermarché... en Finlande, on est solidaire... etc, etc. C'était, ma foi, fort sympathique.

    Patrick commença par nous raconter l'histoire de cette place où nous nous trouvions. Très instructif... mais je n'ai rien retenu. Je me rappelle tout de même l'importance de la Russie dans l'histoire et l'architecture de ce pays. Celles et ceux qui s'intéressent à la littérature et à l'histoire n'ont pas appris grand chose, à part quelques anecdotes, quelques apartés bien venues pour mettre de la respiration dans son savant exposé.

    Debriefing II - Page 7 1-07911

    Puis, mon attention finit par se relâcher, le son de la voix de notre guide me parvenait par bribes, j'étais présent et ailleurs. Ainsi, je vis l'illustration de ce que pouvait être la solitude, ou du moins l'indifférence radicale dans un endroit fréquenté.
    Qui se dissimulait sous cette armure de pacotille, un homme, une femme, et que vient faire le nom de Picasso avec cet accoutrement ? Notre guide ignora totalement cette... "performance".

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    Nous fûmes ensuite entraînés quelques centaines de mètres plus loin, et nous eûmes droit à un cours édifiant sur le fonctionnement de la démocratie en Finlande.

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    Nous restâmes un bon quart d'heure devant le Parlement avant d'embarquer dans notre car pour voir le monument consacré à Jean Sibelius, le glorieux compositeur finlandais dont le peu de musique que j'ai écouté m'a toujours laissé froid, ennuyé.

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    Réintégration du car, chacun à notre place, hop ! direction l'Eglise Temppeliaukio...

    Maadadayo !
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    Message par Wapiti Dim 8 Mar - 13:39

    geob a écrit: direction l'Eglise Temppeliaukio...
    Celle que je n'ai pas eu le temps et l'énergie d'atteindre avec mes petons, quelque peu excentrée, avant de devoir prendre le chemin du retour lors de ma courte excursion en ville...
    En même temps, je n'avais aucune certitude sur le fait qu'elle soit ouverte et de ce que j'aurais pu en voir.
    Ce sera pour une autre fois... Inch'Allah !

    J'attends donc avec impatience ton retour sur cette étrangeté, Geob. rêveur


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    Message par Lilie Dim 8 Mar - 15:18

    Geob a écrit:un cours édifiant sur le fonctionnement de la démocratie en Finlande.

    C'est a dire?

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    Message par geob Lun 9 Mar - 16:13

    HELSINKI


                                             

    3


    En fin de compte, le fonctionnement de la démocratie en Finlande s'apparente à toutes celles des pays du nord, avec cette éthique protestante bien loin de nos mœurs latines, de notre désinvolture sidérante dès que l'on séjourne sous les "lambris dorés de la république".
    Notre guide insistait avec une discrète gourmandise sur nos différences pour bien nous montrer que nous venions d'un pays de sauvages. La Finlande est tellement démocratique que tout à chacun peut devenir député. Alors là, je l'ai interrompu :
    - Il faut tout de même être adhérent à un parti politique, dis-je.
    Il s'est retourné vers moi, étonné de se voir arrêter net dans son panégyrique finlandais. - Oui, bien sûr, me confirma-t-il, un peu gêné.


    Temppeliaukio


    Nous voici devant cette église taillée dans la roche. Il parait que cela avait choqué les belles âmes et puis, le temps faisant son œuvre, il fut admis que ce n'était pas si mal que ça, et c'en même devenu un lieu touristique. Tiens, à Paris, il y a eu des cris d’orfraie lorsque le projet de la pyramide du Louvre prit corps et maintenant Paris c'est aussi la pyramide du Louvre - ainsi que la Tour Eiffel, pas très bien accueillie à ces débuts, c'est le moins que l'on puisse dire !

    Une longue file d'attente doucha l'enthousiasme de notre groupe. Notre guide montra son efficacité. Il partit acheter les billets dans un autre endroit qu'il connaissait, et cinq minutes après il revint avec une quarantaine de passes.

    A l'intérieur, c'était le souk !...

    Debriefing II - Page 7 1-1-th12

    Debriefing II - Page 7 1-1-th13


    ...Un brouhaha, des interpellations entre personnes, tout cela créait un univers bien loin d'un lieu de culte. A l'étage où se trouve les petits stands de souvenirs religieux. Une employée qui tenait la caisse enregistreuse s'emparait de temps en temps d'un micro pour rappeler aux visiteurs qu'ils n'étaient pas n'importe où : chuuut...  chuuut... faisait-elle. Ses interventions étaient d'une redoutable efficacité... pour quelques secondes... d'éternité.

    Au fait, j'ai complètement oublié de demander s'il y avait un système pour recouvrir ces ouvertures les jours de pluie... ou de neige. On peut supposer que oui, c'est difficile de croire en Dieu trempé et frigorifié !

    A un moment donné, un avion passa dans le ciel...

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    ....
    Maadadayo...
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    Message par Wapiti Mar 10 Mar - 21:58

    Geob a écrit:Au fait, j'ai complètement oublié de demander s'il y avait un système pour recouvrir ces ouvertures les jours de pluie... ou de neige. On peut supposer que oui, c'est difficile de croire en Dieu trempé et frigorifié !
    Ne sont-elles pas vitrées ces "ouvertures" ?
    Il me semble que l'on voit quelques reflets sur ta dernière photo, en bas... non ?


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    Message par Lilie Mar 10 Mar - 22:00

    Je me suis faite la meme reflexion, je n'ai pas bien compris: c'est une eglise a ciel ouvert? pensif question

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    Message par geob Mer 11 Mar - 16:08

    Devant l'entrée de cette église, on n'a aucune idée de ce que peut être son architecture. Plutôt l'impression d'entrer dans une caverne, ensuite, après les contrôles, on passe sur une sorte de mezzanine où se trouvent les stands, présentoirs de souvenirs et d'images pieuses, la caisse enregistreuse et la dame qui fait "chuuut" régulièrement pour limiter l'incessant brouhaha, ensuite quelques marches permettent de descendre dans cette salle circulaire. Les structures métalliques qui permettent de voir le ciel n'occupent qu'une partie de l'église, nous sommes à l'intérieur du rocher, ce n'est donc pas à ciel ouvert, et les dites structures semblent être protégés par une sorte de muraille - le rocher en tant que tel, mais après la taille si on regarde bien les blocs de pierre. Alors, vitre ou pas vitre? En tout cas, de l'intérieur, on ne se rend pas compte s'il y en a ou pas, mais, bon, comme je suis un mauvais touriste, je ne parierai pas l'aumône mensuelle que me procure l'état !

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    Message par Lilie Jeu 12 Mar - 12:09

    Mmm.. bah les structures metalliques elles sont la pour quoi si ce n'est pas pour supporter des vitres? Je ne vois pas bien l'interet autrement, vu ce qu'on voit de tes photos, ce n'est pas des poutres pour supporter le rocher ou un quelconque art... si? dégout

    Bon en tout cas maintenant c'est plus clair: une eglise troglodyte! clin d'oeil

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    Message par geob Mer 15 Avr - 15:37

    Helsinki>>>Suède>>>Allemagne>>>France...



    Où en étais-je ? Ah oui, cette visite de cette curieuse église à Helsinki...
    Il faut que je fasse un effort pour me replonger dans cette "croisière-auto-routière" tant ma situation actuelle, en Thaïlande sous la canicule et sous un état d'urgence, ne m'incite guère à réactiver mes souvenirs, et puis, à vrai dire, cela me semble surréaliste de revenir là dessus dans ce monde vaincu par un virus - on a pas l'air fin avec notre bombe atomique... qui nous coute 2 à 3 milliards d'€ par an juste pour l'entretenir, eh ! ça fait cher le "ripolinage" pour une arme dont la démonstration de son efficacité repose sur le postulat qu'elle est dissuasive et donc qu'elle ne sera jamais être utilisée -.

