Le Village du Peuple Etrange Voyageur

pour nos pensées, nos petites histoires et nos joutes littéraires autour des voyages

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    Message par Wapiti Ven 28 Mai - 17:22

    Lilie a écrit:C'est malin de me faire pleurer Vovonne, moi qu'etais toute joyeuse en ecoutant du reggae.
    Et moi qui croyais que j'étais la seule à avoir été touchée en plein coeur, avec la bonne excuse que...
    Bin non !
    Sensibilité, quand tu nous tiens ! Richesse humide qui noie un peu trop souvent l'écran...


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    Message par Skyrgamur Ven 28 Mai - 18:18

    Bin moi aussi, j'y suis allée de ma petite larme Vovonne - Page 4 749699 Vovonne - Page 4 749699 Vovonne - Page 4 749699
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    Message par Vovonne Ven 28 Mai - 18:26

    Vovonne est venue peindre les volets qui deviennent maintenant des vobeaux.

    Chacune légèrement ployée sur les planches rabotées où les feuillures s’accordent à la perfection nous bavardions.
    Vovonne au rythme de ses coups de pinceaux aussi vifs que sa parole et moi bien plus mollement révélant dans le mouvement de mon pinceau ma paresse enfouie.
    La parole est aisée quand les regards ne se croisent pas et s’astreignent à suivre la veine du bois qui capte l’intimité.

    J’ai rassemblé dans le texte de Vovonne, plus haut, ses propres mots, pour une fois, sans mêler les anecdotes des vies de tous, parce qu’elle peignait et racontait sa mère, sans pleurer, sans rire comme une évidence fluide. Pas de misérabilisme, il y avait encore beaucoup plus de détails, les volets sont très grands et ses yeux comme la peinture ne gouttaient pas.
    J’ai appris aujourd’hui que l’ortie jeune ne pique pas.

    Chacun a rencontré une Vovonne dans sa vie, femme forte, énergique, volontaire avec bien planqué à l’intérieur des soieries inattendues.
    Pour moi, c’est miracle dans ce coin paumé.

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    Message par Vovonne Ven 28 Mai - 20:23

    Félix il me dit toujours : « pourquoi tu parles pas, mais dis les choses »
    C’est pas vrai, je parle à l’intérieur.
    Les choses, je les enferme, faut pas les dire, parce que à quoi ça sert.

    L’enfance c’est comme une flaque. Si on la remue, elle devient toute boueuse, si on la touche pas, l’eau est cristalline. Comme l’eau de chez atac, ça doit pour ca et pas pour le prix que je l’achète.
    Je ne veux plus que ce qui est clair et ça fait longtemps que je suis comme ça, depuis que j’ai compris que ce qui faisait mal à l’intérieur, si on ne le touchait pas, même pas d’un mot, même pas d’un doigt, la vie était facile.

    A quoi ça servirait et à qui, que je dise que ma belle-mère me fouettait avec le fouet du cheval.
    Un jour la fille de la ferme qui vivait dans le grenier, m’a déshabillée devant mon père.
    Mon père a été horrifié des zébrures sur mon dos. Parce que le fouet ça fait bien plus mal dans le dos que sur les jambes et les jambes, on les voit.

    Il a crié après sa femme . J’avais quatre et je savais que ça servait à rien de dire qu’elle me fouettait. Y’avait pas d’assistante sociale en ce temps.
    La fille de la ferme, elle mangeait pas avec nous mais je crois qu’elle nous aimait bien.
    Quand j’allais dans l’étable au moment de la traite, elle me mettait de la pommade dans mon dos, très doucement. C’était une pommade qui sentait très mauvais mais qui calmait vraiment bien les brûlures.

    La femme de mon père, elle a pas eu d’enfants. Elle nous avait, nous.

    Tout ça est tellement ancien et parfois j’y pense quand je vois Lucas qui veut un jeu pour jouer sur son truc électronique. Parce que c’est mon petit-fils et qu’il sait rien de la vie de sa grand-mère et que c’est mieux comme ça. Mes garçons non plus et même pas Félix.

    Félix y sait qu’une chose. C’est quand je dis « j’ai pas faim ce soir » il insiste pas.
    Je lui ai raconté que cette chose.
    La femme de mon père, elle nous faisait à manger et souvent c’était de la panade. C’était de l’eau chaude avec tout le pain sec. Et moi, j’en voulais pas, et je pouvais pas refuser de manger, après, je vomissais et elle me faisait manger mon vomi.
    Alors quand je dis que j’ai pas faim, Félix, il respecte.

    Je sais que c’est pas bien de raconter tout ça sur l’ordinateur, que tout le monde lit. Mais c’est des gens que je connais pas. C’est comme quand je parle à l’intérieur de moi. On dit que ça plombe l’atmosphère mais en vrai, personne est obligé de lire.
    Il faut pas s’apitoyer sur son sort et je le fais pas, j’écris, c’est tout.

    C’est pas pareil,quand je caresse mon grand lapin des Flandres aux oreilles si dures, je le caresse entre ses deux oreilles, ça me fait les yeux de lapin russe et ça m’oblige d’enlever mes lunettes pour m’essuyer les yeux. Comme ça, on est entre lapins, et on se comprend.

    Ne croyez que j’invente toutes ces choses, même si elles sont pas de bon goût, elles sont vraies, c’est juste que c’était autrefois.
    Maintenant j’ai une copine dans le village et même si on est tous presque des amis, à personne j’ai raconté tout ça. Mais elle, elle m’écoute, ça fait comme un témoignage quand je lui parle, que ça met Félix de mauvaise humeur.

