Le Village du Peuple Etrange Voyageur

pour nos pensées, nos petites histoires et nos joutes littéraires autour des voyages


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    Message par Wapiti Jeu 2 Oct - 10:27

    Haaaa, ces souvenirs de jours heureux à l'ombre d'une maman aimante... sourire
    Merci Geob pour "ces modestes quelques lignes" bien tournées et agréables à lire.


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    "Nous méritons toutes nos rencontres, elles sont accordées à notre destin et ont une signification qu'il nous appartient de déchiffrer." F. Mauriac
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    Message par geob Sam 25 Oct - 11:13

    L'école des mendiants.



    Je l'ai vu le premier jour du nouvel an népalais. En cette occasion, il y avait beaucoup d'animations, beaucoup de monde à Pokhara. La veille, j'étais allé faire un tour à la kermesse qui, de prime abord, me paraissait être ouverte pour permettre aux gens de s'amuser tranquillement dans un lieu clos et protégé. L'entrée était payante, environ un demi euro, bien cher pour un népalais, alors il y en avait qui regardait ça de loin...


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    ...Peut être aurais-je dû m'y rendre le soir plutôt que l'après midi. Il y avait très peu de monde, le ciel était gris, et c'était bien triste. Je voulais voir une fête populaire, mais ce n'était sans doute pas le bon moment, en tout cas les flics bien pourvus d'instruments propres à dégriser un semblant d’enthousiasme débordant, semblaient s'ennuyer ferme dans l'observation de cette ambiance atone, si peu propice pour s'exercer au maniement des "lathis"  sur l'échine des pauvres gens...


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    Le premier jour de cette nouvelle année népalaise, je me suis donc dirigé vers la rive du lac d'où partent les barques qui vous conduisent sur la petite ile où se trouve un temple réputé. Je le savais déjà, voici une nouvelle preuve que la mondialisation n'épargne aucun pays...


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    C'était bien un jour férié pour tous, et les pilotes d'embarcations ne chômaient pas. Mais avant de s'embarquer, les gens achetaient des noix de coco, de l'encens, enfin de quoi faire des offrandes aux dieux et leur demander l'impossible.

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    Le stand où les gens achètent les offrandes...

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    Cette rue qui descend vers le lac passe devant la caserne des ghurkas, mais il valait mieux marcher sur le trottoir opposé. Et c'est là que je l'ai vu, mais on dernier moment à cause de la foule qui déambulait. Oh nom de Dieu ! J'ai d'abord entendu des gémissements, et, au fur et à mesure que je m’approchais, j'ai compris pourquoi les gens descendaient du trottoir. Il y avait comme un grand couvercle de caisse en bois posé sur le sol, et dessus, couché sur le dos, un homme, mais était-il considéré comme un être humain par ceux qui l'avaient amené ici, un homme, dis-je, qui agitait ses bras, sa jambe gauche, et sa droite coupé au niveau du genou. On aurait dit une tortue qu'on aurait retourné pour éviter qu'elle ne se sauve, il agitait fébrilement ses membres comme s'il voulait se retourner et se remettre debout. Oh je suis vite descendu du trottoir, j'ai contourné de justesse la petite boite où s'entassaient des roupies, mais j'ai surtout constaté, putain d'horreur, le moignon sanguinolent de sa jambe droite, comme si elle avait été fraîchement coupé le matin même !

    Une violente colère m'a envahi, à m'en faire mal au ventre. Où ils sont ces gens qui l'ont déposé là, jeté devrais-je dire, jeté comme une merde encombrante dont on veut vite se débarrasser? Où ils sont ces salopards qui l’exhibe tel un monstre de foire, que je leur crache à la gueule, que je les massacre à coups de pied dans le ventre? Le choc de cette vision atroce m'a même donné des envies de meurtre !

    Dès que j'ai grimpé sur une embarcation, je me suis calmé. Au milieu de la gentillesse des Népalais, et des beautés Népalaises, on oublie vite et on passe à autre chose. Après tout, au cours de mes cinq semaines à Pokhara, j'en ai vu bien d'autres des mendiants, certes moins spectaculaires, souvent très sympathiques, enfin disons qu'ils me renvoyaient surtout l'image d'une humanité moins dérangeante.

    Je me suis souvenu d'un texte d'Albert Cossery, il me semble bien qu'il s'intitulait "L'école des mendiants",  dans lequel deux protagonistes discouraient sur la meilleure façon de soulager les passants de leur monnaie. Pour l'un d'entre eux, il fallait ne pas hésiter à choquer le donneur, quitte à lui mettre sous les yeux un gamin dont on aurait, dès son plus jeune âge, fracturé tous ses membres afin qu'il ne puisse se mouvoir que comme un crabe. L'autre, lui, privilégiait le côté gentil, humoristique, émouvant, car, d'après lui, on ne devait surtout pas effrayer le passant, lui renvoyer une image déshumanisée, mais plutôt lui faire ressentir  à quel point il avait de la chance, qu'il était important, généreux dans son petit don qui l'aiderait à passer une bonne journée, émerveillé par sa générosité qui, en fait, lui sert de talisman pour conjurer le mauvais sort : mon Dieu ! faîtes que je ne finisse pas dans la rue  !