    Après l'église, nous avons repris le bus pour se rendre sur le port d'où partent les ferrys pour la Suède. Nous sommes passés dans le centre d'Helsinki.
    Bon sang ! La ville existe, ce n'est pas que la place du Sénat, le port avec le marché ! Grands magasins, cafés, restaurants, boutiques.... mais c'est là qu'il fallait nous arrêter ! là où il n'y a rien à voir de figé mais toute la vie des Finlandais. J'aurais bien "visité" un supermarché et puis me balader dans les rayons, découvrir les particularités de leur consommation, leurs produits que l'on ne trouve pas en France, etc. Enfin, bref, tu es touriste, intéresse toi à ce que le guide te montre, tu ne fais ce long et fatiguant voyage rien que pour voir des monuments, pas pour faire de la sociologie par le truchement des boites de conserves vernaculaires.

    Notre guide français nous a quitté sur le port. Sa prestation fut précise, sans nous saouler avec des plaisanteries à la noix.

    Nuit de navigation, arrivée en Suède (eh oui, encore), et on roule, roule. Des autoroutes suédoises, j'en ai avalé !

    Nuit dans un hôtel, situé en dehors de tout. Le lendemain, en route pour la dernière visite suédoise, la ville de Göteborg, évoquée au début de ce "carnet de voyage". Enfin, de longues heures pour terminer en fin d'après midi sur un port d'où les ferrys partent pour l'Allemagne. Le notre était vraiment luxueux, cela ressemblait plutôt à un paquebot de croisière, mais cela n'a aucun intérêt.

    Debriefing II - Page 7 1-mail11
    (galerie marchande sur le dernier ferry ; il y avait même des ascenseurs pour accéder aux différents niveaux, impression de se retrouver dans un immeuble)

    Nous débarquâmes en Allemagne et... on aura compris, autoroutes pour traverser l'Allemagne et arriver en France dans la nuit, place Denfer Rochereau, à Paris.

    Pendant une semaine, j'ai côtoyé une quarantaine de personnes au fond tous bien sympathiques. Ces expéditions leur conviennent car ils y trouvent le moyen de se faire des amis, ou du moins des relations amicales, tandis que ces femmes de plus de soixante ans, revenues des hommes et des travaux ménagers, elles se font des copines pour, qui sait, se faire entre deux voyages un "restau", une "toile", un papotage dans un café, bref, une nouvelle relation "sans prise de tête". Partir de cette manière, c'est mieux que ne pas partir du tout... malgré tout ! En plus, il n'y a à s'occuper de rien, on est pris en charge du début jusqu'à la fin, et puis sans doute ce sentiment de sécurité généré par l'organisation finit par encourager de rester sur cette voie.

    Aujourd'hui, leurs prochaines expéditions sur les routes et autoroutes d'Europe sont remises aux calendes grecques : nous sommes condamnés à voyager comme Xavier de Maistre.
    Madadayo
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    Message par geob Dim 24 Mai - 21:38

    Mai 2020, retour de Thaïlande



    Le jour du départ...
    ... le jour où je me dis que je vais revenir dans un pays affaibli, en déroute face au coronavirus, surtout durant les premières semaines où les mensonges ont pallié l'impéritie invraisemblable du pouvoir...
    Le jour du départ...
    ... mes relations thailandaises me dissuadent de partir : restez avec nous, ne retournez pas en France, c'est trop dangereux  !
    C'est vrai, à chaque fois à chaque fois que je leur annonçais le nombre de victimes de la covid 19 en France ils écarquillaient les yeux, sidérés par mes chiffres, comme s'ils se faisaient une autre idée de la France... moi aussi d'ailleurs !

    Après tout revenir était dans l'ordre des choses, il y a un temps pour tout. Alors taxi, aéroport de Chiang Raï, et dans mon esprit toujours cette possibilité d'annulation de mes vols, tout était possible en ces circonstances exceptionnelles, surtout avec cette prorogation de l'état d'urgence jusqu'au 31 mai. Un seul vol par jour entre Chiang Rai et Bangkok - le grand aéroport international -, autant ne pas le rater. Contrôle dès l'entrée de l'aéroport, bagages scannés, prise de température avec cet espèce de pistolet thermique qu'on m'aura pointé sur le front maintes fois depuis la mi-mars. Après avoir enregistré mon bagage pour la soute, je me dirigeai vers la porte d'embarquement. La plupart des boutiques étaient fermées,  quelques personnes, en majorité les employés de l'aéroport, des policiers très discrets, et des gens sans doute du ministère de la santé, donnaient un semblant de vie dans ce hall quasi désert.  Mais nouveau contrôle avant de passer dans le secteur des départs. Prise de température (encore !), puis on me désigna une chaise devant une petite table derrière laquelle se tenait une jeune femme. Elle m'a demandé mon passeport, mon numéro de téléphone de Thaïlande, où j'allais après Bangkok, et d'autres questions que j'ai déjà oubliées.
    L'avion est parti avec une demi-heure d'avance, à moitié rempli, rares sont les thailandais qui se déplacent durant les états d'urgence, ils ont peur du coronavirus et sont très obéissants,  ce n'était donc pas la peine d'attendre l'heure officielle du départ et puis le ciel de Chiang Raï n'était pas pas encombré.

    Debriefing II - Page 7 Img_2012

    Debriefing II - Page 7 Img_2011
    aéroport de Bangkok, départs internationaux

    Aéroport de Bangkok, troisième étage, l'immense hall des départs internationaux.... quasi vide ! J'étais sidéré ! Toujours vu la foule ici, des voyageurs de tous âges, de toutes races, parfois avec des caddies supportant des bagages hors normes, impressionnants, mais le plus souvent avec des valises à roulettes, les sacs à dos se font plus rares. Je  cherchai sur le grand panneau des départs où se trouvait mon guichet d'enregistrement avec Qatar Airways, avec tout de même un peu d'inquiétude quand je constatai qu'il était rempli de destinations toutes annulées. Enfin je vis, au milieu de ce mot en rouge "cancelled" qui clignotait désespérément sur toutes les lignes, une lumière verte "chek-in", stable, accueillante, Qatar Airways avait ouvert l'enregistrement pour Doha. Au fond, ce n'était pas si désagréable que ça de voyager ainsi, avec une pointe d'incertitude certes, mais surtout avec cette impression que l'aéroport était ouvert rien que pour moi, et que les employés de Qatar Airways m'attendaient avec le sourire. Il n'y avait que deux guichets ouverts, on m'invita à poser ma valise sur le tapis. Deux jours auparavant, l'ambassade de France à Bangkol m'avait recommandé de remplir le formulaire "Attestation de déplacement international dérogatoire vers la France métropolitaine", alors j'étais prêt à le présenter, puisque il était stipulé qu'il fallait le montrer aux transporteurs et... à l'arrivée ! L'employé qui s'occupa de mon enregistrement ne me le demanda pas et me souhaita un bon voyage.

    Comme pour le vol Chiang Raï/Bangkok, à moitié rempli, le vol Bangkok/Doha se déroula dans les mêmes conditions, j'occupai une nouvelle fois trois sièges bref, comme pour Doha/Paris je fus seul dans ma rangée : il y avait bien longtemps que je n'avais fait des vols aussi confortables !

    Après atterrissage sur la piste de Roissy, l'Airbus 350 se dirigea vers la gaine déjà dépliée pour le débarquement. Je vis sur le tarmac le personnel de l'aéroport, muni de gilets jaunes, qui   s'affairaient autour de l'avion : quasiment aucun ne portait un masque !

    J'étais bien arrivé en France !

