Suite et fin.
Malgré la fatigue et la rakja ingurgitée qui devait m’aider à m’endormir, dixit Betty, je ne réussissais point à rejoindre Morphée. C’était un soir de pleine Lune, et me sachant fatiguée, je redoutais sans doute ne pas entendre le réveil de quatre heures du mat’. Un seul bus journalier reliait Bitola à Sofia, et celui-ci partait à cinq heures du matin, nous faisant arriver dans la capitale bulgare en début d’après-midi. C’était parfait, nous rejoindrions directement l’hôtel que je venais de réserver près de l’aéroport, et où Kinderette pourrait finir de récupérer de sa grosse journée de marche de la veille, tranquillement, et au frais.
Mais le syndrôme de la peur de louper le réveil m’avait frappé, et j’ai souvenir de voir encore l’heure sur mon smartphone aux alentours de 2h30... Je finis finalement par fermer les yeux... pour les ouvrir à 5h15 ! Et merde ! J’avais encore une fois louér le réveil pour prendre un bus matinal, mais cette fois je n’étais pas la seule à en payer les conséquences ! Je savais qu’un bus rejoignait Sofia depuis Skopje, et qu’il partait à 15 heures. Je m’étais renseignée sur les possibilités de retour lorsque j’avais acheté mon billet Sofia-Skopje, et au guichet du terminal international à Sofia, je me souvenais que la dame m’avait dit que les bus partaient tous les jours de Skopje pour Sofia à 15 heures. Il était 5h15, je me doutais qu’il y avait forcément plusieurs bus quotidien pour rejoindre Skopje. Mon smartphone me le confirmait (merci la Wifi !) avec un départ à 9h et une arrivée prévue vers midi. Je laissai donc Kinderette dormir jusqu’à sept heures, et ma punition fût bien évidemment de ne pas me rendormir, trop stressée à l’idée de louper une nouvelle fois le réveil !
Je culpabilisais aussi un peu, évidement. Au lieu d’avoir tout l’après midi et une longue nuit devant elle pour se reposer à l’abri de la chaleur, j’imposais à Kinderette une longue journée de transit, avec deux bus, la chaleur, et plusieurs heures d’attente entre les deux trajets et une arrivée vers 21 heures à Sofia.
Durant les trois heures entre Bitola et Skopje, je me délectai des paysages qui défilaient, à travers les montagnes, des canyons semi-arides même, où des pistes menaient à des maisons isolées sans raccordement électrique. Comme souvent en traversant des pays en bus, des envies de voyage à cheval ou à moto pour avoir la liberté de mouvement et de temps, d’aller à la rencontre de ces gens, de ces vies isolées qui me paraissaient à des années lumières de ma vie à moi, et même à des années lumières de la Macédoine que nous venions d’effleurer.
Kinderette est chouette et ne se plaignit pas une seule fois au cours de cette journée, et même lorsqu’en petite culotte dans ce mini bus où l’on brûlait comme en enfer elle finit par rendre le seul et unique vomito de ce voyage, elle avait encore la banane en me disant que désormais elle allait se sentir mieux... Il faut dire que j’en ai fait des trajets en bus, sur lesquels je pourrais mettre beaucoup de superlatifs. Des nuits les plus froides, des heures à respirer la poussière ou la transpiration de mon voisin, des barres de fer dans les reins pendant des journées entières, des genoux dans le dos, des sièges de lilliputiens andins où mes jambes de géantes ne passent pas et où je me découvrais des talents de contorsionniste... Oui, j’en ai passé des journées de ma vie dans les bus du monde... mais jamais je n’avais effectué un trajet comme celui entre Skopje et Sofia, où j’avais eu aussi chaud de ma vie, que dans ce mini bus de l’enfer où pendant cinq heures il faisait plus chaud à l’intérieur qu’à l’extérieur du véhicule ! Jamais je n’avais vu l’ensemble des passagers agoniser sous la sueur qui perlait leurs bras, leurs fronts, leurs cous, et s’empresser de descendre du bus lors de l’unique pause pour s’aérer sous quarante degrés extérieur ! Heureusement, au bout de deux heures de trajets nous prîmes de la hauteur et l’air devint plus supportable. Je n’avais pas anticipé notre retour en Bulgarie et il ne me restait que de la monnaie bulgare suffisante pour prendre le métro jusqu’à l’aéroport de Sofia, ce que nous fîmes. Puis à l’aéroport, je découvrais que l’hôtel était trop loin pour le rejoindre à pied et que nous devions attendre la navette pour rejoindre l’hôtel. Et Kinderette qui ne se plaignait toujours pas, ma plus grande punition. Il était près de 22h30 lorsque je la mis au lit, douchée et épuisée de cette longue journée que je lui avais infligée. On se levait 6 heures plus tard, et le syndrome de la peur de louper le réveil me frappa encore. C’est que cette fois-ci, l’avion était à sept heures, et je n’avais pas de seconde option...
Nous nous levâmes sans encombre, Kinderette et son éternelle bonne humeur malgré la nuit trop courte. Le soleil se levait lorsque nous observions les avions depuis la salle d’embarquement. Et puis, la navette jusqu’au pied de l’appareil. En haut des marches aux portes de l’avion, Kinderette s’adresse à moi :
- Maman, est ce que je pourrais là aussi aller dans la cabine de pilotage quand on arrivera?
Nous étions les dernières passagères à grimper l’escalier d’embarquement et celui qui clôturait la marche, juste derrière nous, n’était autre que le commandant de bord, qui accepta volontiers la requête de ma compagne de vadrouille.
Paris, quelques heures d’attente, puis TGV. Kinderette avait dormi une heure dans l’avion, et dormit une autre heure dans le train. Arrivée à Nantes, elle était donc encore en pleine forme. Il était 16h à peine, il faisait beau, les horaires étaient de notre côté, et j’avais envie de pousser la vadrouille jusqu’au bout. Nous sommes donc grimpées dans un autre train, et vingt-cinq minutes plus tard, nous tendions le pouce pour la première fois toutes les deux, pour rejoindre notre maisonnée à six kilomètres de cette petite gare de campagne.
Deux minutes plus tard, nous montions aux côtés d’une aide-soignante qui rentrait chez elle et fit un petit crochet pour nous déposer devant la porte de chez nous.
Et c’est ainsi que ça se finit !
FIN
Lilie
Dernière édition par Lilie le Dim 27 Aoû - 0:24, édité 1 fois