    A Paris, je ne passe pas une journée sans croiser quatre ou cinq mendiants, rien que dans mon quartier. Mais avant d'en dire quelques mots, retournons d'abord à Pokhara....


    Maadadayo !
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    Message par geob Mar 4 Nov - 10:49


    Serge Moati et moi.


    En lisant le livre de Serge Moati, "Lepen, vous et moi", j'ai eu l'impression qu'il était encore devant moi, et lui derrière sa caméra. Toujours cette bonhommie, cette gentillesse, cette façon de vous relancer dans vos propos. Voyons, c'était quand? Il était venu passé deux jours dans le centre de tri postal où je travaillais pour faire un reportage sur la Poste, le personnel. Bien entendu, il a effectué des interviews. Il demandait à la personne de continuer à trier tandis qu'il filmait et posait des questions. Moati était bien embêté car rares furent celles ou ceux qui acceptèrent, disons surtout par timidité. Ses interviews ne duraient pas, les gens avaient du mal à se lâcher, à exprimer autres choses que des banalités. Lorsqu'il s'est approché de l'endroit où je triais, assis sur une chaise mobile, je l'ai entendu dire à son assistante à quel point il était décu par la fuite de mes collègues. Je me suis alors retourné vers lui, et c'est là qu'il m'a demandé si je voulais parler. Fallait pas me tenter ! J'ai dit oui, tiens donc !
    - Continez à travailler pendant que je vous filme !
    - Ah non ! ai-dit, je ne peux pas faire deux choses à la fois !
    A vrai dire, je ne visais qu'à me désennuyer de mon travail fastidieux. Alors je me suis levé, j'ai posé un bras sur le dossier de ma chaise, et j'ai dit à Serge Moati :
    - Commençons !


    Et j'ai parlé, parlé, bon dieu ! qu'est-ce que j'ai pu parler ! J'ai parlé de moi, et puis surtout d'autres choses, de politique, et de Bernard Moitessier, alors là il ne faut pas me demander pourquoi, je ne me souviens absolument pas pourquoi j'ai évoqué Moitessier devant la caméra de Moati ! Par moments, il me relancait : allez-s'y, continuez. Je ne faisais pas prier, je voyais les minutes qui passaient bien agréablement pour moi. Au bout d'une dizaine de minutes (moins? plus?), un responsable est venu lui dire qu'il fallait arrêter l'interview, et il s'est éloigné aussitôt. Sur le coup, Moati m'a demandé :
    - Le chef (il a employé ce mot) veut que vous repreniez votre tri?
    - Non, ce n'est pas ça, il est 23h, il faut que nous fermions les casiers pour le départ du courrier.
    - Ah d'accord !

    Et il continuait à filmer. Il a mis du temps à décoller son oeil du viseur, Moati ! Encore heureux que je ne lui ai pas dit que nous avions un point commun, à savoir que nous étions nés tous les deux en Tunisie !


    Le reportage n'a jamais vu le jour... à mon grand soulagement ! J'avais exagéré pas mal de mes propos, et dit des choses que je n'aurais jamais dû dire ! Mais je garde un excellement souvenir de Serge Moati, un type vraiment chaleureux et sympathique.
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    Message par geob Jeu 13 Nov - 16:00

    L'école des mendiants. (II)