    Une centaine de passagers s'engouffrèrent dans les couloirs de Roissy, nous n'étions pas nombreux mais il y avait des gens qui semblaient être pressés, nous étions trop près les uns des autres. Deux vigiles remontèrent notre file en nous invitant à respecter les règles de distanciation physique. C'étaient deux grands noirs : ils ne portaient pas de masques !Nous arrivâmes enfin devant les contrôles de police. Une file d'attente disparate se forma sur deux lignes, la fameuse distance pas du tout appliquée. Un homme revêtu d'une kurta tenta de me dépasser, ça devait être un indien, il y avait toute sa famille derrière lui. Je lui montrai l'écriteau suggérant la distanciation. Un peu énervé, je m'exclamai oh ! oh ! et j'écartai les bras le plus largement possible. Il se mit derrière moi à deux mètres. Voici mon tour, je me présentai au guichet d'un policier bien en chair, visiblement bien ennuyer de travailler un 8 mai. J'enlevai mon masque, il me regarda comme une vache regarde passer un train, puis il me rendit mon passeport, sans demander mon document. Que je le dise tout de suite : pas d'accueil sanitaire, aucun contrôle, voilà bien la raison qui m'incita à rentrer avant le 11 mars, avant la publication du décret sur la prolongation de l'état d'urgence sanitaire.

    Après avoir récupéré mon valise, je remis mon masque et me dirigeai vers la sortie des passagers. Dès que les battants de la porte automatique s'ouvrirent, je fus tout de suite frappé par le vide et le silence. Deux ou trois personnes attendaient les passagers, l'un d'eux me dit : taxi, porte 8 ! Je n'avais pas envie de prendre le RER avec mon bagage de 19 kilogrammes, le taxi me convenait, peu importait le prix. Un homme me lança : faites attention, les chauffeurs de taxi ne portent pas le masque !

    Et bien voilà, j'étais bien revenu en France !
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    Message par geob Ven 17 Juil - 21:05

    Les wagons du "c'était mieux avant" !



    A chaque fois que j'effectue un voyage en TGV, la nostalgie des voyages en train à compartiments m'étreint rapidement. C'était le temps où les voyageurs finissaient par dialoguer obligatoirement dans cet espace restreint, il arrivait même d'échanger ou de partager quelques victuailles. Parfois, on se levait, on allait dans le couloir et on regardait les paysages, la vitre baissé, sans faire attention au panneau "ne pas se pencher au dehors", "non sporgerti", et les heures défilaient sans ennui, les yeux perdus sur un monde sans cesse changeant qui finissait par devenir abstrait et nous ouvrir les portes d'un rêve éveillé. Et puis, on revenait s'assoir dans le compartiment. Mais ce que j'aimais par dessus tout, c'était le wagon restaurant. On se faisait servir sur une table recouverte d'une nappe blanche, on mangeait dans de vraies assiettes avec un couteau et une fourchette qui n'étaient pas en plastique. Je me souviens qu'on y mangeait plus que correctement, et il n'y avait pas que le sempiternel steak-frites. Ce passage au wagon-restaurant rendait le voyage plus court, plus agréable. Un autre train qui me plaisait beaucoup, c'était le train de nuit. Je me souviens d'une nuit dans un Paris-Venise, la discussion avec une dame qui travaillait dans les assurances, elle m'avait certifié que le but des assurances c'était d'éviter le plus possible de verser des indemnités aux naifs victimes et quémandeurs qui avaient souscrit une police sans prêter attention à une petite ligne, en caractères minuscules au bas d'une page, bref, que tout était bon pour ne pas payer et ainsi rentabiliser au maximum l'entreprise. Je me souviens surtout du choc visuel, de cette émotion dès ma sortie de la gare de Venise : j'étais arrivé sur une autre planète !

    Dorénavant, dès que le train TGV démarre, tous les passagers se concentrent sur leurs écrans numériques. Dehors, les vaches n'ont plus le temps de regarder passer les trains, d'ailleurs l'herbe est de moins en moins verte, la plupart des bovins sont dans des élevages plus ou moins importants, le museau dans la mangeoire.
    geob
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    Debriefing II - Page 7 Empty Re: Debriefing II

    Message par geob Lun 17 Aoû - 22:57

     EMEISHAN



    Les feuilles mortes se ramassent à la pelle, et les souvenirs aussi...

    Tu vois, tu n'as rien oublié me dit Prévert, oui, certes,  le temps qui passe n'efface pas les souvenirs mais peut-être les enjolive-t-il,  leur donne-t-il une couleur vibrante, une dimension plus fantastique... peut être se transforme-t-il alors en fantasme glorieux, en une construction onirique parfaitement assumée puisque que cela ne concerne que soi-même? En tout cas, ce dont je suis sûr, les souvenirs de mes trois nuits sur le Mont Emei, une des quatre montagnes sacrées de la Chine, restent dans ma mémoire sans chercher à refouler les moments les plus durs,  comme ce froid qui, au sommet, nous obligea à utiliser les baguettes avec nos mains munies de gants en laine dans un restaurant ouvert à tous les frimas,  nos doigts engourdis par cette température hivernale résistaient à notre volonté, manger une soupe de nouilles demandait donc un effort considérable. Et puis la fatigue, cette crainte permanente de glisser sur ces marches toujours humides en raison du brouillard persistant qui imprégnait les pierres et semblait retenir dans ses mailles impalpables les arbres majestueux, figés comme des silhouettes fantomatiques.

    A chaque fois, il me suffit de regarder cette photo dans un cadre accroché sur le mur en face de mon bureau...

    Debriefing II - Page 7 Thumbn63

    ... en fait, je l'ai toujours devant moi mais c'est comme une simple illustration, un décor, juste pour habiller un espace, et l'autre jour je m'y suis attardé, j'ai  observé ce visage sous la casquette d'hiver, était-ce vraiment moi cette personne engoncée dans un manteau militaire fourni par "le monastère du Tigre couché", là où nous allions passés notre deuxième nuit sur le Mont Emei. Dans cette brume qui nimbait tout être vivant, toutes choses, il était trois heures de l'après-midi. Un moine nous avait dit de ne pas nous éloigner du monastère, nous risquions de nous perdre sur ces sentiers qui se semblaient s'ouvrir dans cette atmosphère étrange, quasi sans visibilité.

    Avant d'atteindre le " monastère du Tigre Couché ", nous fîmes une halte dans un restaurant, c'est à dire un espace ouvert sur la forêt, tout de même protégé par un toit. Nous étions environ vers 1500 mètres d'altitude, peut-être plus,  les tables suintaient d'humidité, il faisait trois ou quatre degrés, mais quand manger devient une nécessité, je suis prêt à m'attabler avec le diable. De la vieille maison attenante des restaurateurs, en bois vermoulu,  surgit une petite dame âgée, recouverte d'une veste molletonnée, avec un énorme bonnet en laine sur la tête, et surtout toute surprise de voir des étrangers s'arrêter chez elle.

    Une photographie témoigne de cette halte, on me devine dans la brume, avec derrière moi des arbres gigantesques. Je ne sais plus où elle se cache dans mon désordre permanent. Les appareils numériques n’existaient pas à cette époque. Quand je faisais développer les pellicules en Chine - j'aurais pas dû -  on me les rendait en rouleau, non découpées. Mon dilettantisme m'incita à ne rien faire, quitte à le regretter par la suite, ce qui évidemment arriva car les pellicules finirent par se coller, se détériorer, je pus néanmoins faire que quelques tirages sur papier mais, après tout, pourquoi chercher l'éternité sur du papier glacé alors que nous ne sommes que des parenthèses vite refermées,  alors au diable  "les soirées diapos" ! D'ailleurs personne ne pourra comprendre ce que vous avez vécu, ressenti, car les autres trouveront toujours que leur vie quotidienne sera toujours plus intéressante que la votre, et vous feront remarquer cette drôle d'idée vous avez eu de gravir une montagne dans la brume et le froid,  et aussi de dormir dans des monastères construits en bois, à vous geler toute la nuit en écoutant les rats trottiner sur les planchers, en quête de nourriture !