    Tout à l’heure, il est venu me chercher chez elle. Je lui avais amené les premières fraises et des radis parce que quand son mari est pas là, elle mange rien, elle fait que fumer.
    Elle aussi, elle écrit sur l’ordinateur, elle écrit mon histoire et elle a juste changé les noms.
    Elle m’a lu et j’ai eu les yeux de lapin russe.

    On s’est pris dans nos bras.
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    Message par Wapiti Ven 28 Mai - 21:00

    Mouche !
    Deux fois dans la même journée, t'exagère, Vovonne !
    Arrête-donc de faire tanguer mon écran...

    Et Vovonne - Page 4 63621 à ta copine. Vovonne - Page 4 626800


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    Message par Invité Ven 28 Mai - 21:07

    C'est quoi le bonhomme qui fume un cigare ? Enfin, je le montrerais à Vovonne, bien curieuse de savoir ce que ça lui inspire. J'te dirai.

    Faut toujours durcir le cuir, c'est beau un cuir bien tanné.
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    Message par Vovonne Sam 29 Mai - 12:03

    Je m’aperçois que j’ai oublié de vous parler des maisons de nourrice.
    C’est ce qui donne au paysage un aspect inhabituel. Toutes ces minuscules maisons ont toutes un perron et la porte et une fenêtre de chaque côté.
    Accolé à la maison, une remise au toit en petites tuiles plates et maintenant le plus souvent en tôle quelquefois en éternit que personne ne démolit parce qu’on a pas de droit de toucher à l’amiante même si elle est inerte.

    Devant les maisons, une petite cour avec un potager de poche et des fleurs de l’autre côté.

    Notre département a le nombre d’habitants issus d’orphelins en grand nombre. Le plus fort pourcentage de la France.
    Autrefois, les femmes d’ici montaient à Paris pour nourrir au sein les enfants des riches.
    Ca faisait bien d’avoir une nourrice et c’est pas pareil que la nounou des mamans qui travaillent.
    C’était des bonnes nourricières avec du lait en abondance. Elles laissaient leur propre rejeton à la ferme familiale, il était nourri à la petite cuillère de farine d’orge et elles, engraissaient ceux des parisiens.

    Quand elles avaient gagné quelque argent, il partait au pays et on construisait la maison du couple. Et puis, la mode de l’allaitement nourricier est passée et on aurait pu croire que le pactole singulier cesserait.
    Et non, l’assistance publique de Paris tenait là des mères parfaites et se mit à envoyer au pays tous les gamins qui encombraient trop les orphelinats.

    Ainsi, bien des gens et même au village ne remontent pas loin dans leur généalogie.
    Cette particularité est une richesse, parce qu’on ne se ferme pas aux étrangers, c’est eux qui ont construit toutes nos petits hameaux.
    René, qui n’est plus là et que sa maison est en vente, sa maison était une maison de nourrice. Lui il était domestique au château, celui de la photo. Un domestique à la campagne c’est pas quelqu’un qui passe le balai. On dit maintenant ouvrier agricole ou même saisonnier.
    Sa mère, elle était de l’assistance et a poussé ici dans le bon air et elle s’est mariée et elle est restée et elle a reçu en héritage la maison qui l’avait nourrie.
    René il est resté vieux garçon et troussait toutes les jupes qui passaient trop près de lui.
    Tous, nous savions qu’il dormait avec sa zille couché dans le lit avec lui.

    Sa zille dans notre patois, c’est son fusil pour se protéger des maraudeurs.

    Sur ce je crois qu’il va cheuiller, je vais rentrer mon linge.
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    Message par Vovonne Lun 31 Mai - 11:05

    Etre sur l’ordinateur, c’est comme parler et écouter les gens, et c’est pas souvent intéressant.
    Y’a des moments où c’est vraiment bien et d’autres qu’on aurait pu fermer les oreilles.
    Mais si on se force et qu’on écoute très très bien, on attrape juste le mot qui va réjouir, le mot qui va trotter à l’intérieur pendant toute la journée.
    Ce sont ces mots qui procurent de la joie et qui abolissent le temps réel.
    Un mot que j’aime bien c’est –cri-, un mot de nouveau-né.

    C’est comme ça que j’aime les matins.
    J’aime les matins, très tôt quand le ciel est encore gris et qu’on sait pas s’il va le rester.
    Je sors avant le bol de café.
    Je descends la ruelle, tourne devant la maison de Baratte et je prends le sentier herbu qui mène au pré de Perdita.

    Mes sabots en plastique rose chuintent dans l’herbe et mes orteils se mouillent par les petits trous.
    Je m’enfonce un peu dans le sous-bois et bouscule les herbes emmêlées de la bave transparente des araignées.

    Quand je suis dans le pré, je crie.
    Je crie et personne peut m’entendre.
    Je crie et l’air froid qui entre bouscule l’air chaud qui sort. Il me fait mal à ma dent au fond.
    Je crie parce que c’est bon d’être là même si Perdita ne vient plus frotter ses naseaux.

    Je crie en levant le visage pour tendre mon cou, les mains dans les poches de ma veste.
    Il n’y a pas d’écho. Je crie à toute gorge et je m’étrangle et recommence.
    Comme une folle qui ne veut pas être enfermée.
    Un matin j’ai cru apercevoir quelqu’un au bout du pré derrière les bosquets.
    Si c’est quelqu’un du village, il a rien dit et s’il l’a dit, c’est pas à moi.