    Après le restaurant, nous continuâmes à gravir  les marches une par une, lentement, précautionneusement, la tête inclinée, le dos courbé comme pour faire porter le plus de poids possible en avant parce que la montée était rude, sans rampe de part et d’autre. Puis, tout à coup, l'ami qui ouvrait le chemin m’annonça on arrive ! Je m'arrêtai pour me redresser, j'avais trop le vertige pur le faire en marchant. En effet, au dessus des marches, on devinait l'amorce d'un toit dans cet univers cotonneux, et il me semble qu'il y avait un peu de neige dessus...

    ... Mais je n'en suis pas sûr...



    Maadadayo !
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    Debriefing II - Page 7 Empty Re: Debriefing II

    Message par Wapiti Mar 18 Aoû - 8:52

    Beaucoup de poésie dans ces souvenirs suspendus de Chine.
    Merci Geob du partage.


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    Debriefing II - Page 7 Empty Re: Debriefing II

    Message par fabizan Mar 18 Aoû - 12:50

    geob a écrit:et vous feront remarquer cette drôle d'idée vous avez eu de gravir une montagne dans la brume et le froid,  et aussi de dormir dans des monastères construits en bois, à vous geler toute la nuit en écoutant les rats trottiner sur les planchers, en quête de nourriture !


    C'est vrai ça, quelle drôle d'idée ! rire

    Très intéressants tes débriefings Geob sourire


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    Message par Skyrgamur Mer 19 Aoû - 10:43

    On dirait la photo d'un militaire de l'ex URSS


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    Message par geob Lun 31 Aoû - 10:24

    峨眉山

       

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    Internet remplace-t-il l'album de photographies qui n'existe pas? Ces paysages, ces lieux qui vous ont tant marqué, impressionné, peut être ont-ils été transformés, voir détruits? Bien sûr, internet qui se veut une mémoire globale et globalisante fournit à ceux qui cherchent bien quelques supports pour se rafraîchir la mémoire, mais cela n'a aucune saveur, il n'y a plus le parfum du contexte dans lequel vous étiez immergé, ni les rencontres étonnantes, émouvantes, qui sont le sel d'un voyage inoubliable - à vrai dire, les réseaux sociaux témoignent de toutes les heures de votre vie si intéressante parce que vous le voulez bien, nous ne sommes pas encore au stade, cela adviendra, où il y aura des caméras de partout, des milliards d'yeux électroniques qui vous traceront dès votre réveil.Bon, il n'y en avait pas en 1994 sur les sentiers du Mont Emei - et maintenant, lorsqu'on voit jusqu'où va la Chine dans le contrôle de sa population? -, dirais-je alors que c'était mieux avant? En tout cas je ne m'interdis pas ces réflexions : j'ai voyagé dans des pays pas encore entré dans la mondialisation, pour savoir ce qui c'était passé en France et dans le monde il me fallait trouver un journal en français, en général dans la capitale du pays durant les deux ou trois jours avant de rentrer,et je peux dire que ce sentiment d'avoir coupé les ponts avec son pays, de ne plus avoir un fil à la patte, ce n'était au fond pas désagréable. Aujourd'hui  internet et les réseaux sociaux, la culture américaine (le cinéma par exemple), les lignes aériennes -après la Covid19 ça finira par repartir "comme en 40 "- qui abolissent les frontières, sont les vecteurs d'une uniformisation générale qui réduit de beaucoup le charme d'aller voir ailleurs  tout en admettant qu'aujourd'hui  les voyageurs puissent être enthousiasmés par des choses qui, pour moi, avec ma mémoire et le recul de toutes ces années écoulées, me sont devenues attristantes, mais j'insiste, rien que de mon point de vue... comparatif et surtout égoïste car si la mondialisation a offert avant tout plus de confort, amélioré grandement la vie de la population des pays que j'ai visité,elle a aussi accentué les disparités sociales,creusée un gouffre vertigineux entre ceux qui détiennent le capital et la multitude qui se voit dans l'obligation et la nécessité de le servir.

    En 1994, il y avait déjà beaucoup de touristes chinois sur le Mont Emei. Comme on peut y accéder par la route, à divers niveaux, nous les croisions sur les sentiers que dans les secteurs où il y avait des temples, puis, en fin d'après midi, il n'y avait plus personne.Je me souviens d'un endroit où l'on voyait des chinois, peu enclins à gravir les marches, se faire transporter sur des palanquins : ils étaient gras,bien habillés,  visiblement ravis d'expérimenter la vie des mandarins d'une époque révolue. Le "enrichissez vous " de Deng Xiaoping n'a pas mis longtemps à se répandre. Heureusement, passé ces zones touristiques, nous retrouvions le silence, la solitude dans la brume et la forêt.

    J'ai cherché des images du Mont Emei sur internet, et bien sûr j'en ai trouvé,  j'ai même visionné la vidéo d'un couple de jeunes français, avec beaucoup d’intérêt. J'ai remarqué tout de suite leur équipement, et leurs bâtons de marche.Ils ont dormi dans un monastère, je crois que c'est celui du "Tigre couché", je n'ai pas envie de revoir ce reportage autocentré pour vérifier car on n'y voit personne d'autres qu'eux-mêmes, hyper cool, ravis. A ma grande stupéfaction, le gars finit par dire qu'ils ne sont pas allé jusqu'au sommet, je ne sais déjà plus pourquoi... ils n'avaient plus le temps ou bien ils étaient en retard sur leur "timing", ou alors ils étaient fatigués, enfin, en rentrant chez eux, ils ont certainement raconté qu'ils ont fait le Mont Emei, comme le seul touriste blanc que nous avions rencontré durant la deuxième journée sur les marches de cette montagne sacrée, un anglais je crois, étonné de nous entendre dire que nous avions passé notre première nuit dans un monastère, alors que lui il faisait le Mont Emei dans la journée. Belle performance ! Lui aussi, il a fait le Mont Emei ! Et nous, loin de nous l'idée de faire une performance, nous vivions le Mont Emei...



    Maadadayo !
    Ban Narai
    Ban Narai


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    Message par Ban Narai Lun 31 Aoû - 17:11

    Salut,
    Comme tout cela est vrai et tellement bien raconté!!
    geob
    geob


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    Message par geob Sam 12 Sep - 21:36

    *********************

       Ban Narai a eu la bonne idée de fouiller dans ses archives. Il a trouvé quelques photos dont je ne me souvenais plus. Il m'a rafraîchi la mémoire en m'envoyant avec son portable des clichés papiers, miraculeusement conservés !

    Debriefing II - Page 7 Emeish11
    ( Je ne me souvenais plus de la structure des palanquins ! En tout cas, le souvenir de ces chinois repus et satisfaits est resté bien conservé dans ma mémoire.)


    Debriefing II - Page 7 Emeish10
    ( Rochers, brume, maison délabré parfois, tout le long de la montée)

    Cette photo ne peut rendre la réalité de ce passage en raison de la distorsion due à l'angle de l'appareil photo, c'était comme gravir sur un temple aztèque, le  dos bien penché en avant, les mains prêtes à s'agripper aux marches. On remarque la silhouette de Ban Narai qui s'estompe dans la brume, mais on peut remarquer combien il se penche pour continuer sa progression sur une zone dont la déclivité s'atténuait..  Après avoir pris la photo, le vertige et la panique s'emparèrent de moi : je n'arrivai plus à bouger, n'osant pas lever la tête de peur de tomber en arrière. Alors je m'engueulai à haute voix : tu ne vas rester là, nom de dieu ! et je repartis, mes mains effleurant les marches devant moi.

    Debriefing II - Page 7 Emeish12


                                              **********************************


    峨眉山

      (3)


    Marche après marche, nous finîmes par atteindre le monastère du "Tigre couché". Mais il ne s'est pas offert à notre vue soudainement, intégralement.Tout d'abord nous commençâmes par voir l'amorce d'un toit et, au fur et à mesure de notre progression, nous découvrîmes ses courbes,ensuite tout le corps d'un bâtiment en bois. Après la dernière marche, nous fûmes sur le parvis suintant d'humidité, toujours dans cette brume qui semblait collée à nos vêtements.J'eus le sentiment de me retrouver devant un monastère abandonné, aucun être vivant visible, une solitude écrasante et peut être une pointe d'angoisse : qu'est-ce qu'on fout là, on est pas à notre place, après tout les touristes chinois ne restent pas sur la montagne, ils s'en vont avant que la nuit ne tombe.Que faire? Dans cette purée de pois perpétuelle, nous n'avions aucun point de vue, rien qui nous permettait de savoir exactement où nous nous trouvions, la voie que nous venions d'emprunter semblait s'arrêter net devant le monastère du "Tigre couché".Apparu alors, à notre grand soulagement, un homme avec un bonnet de laine enfoncé jusqu'aux oreilles, il était vêtu d'une veste matelassée et d'un large pantalon en toile ; je vis surtout un trousseau de clés à sa main droite.Aussitôt je pensai au roman de Umberto Ecco "Le nom de la rose". Nous étions donc accueilli par le "frère hôtelier" ! Je subodorai que nous avions affaire à un moine, même s'il n'en portait pas la tenue traditionnelle.Il nous fit signe de le suivre. Nous entrâmes dans ce vieux bâtiment ; je ne me souviens plus très bien de l'intérieur, si nous avions traversé une cour, car, comme dans toutes les constructions chinoises ou grandes maisons traditionnelles, il y avait plusieurs cours, en tout cas il ouvrit une porte avec une de ses clés et nous désigna notre chambre bien sommaire mais il y avait ce qui m’intéressait le plus : des lits ! Nous déposâmes nos affaires, puis il nous invita à l'accompagner je ne savais trop où, entre temps nous nous arrêtâmes dans une pièce rempli de manteaux de l'armée chinoise.Nous choisîmes un à notre taille et je l'appréciai tout de suite, le froid ainsi que l'humidité nous nous faisait prendre conscience de ce que nous avions ignoré en gravissant les marches : nous étions vers 2000 mètres d'altitude, et je grelottais.

    Notre hôte nous amena dans une petite salle où il y avait une dizaine d'hommes habillés chaudement,assis sur des bancs qui dessinaient un rectangle autour d'un brasero.Ils nous accueillirent avec sourires et curiosité, nous firent une place, puis, sous la direction du plus âgé, ils entamèrent ou continuèrent ce qui me sembla être la répétition d'un chant ou la scansion de  sutras : les voix graves emplirent l'espace sur un rythme lancinant, hypnotique, et moi, engoncé dans mon manteau militaire chinois, je laissais ces voix envahir mon cerveau, annihiler toutes ces pensées parasites inhérentes à chaque être humain, puisque l'être humain se croit toujours obliger de juger, de dire c'est bien, c'est mal, c'est beau, c'est moche, oh ne plus penser ! effacer son ego ne serait que quelques instants mais être présent dans la totalité du monde.

    Une fois la répétition terminée, nous prîmes conscience de ce que nous venions de vivre, alors les pensées issues de notre monde culturel revinrent au galop : magique, impressionnant, étrange, sur le coup je me demandai même si nous n'étions pas sortis d'une autre dimension. Dehors, nous revoici dans le froid et la brume humide. Le "frère hôtelier" nous fit comprendre que dans une heure se déroulerait une cérémonie dans le temple, le temple que nous n'avions pas encore vu....



    Maadadayo !
    geob
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    Message par geob Lun 12 Oct - 22:06

     峨眉山

         (4)


              Malgré l'Humidité, la pluie, le brouillard, jamais je ne me suis senti aussi bien que sur le Mont Emei. Portant, je suis frileux, j'ai horreur de la grisaille, ça me démoralise de ne pas voir le ciel bleu, le soleil, mais sur le Mont Emei je n'avais cure d'un temps de carte postale parce que j'avais le sentiment d'être plongé dans une autre dimension, une dimension inconnue pour moi, hors du monde et de ses contingences. Aujourd'hui j'écris ces lignes sous la menace d'une pandémie qui a surpris les êtres humains dont la mémoire réfute, oublie les immenses catastrophes passées, tout cela démontre à quel point nous sommes habitués à vivre dans le confort, la sécurité, nous avons même effacé la mort de nos cités, elle se doit d'être discrète, presque honteuse, pas comme dans ces temps anciens où l'on tendait des voiles noires à l'entrée d'un immeuble où une personne venait de décéder. Cette période que nous vivons me désole à un degré que je ne soupçonnais pas, alors je fais comme tout à chacun, je prends la poudre d'escampette, et je n'attends pas l'ordre du pouvoir médical pour me reconfiner, je me reconfine moi-même... sur le Mont Emei !

    J'évoquais la pluie, je me souviens de ces heures où nous avions été obligé d'enfiler des k-ways de mauvaise qualité, trop légers et donc faciles à transporter, mais cet après midi là,sur les marches du Mont Emei, la pluie ne cessait de tomber, une pluie fine, légère comme la vapeur d'eau d'un brumisateur, elle s'insinuait, elle imprégnait tous les tissus, nous devenions des éponges ambulantes. Tout à coup, juste à côté des marches, alors que l'escalier tournait sur la gauche, nous arrivâmes devant je crois une sorte de petit magasin sommaire où une dame tricotait tout près  d'un brasero rougeoyant, celui-ci dégageait une chaleur bienfaisante. Nous nous arrêtâmes, il nous faisait tant envie. La dame nous regarda avec un sourire empathique et nous invita à venir s’asseoir à côté d'elle, sans nous proposer quoi que se fût à acheter."Chieh chieh", c'est pas difficile de dire merci en chinois. Nous enlevâmes nos k-ways et tout le monde se mit à rire : nos corps dégageaient des vapeurs qu'on aurait dit sortir tout droit  d'une casserole d'eau en train de bouillir !

    Allez, revenons au monastère du "Tigre couché". Après la répétition des moines, nous décidâmes de nous aventurer à l'extérieur. Le "frère hôtelier" nous conseilla de ne pas trop s'éloigner car, si nous nous perdions, ils auraient du mal à nous retrouver. Alors, après être sorti du monastère, nous primes notre prudence à deux mains et nous ne fîmes qu'une cinquantaine de mètres, plus ou moins. Ces chemins qui se devinaient dans cette purée de poix étaient bien tentants, nous n'allions tout de même pas mettre dans l'embarras le monastère, alors nous trouvâmes un endroit pour se poser et deviser sur ce que nous étions en train de vivre. Aucun point de vue possible, pas d'horizon, j'avais l'impression d'être le survivant d'un monde à jamais disparu,  la vraie vie c'était dorénavant la brume, un cocon froid et humide où il fallait s'adapter, ne plus se référer, ou comparer tout par rapport à notre "chez nous" d'où nous venions.  Au bout de... en fait, je suis incapable de dire combien de temps nous restâmes à l'extérieur, en tout cas nous vîmes surgir de la brume quelqu'un du monastère. Il s'avançait vers nous en tenant un bol de nouilles avec sa main gauche, et avec sa droite il utilisait ses baguettes pour aspirer de sacrées portions de pâtes. Il marchait et mangeait avec une parfaite coordination de ses gestes. Dès qu'il s’aperçut de notre présence, il laissa ses baguettes en suspens ; il nous fit comprendre que si nous voulions manger, nous devions rentrer.  Il était entre quinze et seize heures, peu importe, nous étions dans un ailleurs où nous devions respecter les règles de ce monastère,  pas le moment de faire les difficiles, vu les circonstances nous étions prêt à accepter toutes les règles, et la première était de se nourrir, d'avaler quelque chose de chaud....