    Mais je m’en fiche, c’est ça qui est bien quand on prend de l’âge, on se fiche de ce que pense les autres. Et on s’en fiche du temps qui passe. Le temps c’est pas un oiseau parce que le poète qui a dit de lui suspendre son vol au temps, si ça avait été un oiseau, poum, il serait tombé à mes pieds.
    Le temps, il avance et on le passe à le perdre.
    Jamais on ne le retrouve.
    Ca vole pas, ca s’entasse, c’est pas pareil.

    Y’a des gens pour dire qu’ils ne font que courir après le temps. C’est parce qu’ils ont des montres, des réveils, des horloges. Le temps, il y est pour rien du tout. Il fait rien, que glisser en empilant les jours les uns sur les autres comme un mille-feuille.
    J’aime pas les mille-feuille, ça fait des miettes et ça sent la poussière sucrée.
    Je préfère les éclairs, les faux et les vrais encore plus.
    Je compte jusqu’à sept parce qu’on dit qu’on sait à combien de kilomètres est l’orage et je sursaute.
    C’est sans doute que je suis surprise et que j’aime pas les surprises.
    Elles me font jamais plaisir parce que c’est pas souvent des bonnes surprises.

    Quel moyen de faire bonne figure devant de la famille que vous voyez jamais et qui arrivent réjouie avec le carton du pâtissier à l’heure du repas.
    C’est dimanche et je suis bien tranquille avec Félix, et pan.
    On s’est fait des courgettes, on a grillé quatre saucisses, on a ouvert un bon vin, la table est mise pour nous et c’est foutu, ils débarquent.
    « Surprise, c’est nous »
    Une horreur et un tour de force de politesse.
    Et que je mets l’affreux gâteau plein de crème et qui m’écœure sur un plat rond en m’extasiant :
    « Comme c’est gentil, ah oui quelle surprise et si on n’avait pas été là »

    « On savait bien que vous bougez pas de la ferme le dimanche »
    Abrutis. Si on sort, on va à la rifle de la pétanque
    Y’en aura d’autres des rifles qu’ils répondent.

    Et que je lave de la salade, et que je sors d’autres saucisses et qu’on aura qu’une petite cuillerée de courgettes et que je suis en colère.

    Voilà pourquoi j’aime pas les surprises.

    C’est pareil pour les cadeaux, j’aime pas les cadeaux sauf ceux de Félix et des enfants parce qu’ils me connaissent par cœur.
    Les autres cadeaux qu’il faut dire merci en souriant quand on pense « qu’est-ce c’est moche » « où je vais mettre cette horreur ». Le cadeau que je mettrai au grenier et que je descendrai quand celui qui me l’a offert reviendra.
    Sauf s’il revient par surprise.
    On n’en sort plus.

    En attendant j’arrête d’écrire parce qu’il y a une rifle, pas celle de la pétanque, celle du rugby.
    Les rifles c’est comme des lotos, c’est pas le vingt deux long rifle que c’est la carabine de Félix pour la chasse.

    Si je gagne, ça ce sera une bonne surprise et c’est plus rare que les mauvaises.
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    Message par Vovonne Lun 31 Mai - 12:21

    Avec Félix, on parle souvent de notre enterrement, sauf que maintenant on ne dit plus enterrement on dit obsèques. En tout cas, à la télévision.
    Et convention obsèques et contrat obsèques.
    On a la concession au cimetière du village.
    C’est pas cher. Moins cher qu’une maison et en plus c’est pour cent ans. Y’a pas de loyer chaque mois. Ferme et définitif comme quand on est mort. On arrive bientôt au cent ans, va falloir s’en occuper, sinon, quelqu’un vient ramasser tous les os de la famille et on met ça dans une fosse de tout le monde.
    Sauf qu’on est pas d’accord tous les deux.

    Lui, il veut la boîte pour ranger ses os, en chêne de chez nous, parce qu’il dit que si Dieu existe, à la résurrection d’entre les morts, il pourra pas reconstituer son corps si il est brûlé.

    Moi, je veux être en cendres et ce sera plus compliqué parce qu’il faudra aller à la ville, y’a pas de crématorium ici.
    Je vois pas pourquoi être dans un trou.
    J’ai pas envie qu’on vienne me mettre des fleurs sur le dos.
    Les fleurs c’est dans les bras qu’on les met.
    Et je veux pas non plus qu’on me mette dans un vase ou dans un pot sur la cheminée. Sauf que mes garçons ils ont pas de cheminée et que je serai dans un placard ou à la cave.
    Ah non, je leur ai dit, vous me jetez dans le vent comme ça, je serai où vous voulez.
    C’est mieux.
    Faut qu’on s’accorde quand même. Félix peut pas être dans le trou et moi dans le vent.
    Surtout que si on jette ma poussière d’os dans le vent, forcément elle irait avec celle de Félix.
    J’ai pas envie de le quitter même en poussière.

    On signera pas la convention obsèques. Dans –notre temps- le journal qu’on reçoit, il y a des formulaires et même des adresses de spécialistes de contrat.
    Un bon commerce la mort. Y’ qu’à voir les boutiques des pompes funèbres à côté des maisons de retraite. Elles sont toujours bien décorées ces boutiques avec des magnifiques bouquets de fleurs en plastique.
    Faire feu de tout bois.
    Nos garçons, on a décidé qu’ils se débrouilleront et comme ils vendront la ferme, seront pas en manque de sous.