    Ban Narai
    Ban Narai


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    Message par Ban Narai Mar 13 Oct - 7:57

    Merci, Merci, Merci
    Tu ne peux pas imaginer combien ça me fait du bien de lire tes récits que je suis incapable de coucher sur le papier. En te lisant j'en ai la chair de poule et les larmes aux yeux. Les souvenirs me reviennent, j'y retrouve une fidélité quasi parfaite de ces moments vécu avec une telle intensité; moi qui n'ai gardé que quelques photos fanées par le temps (que j'ai ressorti en lisant tes premiers récits). L'emotion est tellement grande, je me dis que nous avons vécu ensemble des aventures hors du commun en d'autres temps (c'était en 1994). J'espère que tu vas continuer longtemps à me donner de telles émotions. En ce moment, j'en ai besoin.
    Merci encore .
    Amitiés.
    Daniel.
    geob
    geob


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    Message par geob Lun 16 Nov - 10:50

     峨眉山

                              (5)


            Pour la première fois depuis quinze ans, me voici contraint de subir l'hiver parisien, sous un ciel "qui pèze comme un couvercle". J'ai perdu l'habitude des mois de novembre humide, froid, cafardeux, déprimant ;  devant l'église sur le boulevard Montparnasse la saison des enterrements a commencé ; l'autre jour un ami m'a annoncé la mort de sa compagne, finalement vaincue par un cancer au cervea malgré un courageux et opiniâtre combat ; comme chaque année, le cancer fauche des milliers de femmes et d'hommes, ainsi, en 2018, il a détruit 157 400 vies sans que cela ait entravé  la bonne marche de l'économie,  nous voici donc plutôt effrayés par la Covid, alors qu'en 1969 la grippe dite de Hong Kong, aux conséquences similaires, n'avait pas empêcher le monde de tourner.

    Au secours ! j'ai oublié de me laver les mains !

    Toujours froid, même quand il fait plus de dix degrés, mon organisme doit se reconnecter, retrouver la mémoire des hivers du passé, avec ses nuits sans fin qui tombent  comme un poêle mortuaire sur Paris.  Faut que je me réadapte et que j'achète une bouteille de Laphroaig. Faut bien. Et dire que sur le mont Emei je me sentais si bien dans le froid, l'humidité, la brume. Bon dieu, je ressasse, je radote  ça rime à rien ! Mais maintenant je sais très bien pourquoi j'avais ce sentiment d'être en adéquation avec le mont Emei :  tout simplement parce que j'avais choisi d'y être ! Sur le Mont Emei je marchais sur les traces de Li Po (Li Baï), le grand poète de l'époque Tang, et pour moi vivre cela me permettait de ne plus penser à cette société si bête dans laquelle j'ai toujours la lâcheté de revenir.
                                                 
      ******

    Les cours du monastère ne sont pas des espaces ouverts aux quatre vents, ce sont des lieux ceinturés sur les quatre cotés par des bâtiments. Le type qui était venu nous chercher nous conduisit dans celle où se trouvait le temple.  Il nous invita à nous installer en face du temple dont les lumières électriques venaient de  s'allumer, dans une salle sombre où un repas nous serait servis - d'après ce que nous avions compris.  La cérémonie allait bientôt commencer. Les moines qui nous avaient fait une place autour du brasero avaient revêtu  leur ample robe bouddhiste, on les voyait s'agiter autour des statues typiquement chinoises, représentant les divinités du Ciel ou de l'Enfer, mais ma vision de l'intérieur ressemblait à un écran rectangulaire inondé de lumière jaune.  Oui, le souvenir qui s'est imprimé dans ma mémoire reste comme un écran de cinéma, un cadrage qui offrait  une vision partielle de l'intérieur du temple. Aujourd'hui encore je me demande pourquoi nous n'avions pas assister à la cérémonie à l'intérieur du temple.

    Tout à coup, un gong retentit, suivi par le son mat d'un gros tambour, alors les voix des moines s’élevèrent sous le ciel invisible du Mont Emei, sublimes, comme une invitation à la transcendance. C'était différent de la répétition autour du brasero, j'ai même envie d'écrire cœur plutôt que chœur car la beauté de l'ensemble semblait être l'expression d'un seul être. Le cuisinier surgit de son antre et se posta devant l'entrée. C'était l'homme qui était venu nous chercher. D'autres employés du monastère sortirent des bâtiments mais tous restèrent sans bouger sur le pas de leur porte, et nous nous étions assis sur les marches de l'entrée de ce qui s'avéra être le réfectoire. La scansion des sutras emportait tout le monde dans une dimension intemporelle, l'esprit libre de pensées parasites, à l'unisson du ciel, de la terre, des nuages, au dessus des contingences et de la vaine agitation des êtres humains obsédés par des ambitions matérielles, occupés à la vaine poursuite du bonheur dans "Les choses" (Georges Perec).

    Dans la nuit, je me levai, enfilai mon manteau militaire pour me rendre aux toilettes. Je me souviens de ce couloir juste éclairé par une lampe électrique nue, nimbée de brume. Je ressenti une vague inquiétude tant c'était sinistre, glauque.

    Le lendemain matin, nous partîmes de bonne heure. La veille, on nous avait montré une porte dérobée qui donnait sur le chemin qui contournait le monastère. En effet, nous trouvâmes tout de suite les marches qui conduisait vers le sommet. En partant, nous eûmes l'impression que le monastère était vide de présence humaine...


    Madadayo
    geob
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    Message par geob Mer 9 Déc - 10:35

    峨眉山

       (6)


        Si loin du Mont Emei, j'écris ces lignes en écoutant J.M. Le Clézio sur France Inter : il parle des poètes de l'époque Tang, de ces fameux poètes qui rejetaient le "monde de poussière", c'est à dire l'entourage du pouvoir et l'empereur lui-même, l'ambition vaine et  dérisoire à l'aune de leur indépendance, de leur liberté et de leur amour des montagnes nimbées de brume, des arbres accrochés sur les pentes abruptes, vertigineuses, et puis du vin, seul ou à l'occasion d'une rencontre entre "immortels", s'abreuver jusqu'à vouloir décrocher le reflet de la lune sur l'eau d'un lac.

    Mais où avais-je été aussi bien dans mes baskets que sur le Mont Emei, malgré que ce ne fût pas de tout repos?  S'il fallait choisir une situation parmi tant d'autres, je choisirais l'année 1985. Cette année là,  j'achetai une bicyclette, genre demi-course, j'accrochai deux sacoches sur mon porte-bagages, et je partis sur les départementales pour rejoindre Castres, dans le Tarn. Je fis Paris-Castres en une semaine, et je fus très déçu d'arriver à bon port. Pourquoi? Parce que c'était la fin de mon périple, j'eus préféré que cela n'en finît jamais tant être sur la route m'avait paru comme une fin en soi, un mode de vie débarrassé des contingences sociales. Quelquefois un petit regret me taraude : je n'ai pas de permis de conduire ! Aujourd'hui, je me verrais bien dans un camping-car en route vers n'importe où, au hasard, sans but particulier, si ce n'est de me sentir libre comme en 1985 sur mon vélo...  jusqu'à ce que j'atteigne le but que je m'étais fixé.

    "Oui, la bêtise consiste à vouloir conclure" - Flaubert.

    Evidemment, gravir les marches du Mont Emei n'avaient d'autre but que celui d'atteindre le sommet, marche après marche, mais nous n'étions pas dans la performance.
    Après avoir quitté "Le monastère du tigre couché", notre troisième journée sur le Mont Emei débuta comme une nouvelle fois sans soleil ni ciel bleu, isolés ou plutôt protégés du monde par un brouillard persistant.

    Debriefing II - Page 7 Emei1210


    En fin de matinée, nous débouchâmes tout à coup sur une large route qui se terminait en cul de sac, envahi par les groupes de touristes déposés par des cars. Il y avait des restaurants, des magasins, sur la gauche le grand bâtiment où se trouvait l'entrée du téléphérique pour le sommet du Mont Emei.  
                                             
                                                                 **********



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    Avant d'atteindre le " monastère du Tigre Couché ", nous fîmes une halte dans un restaurant, c'est à dire un espace ouvert sur la forêt, tout de même protégé par un toit. Nous étions environ vers 1500 mètres d'altitude, peut-être plus,  les tables suintaient d'humidité, il faisait trois ou quatre degrés, mais quand manger devient une nécessité, je suis prêt à m'attabler avec le diable. De la vieille maison attenante des restaurateurs, en bois vermoulu,  surgit une petite dame âgée, recouverte d'une veste molletonnée, avec un énorme bonnet en laine sur la tête, et surtout toute surprise de voir des étrangers s'arrêter chez elle.


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    Message par geob Lun 21 Déc - 21:27

    峨眉山

      (7)


    ... Nous n'avions nulle envie de prendre le téléphérique. Nous découvrîmes rapidement l'amorce d'un escalier, les premières marches pour l'ascension finale. Alors, vite, partons de ce rassemblement de touristes autochtones, retrouvons vite la solitude, le silence, et les silhouettes fantomatiques des arbres enracinés sur les pentes sévères du mont Emei.

    Nous étions peut être déjà à plus de 2000 mètres d'altitude. J’avançai sans essayer de suivre la progression de l'ami qui grimpait allègrement, j'écoutais les battements de mon cœur qui me dictait le rythme de mon allure, marche après marche. Je ne suis pas un montagnard, faut que je fasse gaffe. Pourtant, je me sentais bien, je ne paniquais pas. En voyage, dans les moments difficiles, je me suis toujours posé cette question : qu'est-ce que tu préfères, être à Paris, au boulot, ou alors être dans une situation que tu as choisie et qui n'est pas vécue par tout le monde? La réponse s'imposait à moi sans hésitation et me donnait à chaque fois un coup de fouet salvateur.

    Bientôt le brouillard devenait moins dense, s'effilochait. Une marche après l'autre, continue, ne t'arrêtes pas. Je me rendis compte, sur un passage moins abrupt, que la visibilité avait conquis une centaine de mètres, l'atmosphère était moins grise, plus lumineuse, marche après marche, de plus en plus lumineuse, le champ de vision s'élargissait.  Tout à coup, sensation extraordinaire, je surgis sous le soleil et le ciel bleu, laissant derrière moi, en dessous de moi, cet épais manteau de nuages, exactement comme un avion qui atteint son altitude de vol après avoir volé dans un aveuglement total - bien sûr, il y a les instruments de bord qui sont les yeux des pilotes.

    Debriefing II - Page 7 Au_des10

    Tout de même, je me sentais mieux sous le soleil-exactement-, cette fois-ci je pouvais voir à plus d'une centaine de mètres et parfois beaucoup plus, selon bien sûr la configuration du terrain. A un moment donné, l'escalier finit sur un terrain plat : un large chemin de terre avec de part et d'autre la forêt comme escorte. L'escalier recommençait une cinquantaine de mètres plus loin. J'aperçu sur la droite une baraque en bois. Pas possible ! On est jamais seul au monde, il y a toujours quelqu'un là où on attend personne ! En effet, une jeune femme surgit de cette maison vermoulue avec dans ses bras un bébé emmailloté bien bruyant. Lorsque je fus près d'elle, je m'arrêtai en arborant un sourire étonné. Je crois me souvenir qu'elle vendait des bracelets en coton, je crois, mais mon intérêt se porta sur le bébé qui ne cessait de pleurer et la mère ne fut pas peu fière de mon attention pour son enfant. Bon sang ! Il était si minuscule ! C'était à se demander s'il ne venait pas de sortir de son ventre ! Alors, je me mis à lui parler en... français (allons, allons, ne pleure pas), et avec mon index j'effleurais délicatement sa poitrine, et il s'arrêta de pleurer ! Oh ! fit la mère avec un petit rire satisfait. J'avais attiré l'attention de son enfant et c'était lui qui m'observait maintenant, les yeux grands ouverts, intrigués. Et moi j'étais fasciné par ses mains infiniment si minuscules, on aurait dit celles d'un fœtus que l'on distingue sur une échographie. A un moment donné, la main gauche de l'enfant agrippa mon auriculaire ce qui accentua alors ma fascination tant le contraste fut saisissant : déjà que je n'ai pas une main de déménageur, celle de l'enfant, presque translucide, me parut une nouvelle fois tellement, tellement minuscule, mais c'était celle d'un être humain, vivant, qui aspirait à devenir, à exister, vivre.
    Bon dieu ! Je devais continuer ma route. Je fis comprendre à la mère que je partais, et son enfant ne me lâchait pas. Alors j'entrepris de me dégager délicatement et je crus lire sur son visage un étonnement, une déception. A peine eus-je fais quelques pas, les pleurs reprirent de plus belle. Je me retournai, je vis la mère qui tentait de calmer son bébé, je la saluai de main, elle riait de bon cœur, sidérée par les réactions de son bébé...


    Maadadayo !

    geob
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    Message par geob Mer 6 Jan - 10:44

    峨眉山

    (8)


                    Nous découvrîmes le sommet du mont Emei dans le milieu de l'après midi. L'air était limpide sous le ciel bleu et les cirrus, les toits des bâtiments aux courbes harmonieuses contribuaient à notre sentiment d'être dans une Chine millénaire...

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    ...Des photographes professionnels incitaient les touristes à poser pour garder des souvenirs sur papier glacé, après tout le mont Emei est une des quatre montagnes sacrées de leur pays, et tous les chinois ne sont pas adhérents au parti communiste, alors loin des villes encombrées, polluées, bruyantes, ils semblaient heureux avec leurs enfants qui découvraient un immense espace de liberté.

    Un phénomène curieux attirait les touristes. Il suffisait de s'approcher du bord, protégé par une rambarde métallique, pour voir son reflet sur cette mer de nuages gris qui semblait protéger ce lieu séculaire de l'agitation du monde moderne. Non content de projeter votre esquisse de silhouette sur cet écran cotonneux, le soleil l'irisait d'une auréole de bon aloi !

    Debriefing II - Page 7 Sommet11

    La légende dit que des pèlerins y voyait un appel du Bouddha et se lançait dans le vide, pour ma part je n'entendis rien, et puis je suis sujet au vertige. Une dame s'approcha de moi, sans doute une moine, elle essaya de communiquer avec moi mais notre seul langage fut nos sourires.

    Debriefing II - Page 7 Sommet10

    Derrière elle, il y a un panneau d'interdiction. Interdiction de se jeter dans le vide?


    Lorsque nous découvrîmes qu'il y avait un hôtel ici, nous eûmes la mauvaise idée d'y dormir, alors que nous aurions sans doute pu dormir à nouveau dans un monastère, ce qui aurait été pas plus pire. Nuit cauchemardesque. Je dormis tout habillé, blouson compris, avec trois couvertures sur le paletot ! Il faisait 5° dans la chambre. Ce fut dans le restaurant de cet hôtel que nous mangeâmes une soupe en maniant nos baguettes les mains gantées - qu'on a faim, on s'accommode de beaucoup de choses.