    Ce qu’on va faire, avant d’être mort, c’est voir le notaire.
    Encore du commerce mais on a très envie de se protéger. Le premier qui part laissera pas l’autre à la porte. Y’a des formules mais Willy, il dit qu’il a entendu qu’il y avait des nouvelles lois, que ça existe plus la donation au dernier vivant. Ca nous inquiète.

    Quand la verveine fume dans les bols avant d’aller au lit, c’est là qu’on est mieux pour parler de quand on sera plus là.
    Félix souffle sur son bol en me regardant tout dans le fond des yeux et ça me chavire.
    J’entends son « je t’aime » qu’il dit jamais.
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    Message par Vovonne Lun 31 Mai - 17:37

    Est venu le temps de laisser l’ordinateur.
    C’était bien.
    Félix n’est pas rentré jusqu’à la maison de la réunion des vieilles mécaniques.
    Par chez nous, la route traverse les immenses forêts et les sangliers traversent sans regarder.
    Félix, il a embouti un sanglier qui lui aussi a embouti la voiture. Elle est fichue et on n’est pas près d’en avoir une autre.
    Félix il met jamais sa ceinture de sécurité et le volant a cassé des côtes et les côtes elles ont piqué son poumon.
    Il est pour quelques jours, beaucoup ou pas, on sait pas, à l’hôpital de la grande ville.
    Félix, c’est déjà un taiseux de nature, et là, encore plus parce que la machine qui aspire l’air pour coller son poumon, il dit que ça lui fait mal pour parler.
    Moi, j’ai plus des moments pour venir écrire mes petits bouts d’histoire.
    Faut que je m’occupe du potager, parce que, en vrai, c’est la grande affaire de Félix, le potager.

    Je vais demander à la voisine de me conduire à la ville. Y’a pas beaucoup de cars et après l’arrêt, il faut encore marcher longtemps pour arriver à la ferme.

    Après, quand il sera guéri, ce sera l’été et l’été y’a personne pour s’assoir devant un ordinateur.

    L’ordinateur n’est pas un ordonnateur qui décide comment on comptabilise les bouts de vie.

    Y’a quelqu’un qui a dit qu’écrire sur l’ordinateur c’était comme sculpter de l’eau.
    Et Jacques Dutronc avec ses yeux à marée basse, il dit :
    « L'ordinateur est un hypnotique. Les gens dorment devant l'écran. Ils sont fascinés comme des papillons face à une lampe. Ils se grillent sous l'abat-jour. »
    J’ai pas envie de griller. Et j’ai aussi trouvé cette citation dans le dictionnaire des citations qui est rangé à côté du Larousse. Je l’ai acheté au rayon livre chez Atac, un jour où je n’ai trouvé aucun livre, c’était mieux que rien :
    « La réalité, c'est ce qui fait mal quand on éteint l'ordinateur » C’est pas gaie cette phrase.

    Tout ça pour dire, que moi Vovonne, je salue tout le monde qui habite ce village bien tranquille.
    La voisine sera là pour me raconter.

    J’ai pas sculpté l’eau,j’ai fait des ronds et des ricochets, il n’en restera rien que des instants aussi éphémères que les papillons du même nom.

    Conclusion pour Monsieur Lahaut : Vovonne disparait.
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    Message par Wapiti Lun 31 Mai - 18:02

    Entre tristesse et bonheur.
    Entre bonheur d'avoir lu ces savoureux bouts de pensées du jour et tristesse de voir partir Vovonne.

    Merci Vovonne d'être passée par notre Village. Longue et surtout belle vie à toi et Félix.
    Et qui sait, si après l'été l'ordinateur te démange à nouveau, n'hésite pas à revenir nous faire causette. Vovonne - Page 4 626800

    Heureusement que ta copine Pondy ne nous abandonne pas, elle ! Vovonne - Page 4 863782


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    Message par Lilie Mer 2 Juin - 0:57

    Ce fut un plaisir de te voir porter le fagnon de toutes les Vovonne de nos campagnes.

    Au revoir Vovonne, on se recroisera sans doute quelque part, plus vite qu'on le pense, j'en suis sure.

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    Message par mamina Mer 2 Juin - 11:39

    A Vovonne, à celle qui est devenue notre tendre amie....

    Les larmes que je n'ai pas pu, ou pas voulu, laisser couler près de ma petite maman je viens de les déverser devant l'écran ! c'est à la fois moche de se laisser aller devant du "pas vrai" mais que ça fait du bien quand d'autres expriment tout ce que vous ressentez....
    Oui la réalité c'est quand on éteint l'ordinateur mais quelques mots bien dits, quelques pensées bien posées c'est comme si on était moins seul...
    La maladie, la mort, la nature, la famille, les fêtes, le chagrin, les naissances, les petits qui nous poussent, les autres qui nous quittent, les fou-rire, l'insouciance, c'est notre vie à tous...

    Merci Vovonne, je sais que tu n'es pas loin...


    Dernière édition par mamina le Jeu 3 Juin - 0:35, édité 2 fois
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    Message par Invité Mer 2 Juin - 21:44

    Oh bon...
    Je me dis que Vovonne finira bien par appuyer sur le bitougnot du zordinateur en croyant très sincèrement allumer le four.
    C'est juste une question de temps. Et d'inspiration.
    Enfin, bon, c'est avant tout une question de peut-être. Qui, comme chacun sait et personne n'ignore, peut ne pas être. Et être à nouveau. Démarrer ou redémarrer. Aller enfin, son bonhomme de chemin, en prenant le temps...

    Schmoutzi, Vovonne.
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    Message par Vovonne Lun 7 Juin - 13:38

    Chère Mamie,

    Je t’écris parce que tu ne veux pas apprendre à chatter sur MSN.
    C’est dommage parce que ça serait encore mieux que le téléphone où tu n’entends pas assez bien et où je suis obligé de crier.

    Je te remercie de mon cadeau d’anniversaire. J’étais content et pas content en même temps.
    J’ai déjà le jeu que tu m’as envoyé et j’espère que tu n’as pas jeté le ticket de caisse pour pouvoir le changer.Je t’avais demandé : Harry Potter et les Reliques de la Mort et pas ,Pokémon Heartgold /Soulsilver J’ai quand même huit ans et Pokémon ça fait fille et bébé.

    La prochaine fois, t’as qu’à m’envoyer l’argent et j’irai avec Maman à Planète Saturne.
    Tu diras au monsieur du magasin presse-cadeaux qu’il est has been s’il t’a fait croire qu’un jeu c’est un jeu.

    Ta carte postale où on voit l’écluse comme autrefois est très belle et ça me rappelle cet été quand on a fait du vélo tous les deux sur le chemin de velage. Je suis plus sûr du nom.

    Le bébé va bientôt arriver, j’espère que c’est pas une fille, parce que c’est pas marrant de jouer à la poupée et à la dinette et que les filles, elles chouignent tout le temps. Maman et Papa veulent garder la surprise et même eux ils savent pas. La chambre du bébé, elle est jaune et Maman, elle dit que ça fait aussi bien fille que garçon.
    Cet été, on va venir te voir Papi et toi parce que le bébé sera trop petit pour partir dans un pays étranger comme l’année dernière à cause de la chaleur et des moustiques qui donnent trop de maladies et ferait mourir le bébé.
    Ca serait un bon débarras et ne le dis pas à Maman que je t’ai écrit ça, s’il te plait.

    Moi, ca m’est égal les voyages à l’étranger. Je préfère être dans ta maison et jouer au bord de l’eau et tourner la manivelle de l’écluse quand les péniches passent.
    Mais Papa et Maman, ils disent que c’est bon de découvrir d’autres pays qui parlent pas comme nous, qui mangent pas comme nous et qui ont des autres religions.
    Ils disent que ça me rendra plus intelligent et ça m’a pas encore rendu plus intelligent parce qu’à l’école, la maîtresse, elle a dit à Maman qu’il faudrait que je vois un spychologue, que j’étais pas bête mais trop fermé.
    Pourtant Papa, il dit toujours « ferme ta bouche, arrête de gober les mouches », c’est comme ça, je suis trop ouvert pour Papa et trop fermé pour la maîtresse.

    C’est parce qu’on a fait des tests et j’ai tout fini en premier, c’est pour ça et aussi parce que j’ai dormi sur les feuilles d’exercice, c’est pour ça et aussi parce que j’ai lu super tard le livre qui s’appelle « le garçon qui s’enfuit dans les bois ». C’est l’histoire d’un garçon qui fait plein de bêtises et que son père emmène dans les bois pour construire une cabane. Après, il devient sage et aime la nature.
    C’est pour ça que je t’écris parce que moi aussi j’aime bien être dans la campagne avec toi et j’ai pas envie d’un bébé à la maison et maman elle est tout le temps fatiguée et papa il dit tous les soirs, « reste calme, va dans ta chambre ».

    Mamie, c’est pas grave pour le jeu vidéo. Je t’aime quand même très fort.
    Mais tu pourras appeler Maman si tu as le ticket de caisse ?

    Maman m’appelle pour manger et j’espère qu’elle n’aura pas fait des tomates avec de l'aïl
    Bisous Mamie.

    PS : peux-tu demander à ta copine Vovonne si Lucas vient cet été
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    Message par Vovonne Lun 7 Juin - 17:41

    Mamie, pourquoi tu m’as pas répondu.

    J’ai regardé plein de fois mon outlook et rien du tout.
    Est-ce que tu es fâchée à cause que mon cadeau c’est pas le bon ?
    Je t’ai dit que c’était pas grave.

    Aujourd’hui à l’école, la maîtresse m’a fait réciter la poésie.
    Je savais par cœur mais les autres me regardaient et j’ai pas osé réciter.
    Quand ça fait ça, j’ai des fourmis dans les oreilles et dans les joues. Ca me picote partout et j’ai envie d’aller au cabinet.

    La maîtresse elle a dit « va t’assoir Arun ».

    Elle m’a pas grondé et les autres ont dit chooouuuchoouuu quand je passais pour aller à ma table.

    A la fin de l’école aujourd’hui, la maîtresse nous a fait faire silence avec les bras croisés sur la table.
    Elle a mis sa figure dans ses mains.
    Lila elle a demandé si la maîtresse était triste mais elle répondu qu’elle était externuée.
    Et Lila elle a alors demandé ce que ça voulait dire et la maîtresse a dit qu’on avait qu’à chercher à la maison.
    J’ai pas encore trouvé. Papa est au boulot et Maman avec sa copine. J’entends, dans le mot, externe mais j’entends éternuer aussi. Ca doit donc être une sorte de rhume, d’ailleurs la maîtresse, elle reniflait.
    Mamie, réponds-moi. Je sais que tu joues l’après-midi aux échecs sur l’ordinateur et on est pas encore le soir.
    Je veux aussi te demander quelque chose que je peux pas demander à Papa parce que j’ose pas et que toi, tu peux demander à Papi.