    Le lendemain matin, nous prîmes le téléphérique pour redescendre vers le lieu qu'on avait traversé la veille, le terminus des cars. Cette plongée spectaculaire dans le brouillard me donna l'impression d'être dans un avion qui entame sa descente vers l'aéroport. J'avais déjà oublié cette nuit épouvantable, je finirais par l'évoquer en me moquant de ma colère d'avoir été obligé de passer une nuit relativement chère dans un réfrigérateur. Au fond, je regrettais tout de suite ces journées sur les marches antiques du Mont Emei, ce sentiment d'être hors du monde, débarrassé des contingences sociales.

    Des bus attendaient près de la station de départ du téléphérique. Nous en primes un qui nous ramena à Baguo, là où se trouvait notre hôtel où nous avions laissé le plus gros de nos bagages.

                                         
                                               ..........................................


    Baguo

    , la ville de départ pour explorer le Mont Emei.

    Au cours d'une après-midi, une envie d'aller aux toilettes m'incita à demander où l'on pourrait trouver un endroit pour boire du thé. J'eus beau répéter sur tous les tons le mot "tcha, tchaï...", rien à faire, on  ne me comprenait pas. Me vint à l'esprit l'idée de dessiner l'idéogramme du thé que j'avais mémoriser.


    Et ça a marché ! La photo n'est pas en bon état, mais ce fut notre salon de thé à Baguo où, sans rien faire, nous vîmes passés les heures sans s'en rendre compte. On vous pose devant vous une tasse avec son couvercle, et on comprend vite pourquoi : d'abord la serveuse vous met dedans quelques feuilles de thé, ensuite elle prend sa bouilloire pour verser de l'eau chaude, vous remettez le couvercle, vous laissez infuser, ensuite vous appréciez le breuvage en filtrant avec le couvercle, en laissant juste une petite ouverture pour arrêter lez feuilles. Et on peut plusieurs fois appeler la serveuse qui viendra vous remplir à nouveau votre tasse avec de l'eau chaude, les mêmes feuilles de thé supportent bien plusieurs infusions.

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    Photos retrouvées


    Première journée sur le Mont Emei

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    Notre premier arrêt. On voit à l'extérieur un rocher et la brume persistante. Et la charmante cuisinière nous  a concocté un plat simple mais bon. Où se trouve les toilettes? Derrière, une cabane en bois, à l'intérieur un châlit, on y monte comme sur une estrade où une ouverture ronde vous donne à voir un magma impressionnant de matière fécale. Aucune odeur, alors cela ne m'a pas beaucoup gêné, nécessité fait loi.

       Arrivée au monastère du "Tigre Couché"

    Debriefing II - Page 7 Tigre_10

    Après la dernière marche, nous fûmes sur le parvis suintant d'humidité, toujours dans cette brume qui semblait collée à nos vêtements. J'eus le sentiment de me retrouver devant un monastère abandonné, aucun être vivant visible, une solitude écrasante et peut être une pointe d'angoisse ...


    Maadadayo !
    geob
    geob


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    Message par geob Sam 16 Jan - 21:42

    45 jours en 1974.


    Tout d'abord, il y eut cette journée où le centre de tri du PLM (Paris.Lyon.Marseille) se mit en grève. Alors le téléphone sonna. Tout le monde attendait la réaction du centre de tri de Paris-Brune, célèbre partout en France grâce à une adresse mythique : Cedex Paris-Brune. On l'entendait à la radio ou dans des émissions de télévision, c'était l'adresse où il fallait envoyer la réponse à un concours, faire un don, et que sais-je encore...  c'est si loin tout ça ! Le lendemain, les téléphones des locaux syndicaux n'arrêtaient pas de se faire entendre. Alors, qu'est-ce que vous faites à Paris-Brune, vous y allez ou quoi? Sans Paris-Brune, la grève générale ne pouvait se déclencher, nous avions l'impression d'être le centre du monde, il nous revenait d'être historiquement les responsables d'un grand mouvement social qui couvait depuis longtemps. Les délégués syndicaux nous proposèrent de porter des cahiers de revendications chez le directeur - cahiers de revendications, cela avait un parfum de je ne sais quoi de révolutionnaire. Le directeur reçut les délégués syndicaux et ceux-ci, au sortir de leur entrevue, tinrent un discours pas très motivant, du genre : regagnez vos positions de travail ! Mais, en ces temps où l'esprit de mai 68 n'avait pas tout à fait disparu, un collègue d'un charisme étonnant, avec une gueule royale - on l'appelait Louis XIV : cheveux mis longs, bouclés, et un nez... je vous dis pas, vraiment le portrait d'un Bourbon ! - prit la parole pour protester contre la mollesse des délégués syndicaux et déclara qu'il fallait se mettre en grève et occuper les locaux. Des ouaiiis  enthousiastes éclatèrent, t'as raison Clément ! (il s'appelait Clément), on fait grève ! Bon, disons le sans barguigner : il ne fallait pas nous prier pour se mettre en grève ! Je me souviens de ces années, tiens, au temps de Raymond Barre premier ministre, où nos payes étaient rarement complètes, peut être trois ou quatre mois dans l'année, le reste du temps c'était agrémenté, si j'ose dire, de retenues pour "absences non autorisées", ou un truc comme ça, une litote pour ne pas écrire sur le document le mot "grève". Nous vivons  une période où les "fake news" ont pignon sur rue, alors je l'affirme haut et fort : quand un fonctionnaire fait grève, il a des retenues sur salaire ! Cela va paraitre incongru pour ceux ou celles qui me lisent aujourd'hui, mais, ces retenues, on s'en foutait ! Cela réduisait un chouia nos impôts, mais cela nous ne contraignait pas à vivre une vie étriquée,   nous apprenions facilement, sans ressentir de frustrations, à nous passer d'une consommation non essentielle et surtout inutile, bref, à considérer que la société de consommation enchainent les personnes qui le veulent bien.

    Avant de revenir sur cette grève de 1974, et cette impression de faire l'histoire, je veux parler de cet acte que nous fîmes et qui nous étonna tant il nous semblait malgré tout incongru, décalé mais oh combien gratifiant : un samedi matin, nous sortîmes des chariots du centre de tri de Paris-Brune pour... barrer le boulevard Brune ! Mais pourquoi donc? Tenez vous bien : parce que cinq militants antifranquistes avaient été exécuté à Burgos ! Ce fut Clément, ce militant communiste déjà présenté, qui nous incita à cette action étourdissante, en dehors des délégués syndicaux invisibles sur le coup, et nous y allâmes, sur la pointe des pieds tout de même, un peu étourdi par ce que nous nous apprêtions à faire, en espérant aussi une circulation automobile bien tranquille. Et nous barrâmes le boulevard Brune pour une raison de politique étrangère qui nous regardait pas en tant que fonctionnaires de la Poste ! C'était un samedi matin, il faisait beau, et heureusement il y avait peu de voitures. Nous n'étions pas nombreux, beaucoup de nos collègues nous regardaient des fenêtres du centre de tri et nous, nous nous regardions les uns et les autres sur le boulevard, sidérés par notre audace car nous risquions gros sur le plan disciplinaire. Cinq, sept minutes plus tard, nous regagnâmes le centre de tri. Il n'y eu aucune conséquence pour nous. Faut dire que cela c'était déroulé en 1975, et que la grève de 1974 avait complètement changé le rapport de force les encadrants et nous.

    Revenons à cette grève de 45 jours, cette expérience ontologique inoubliable. D'ailleurs, on voit sur sur cette photo que j'ai retrouvée et qui témoigne de ce conflit que nous n'étions pas abattus mais plutôt dynamiques, heureux d'être dans l'action, insoumis...

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