    Bisous Mamie
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    Message par Invité Jeu 10 Juin - 14:15

    Mon pauvre Arun dans quoi tu t'es fourvoyé ?? Un triomphe de médiocratie rire bravo J'me marre.
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    Message par Invité Jeu 10 Juin - 15:00

    Mais non Arun, écoute pas ce que te dit Pondy, même si elle rit. La médiocratie, c'est fait pour le langage des médios... euh.... des médias... quand ils veulent égratigner les courtisans et tout ce qui fait son beurre vite fait en prime time.

    Alors, Arun, est-ce que Vovonne a demandé pour toi cette chose mystérieuse à Papi ?
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    Message par Invité Jeu 10 Juin - 16:57

    Ah bon tu crois ? Tu parles de la souveraineté de la médiocratie chez les médiacrates, c'est ça ?

    Le môme Arun, sa grand-mère c'est pas Vovonne (grand-mère de Quentin et Lucas, les copains estivaux d'Arun)

    J'ai truellé tout ça...

    clin d'oeil
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    Message par Vovonne Lun 23 Aoû - 10:55

    L’orage a éclaté si fort qu’internet est cassé. Un mois cassé parce que France Télécom déteste celui qui nous vend internet.
    Alors j’écris dans un dossier et si j’ai envie que ça apparaisse dans le village qui est pas un vrai village mais qui est quand même rempli de vrais gens puisqu’ils écrivent des vrais mots, j’aurais qu’à faire ce qui s’appelle copié-collé. C’est mon aîné qui est venu la semaine dernière qui m’a appris la manœuvre.
    C’est vraiment pratique.

    Félix est parti avec René au repas des chasseurs. J’y vais aussi d’habitude. C’est comme une fête gauloise dans la forêt. On mange tant qu’on dégrafe les jupes et les pantalons et on danse sur la piste de bois qu’on construit juste exprès, sous les chênes.
    Cette année, la chaleur me ratatine, sauf les chevilles et mes pieds qui ont des allures de percherons et mes doigts qui sont tout boudinés. Faut boire beaucoup mais j’ai pas soif, alors je me force.

    J’entends à la radio toutes les consignes de canicule. Et ça m’énerve tellement. J’arrive pas à croire que les gens aient avalé le coup des quinze mille morts en 2003 en France alors qu’en Italie, y’en avait que 80 et 100 en Espagne. Le chiffre qui z’ont sorti c’est le nombre de morts en un mois pour toutes sortes d’évènements, maladie, accidents, vieillesse, tout ça quoi…. La mortalité mensuelle habituelle quoi ! et les gens s’imaginent que tous ces morts, c’est la chaleur.
    Fait toujours chaud l’été, c’est normal quand même. Ouh, que ça m’énerve quand j’entends qu’ils installent l’alerte canicule.
    On n’a perdu la liberté de penser par nous même, une vraie horreur. Pareil pour le tour de France, y’a des consignes : pas rester sur l’herbe trop près de la route, tenir les enfants par la main.

    Ici, pour être tranquilles, ceux qui organisent, ont fermé toutes les routes qui mènent au village de 9 h du matin à 18 h. Félix, il voulait voir les vélos mais fallait marcher 8 kilomètres pour aller là où le tour passe. L’est plus très gaillard depuis son séjour à l’hôpital. Alors quand on a entendu l’hélicoptère qui prend les photos, on a allumé le poste et on a regardé notre campagne derrière nos volets clos avec de la limonade fraîche.
    Elle est très belle notre campagne vue du ciel. On a vu tous les châteaux encore mieux que quand on passe devant en voiture. On a ri quand on a vu la vache du clocher que les habitants ont peint pour l’occasion avec des points.
    La vache du clocher, c’est une légende et tous les touristes viennent la prendre en photo.
    En vrai, ça fait idiot une énorme vache accrochée sur sa plate-forme en haut du clocher mais c’est pas la boulangère en face, qui vend des glaces qui va s’en plaindre.

    Du tourisme, y’en a pas beaucoup ici. Que des touristes verts qu’ont les poches cousues.
    Y z’achètent trois tomates chez Clothilde à l’épicerie et y disent : « P’tain, t’as vu comme c’est cher »
    Moi, ça me va, y’a pas trop de monde qui parle fort et qui laisse des mouchoirs en papier derrière les gros chênes de notre forêt.
    C’est normal d’avoir besoin de faire pipi et caca quand on se promène mais ils pourraient enterrer leurs mouchoirs. C’est dégoutant. A l’automne quand on va aux girolles, on en trouve encore.
    Mais les gens, ils s’en fichent, l’arbre leur plait parce que le tronc est large. Ils se mettent à cacabozon, font leur petite affaire, posent le kleenex et hop, ni vu, ni cul nu, ils continuent leur balade verte. Après, y’a les mouches et les taons et c’est les suivants qui se font piquer.

    Le ruban de papier tue-mouche s’est rempli très vite cette année et comme on veut plus grimper sur la chaise qu’on met sur la table pour l’accrocher à la poutre, j’ai trouvé chez Atac un truc formidable. C’est une fleur enduite d’un produit. On colle la fleur en haut de la vitre parce que les mouches volent toujours le plus haut en cherchant la sortie. Elles sont attirées par la couleur de la fleur, y posent leur pattes et hop quelques secondes après elles tombent raides sur les tomettes en zonzonnant une dernière fois. Y’a trois sortes de fleurs, tournesol, coquelicot et lavande. J’ai choisi coquelicot, c’est une fleur que j’aime bien et j’en ai collé sur toutes les fenêtres.
    Ca marche aussi pour les taons et pour les guêpes alors que ça dit, sur le papier, que ça marche que pour les mouches.
    Le matin, d’un coup de balai, je ramasse un tapis de cadavres noirs.

    Y’a des choses quand même qui facilitent la vie.
    Moi je rêve d’un sèche-linge. Je sais, ça sent bon la lessive qui sèche au soleil, mais lever les bras pour mettre les pinces à linge sur le fil de fer, ça me tue les épaules. La corbeille est lourde quand le linge est mouillé. Les salopettes et les draps, ça pèsent un âne mort. L’hiver, le linge met des jours à sécher, quelquefois les draps ressemblent à des murs blancs de glace, tout cassants.
    Moi, c’est mon rêve comme d’autres ont envie de vacances au bord de la mer.

    .../...
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    Message par Skyrgamur Lun 23 Aoû - 11:17

    Merci à France-Télécom de nous avoir rendu Vovonne.
    Ils pourraient aussi s'occuper de ma nouvelle ligne achetée chez eux flop ! flop ! flop !


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    Message par Vovonne Lun 23 Aoû - 12:14



    Ca me fait pas envie du tout. Y’a plein de gens qui brillent d’huile, des gosses qui envoient du sable, des radios qui braillent et le soleil tout droit sur la tête. Dans l’eau, les gens font pipi, éclaboussent ou jouent au ballon. Y’a un surveillant sur son mirador qui crie dans son mégaphone.
    Les parasols s’envolent et on le reçoit dans la figure, ça sent les frites.

    On s’ennuie et on s’occupe en grabotant le sable, on y pêche des mégots et des kleenex. Les mamans cherchent toujours leurs enfants, les pères font des châteaux de sable avec les petits en se donnant l’air de s’amuser comme des petits fous.
    Les jeunes filles se tournent d’un côté, se passent de l’huile, se retournent de l’autre côté.
    Croisent leur bras pour poser la tête parce que le sable : c’est dur, se rendent comptent que ça va bronzer irrégulier, les étendent loin du corps et gloussent en regardant les jeunes garçons en caleçon.
    On entend des bouts d’histoires et des bouts de disputes. On mange des chips qui crissent de sable, des sandwiches qui s’appellent pan bagna je crois. Un sandwich de bagnard au thon sablé.
    Ah non, ç’est fini la plage.
    Une année on a fait ça. Les voisins s’étaient occupés de la ferme et on avait fait la même chose après, pour eux.

    On avait trouvé une location, bord de mer, sur le journal. On était allé à Marseillan-plage. Les enfants étaient comme des fous. Heureux, faut le dire.
    Nous, on se trouvait comme des sardines dans la location. Y’avait bien quatre couchages. Un canapé qui se déplie avec tous les ressorts dans la peau du dos et des fesses pendant sept jours et deux lits pour les petits. Y’avait un coin cuisine avec un évier qui ressemblait à une gamelle carrée où tenait à peine une assiette. Y’avait une douche si petite que Félix n’a pas pris de douche parce qu’il ne pouvait pas fermer la porte et que l’eau coulait dans la pièce.

    Nos garçons passaient la vie dans l’eau. Le soir, on allait marcher dans la rue principale qui n’existe que pendant les vacances. Pleine de vendeurs de bouées crocodiles, de filets à crevette même si y’a pas de crevettes, de harpons sans poissons à harponner, de seau, de pelles, de râteaux, d’ambre solaire, de lunettes de soleil et de cartes postales.
    Des restaurants aussi avec des moules frites, des poissons qu’on pouvait choisir dehors. Des poissons aux yeux morts, j’en frissonne encore.
    Et des marchands de glace. Des glaces italiennes, verte, jaune, rose, qui s’entortillent comme un étron sur le cornet et qui s’écroulent sur le trottoir après un coup de langue. Ah le chagrin du petit ce soir là. Je lui avais donné la mienne à la pistache mais il aimait pas le goût.

    Et les coups de soleil, quel affreux souvenir. Félix, rien, toujours dehors, brun toute l’année. Les bras, les avant-bras et le haut du poitrail. Un bronzage à la marcel, elle dit ma belle-fille.
    Les garçons, rien, ils se baignaient avec le tishirt et moi, rouge, brûlante sur les cuisses et sur mon boudin du ventre.
    Fallait pas me toucher.
    Et le sable, piquait, grattait, mordait. Mauvais, très mauvais souvenir.

    Ainsi, nous avons décidé de ne plus aller à la mer. Chez nous, y’a des lacs à foison, avec de l’eau fraîche et des plages herbeuses. Nos lacs, on peut se baigner et pêcher, dormir dans l’herbe et se reposer dans le silence, parce qu’il y a de la place, beaucoup de place. Y’a quelques campings et ce sont les mêmes gens qui viennent tous les ans. C’est bien.

    Maintenant, on est toujours en vacances alors quand on part en Arles, avec le club ça fait des vacances supérieures.
    Je raconterais ça bientôt si j’ai envie.
    Fait plus chaud, les orages éructent de colère, les mûres griffent les doigts avides, les hirondelles volent bas, je vais brouetter la luzerne et je reviens.





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    Message par Wapiti Jeu 2 Sep - 15:07

    Hmm, quel plaisir de te retrouver, Vovonne.
    N'hésite pas à revenir égayer nos vacances et la rentrée avec tes souvenirs et tes bouts de quotidiens qui ne sont que bouts délicieux.
    sourire


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    Message par Vovonne Ven 3 Sep - 17:07

    Voilà, c’est la rentrée des classes.

    Quand j’étais petite, j’aimais ça.
    Ca voulait dire que c’était enfin fini de garder les vaches.
    Deux mois à être vachère c’est long quand on est petit. Mon frère, lui, il aimait ça parce qu’on mangeait à notre faim et qu’on coutait rien à notre famille.
    C’était les paysans dont on gardait les troupeaux qui nous nourrissaient. On ramassait les troupeaux en passant devant les fermes. Six vaches chez l’un, quatre chez l’autre, dix chez le suivant.
    On gardait dans la pâture jusqu’à trente vaches. Quand je gardais les six vaches des Sœurs de St Paul, celles qui avaient des cornettes en forme de fusée en papier, j’aimais bien. Le soir elle me donnait une omelette et du lait.
    On dormait dans la paille au-dessus d’une étable. On rentrait jamais à la maison pendant les deux mois et le dimanche quelquefois venait papa. On lui donnait les sous de la semaine.
    Mes premières vacances de vachère, j’avais des six ans. Je pleurais tous les soirs.
    Après, j’ai plus rien dit, ça servait à quoi .

    J’ai jamais mis mes garçons en colonie, c’est pour ça. Je sais que la colonie de vacances c’est pas pareil mais moi ça me faisait mal pareil.

    Quand on allait à l’école, on y allait en charrette conduite par la jument grise, sauf l’hiver parce qu’on n’avait pas de patins à fixer sur les roues. L’hiver, faisait si froid que mes yeux gelaient derrière mes paupières. Ils gelaient, c’est sûr parce que j’arrivais pas à regarder sur les côtés.
    J’avais des sabots avec les peaux de lapin dedans et des chaussettes qui grattaient.
    Je marchais derrière mon frère, qui avait des plus grandes jambes que moi, pendant une heure et quand on arrivait à l’école, on voyait la fumée, ça voulait dire qu’on était les derniers et que le poêle était allumé.

    C’était comme ça, c’est tout. On restait au chaud tout le jour et la nuit était revenue quand on rentrait.

    Maintenant, le gamin a bien de la chance. L’école a des projets pédagogiques, chaque année les instituteurs en ont un nouveau. Ca donne une école où les enfants imaginent tout ce qu’ils veulent.
    Nous on imaginait rien du tout. On apprenait les départements, les préfectures et les sous-préfectures, le calcul et l’orthographe la grammaire et les poésies, les dates d’histoire et même les comptoirs indiens, je les sais encore : Chandernagor, Karikal, Mahé, Pondichéry, ben je sais plus le dernier et les leçons de choses et si on travaillait bien on était présenté au certificat d’études et après, hop, au champ.
    C’était comme ça dans ma campagne.

    Je sais bien que je parle comme les vieux, toujours d’autrefois, faut dire que c’est facile puisqu’on se rappelle alors que l’avenir c’est le présent, il est pas encore fabriqué en souvenir, faut attendre.

    Parfois j’aime bien parler du présent aussi, surtout quand les gens m’énervent.
    Celle qui m’énerve en ce moment c’est la voisine. Son mari, il picole tellement qu’il tombe de son lit et se retrouve avec le matelas sur lui, comme une tortue. Et sa femme, elle vient chercher Félix alors qu’on est déjà sous les couvertures, bien tranquilles à regarder le ciel noir par la fenêtre.
    Elle crie, Marianne, qu’elle en a marre de son poivrot de mari, qu’elle va le faire désintoxiquer de force, qu’elle va le faire enfermer, que c’est pas Dieu possible d’être emmerdé comme ça depuis soixante ans. Félix, lui, il enfile son pantalon, il va remettre le matelas sur le lit, coucher le père Marius et moi, je calme Marianne alors que je la trouve insupportable.
    Le père Marius, c’est vrai, il boit que de la gnole, du matin au soir. Le matin, il trempe son pain dans un bol de gnole, c’est pour dire. Mais l’est gentil, jamais violent. Et pis quoi, il a 83 ans, on va pas le changer hein ?
    Marianne, elle veut toujours tout diriger, depuis toujours c’est elle qui décide alors Marius, il boit, voilà.
    Avant, on n’était pas dérangé mais depuis trois mois, Marius tient mal sur ses jambes et quand il se couche, il attrape le matelas parce que ça tangue et il verse.
    Marianne, elle pourrait enlever le matelas et lui glisser un oreiller sous la tête, mais non, elle tient à ce qu’on participe à son malheur et ça, ça m’énerve drôlement.

    J’arrête d’écrire maintenant parce que le club a repris, c’était fermé comme les écoles pendant les vacances. Il faut que je termine de fabriquer un hérisson.
    C’est très joli les hérissons. On prend un livre de poche qu’on aime pas, un peu épais et on plie l’angle de chaque page. Faut faire très régulier. Quand on fini tout le livre, on met deux boutons pour les yeux et un bout de feutrine pour le nez et puis, on colle le hérisson sur un carton épais.
    C’est la voisine, qui m’a donné le livre, c’est un qu’elle aimait pas, il a 390 pages et ça va faire un gros hérisson.

    A bientôt. Je suis contente de savoir que vous lisez mes histoires.









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    Message par Skyrgamur Ven 3 Sep - 17:37

    Vovonne, quand tu évoques ta jeunesse, j'entends ma maman me raconter la sienne pleurs

    J'aimerais bien voir à quoi il ressemble ton hérisson. Peux-tu mettre sa photo ici ?


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