    Lorsque je suis revenu d'un voyage de deux mois en Inde, en avril et mai 1981, j'ai choqué mon entourage en affirmant que je n'avais jamais vu des gens aussi heureux de vivre que dans ce pays. Quoi? Qu'est-ce que tu racontes? Tout ce qu'on voit à la télévision, rien que des pauvres, de la crasse, tous des mendiants qui crèvent de faim ! Oui, il y a des pauvres, mais pas des misérables. Et les plus pauvres d'entre les pauvres savent le prix d'une journée vécue, des réveils les matins sur le trottoir au milieu de la saleté et des détritus, et pourtant, malgré tout, ils vaquent à leurs occupations, font chauffer une marmite pour donner quelques chose à manger aux enfants en guenilles et aux sourires lumineux. Ils ne tendent jamais la main, ils ignorent les passants. Eux, ils n'ont pas besoin de consulter leur "psy", ils n'ont pas nos petites frustrations parce qu'on ne peut pas se payer ce qu'on veut ; c'est quoi nos petites angoisses de rassasiés, avec nos ventres pleins et nos supermarchés regorgeant de marchandises superflues?... Oui, bon, c'est vrai, on pouvait les voir dans certaines grandes villes, mais cela ne faisait pas l'emblème de l'Inde, l'Inde, les Indes pour être plus précis, car c'est un tel foisonnement de couleurs, de couleurs de peau, d'odeurs, de climats, de paysages et de monuments. Je ne me souviens pas d'avoir vu des mendiants dans le Kérala, bien au contraire, les gens étaient tous bien portants, beaux,  et très chaleureux. Au fond, les mendiants, ceux qui tendent la main, on les rencontre surtout dans les endroits touristiques, et on finit pour ne plus y faire attention. Parfois, une scène effroyable peut survenir comme un coup de poing dans la gueule, comme ce fut pour moi le cas près du Fort Rouge, à New Delhi, quand une lépreuse m'a brandi son bébé sous mon nez. Bon Dieu ! Lr visage de la mère !L'horreur ! Je n'ai rien donné, je ne suis pas du genre à mettre un cautère sur une jambe de bois. Tiens, ça me rappelle un trek en Thaïlande. C'était vers la frontière birmane, dans une zone très montagneuse, avec pas mal de forêts, et ça grimpait dur. Nous passâmes près un village ethnique, vraiment loin de tout. Une vraie désolation ! Il y avait juste cinq ou six baraques sommaires en bambou. Des gens s'approchèrent de nous - des Karens. Parmi eux, il y avait une jeune femme dans un état pitoyable. Un vieil homme parla avec notre guide thaïlandais. Celui-ci finit pas nous dire que la fille souffrait de la malaria, et il nous demanda si nous pouvions leur donner des médicaments. Dans notre groupe il y avait une Française, infirmière de surcroit, et qui, bien sûr, suivait un traitement préventif contre le paludisme, comme tous les touristes qui viennent pour la première en Thaïlande - alors que le risque est extrêmement minime, à moins que de séjourner en pleine nature pendant la saison des pluies. Elle s'apprêtait à sortir sa plaquette de nivaquine de son sac. Qu'est-ce que tu comptes faire? lui ai-je demandé. Elle voulait juste lui filer un cachet. Un cachet? Ah bon? ai-je dit, et après, qu'est-ce qu'elle fait? C'est comme si tu lui donnais un bonbon, je n'en vois pas l'intérêt, à moins que tu lui offres toute ta plaquette pour qu'elle suive un traitement complet et efficace ; tu devrais par la même occasion t'installer ici pour leur être utile. Elle m'a rétorqué que cela lui faisait de la peine, mais elle réalisa vite que le principe de précaution devait s'appliquer d'abord à elle même,  ensuite qu'elle avait failli faire un geste pour juste se donner bonne conscience à peu de frais, histoire de raconter au retour des vacances qu'elle avait fait une bonne action en rendant service aux autochtones "vachement sympas et accueillants."

    A Pokhara, je ne voyais les mendiants que dans le quartier de Lakeside, pour la seule et unique raison que c'est le lieu où se trouve une forte concentration d'hôtels et de restaurants pour les touristes. Ailleurs, personne ne vous embêtera, les Népalais sont des êtres humains dignes et fiers. Chaque matin, donc, ils arrivent pour faire leur vacation, rien que le matin, l'après midi ils n'arpentent plus les trottoirs : ils comptent la recette. A part cette femme qui se tenait derrière un fauteuil roulant sur lequel reposait un être informe, sans bras ni jambes. Elle ne disait rien, n'interpellait personne, elle ne bougeait pas et restait debout non sans une certaine dignité, voir une étrange distanciation, comme si elle voulait affirmer qu'elle n'était là rien que pour rendre service.

    Chaque matin, je croisais un unijambiste avec ses béquilles. Il arborait toujours une petite  mine bien malheureuse censée lui attirer quelques roupies, aisi qu' une pancarte que je n'ai jamais essayée de déchiffrer - oh, et puis c'était en anglais !  En tout cas, il se déplaçait sans problèmes. Or, un matin de bonne heure, je suis allé me balader dans le quartier de Damside. Après environ cinq cents mètres de marche, je l'ai vu sur le trottoir en compagnie de deux femmes. Il y en avait une qui restait près de lui, tandis que l'autre, un peu à l'écart, semblait leur apprendre quelque chose tant ils restaient attentifs. J'ai tout suite pensé que l'unijambiste se rendait à son travail en compagnie de sa femme. Il ressemblait à un Népalais lambda, nonobstant ses béquilles, il ne s'était pas encore mis dans la peau d'un malheureux qui tend sa sébile, son visage reflétait beaucoup de sérieux, de tranquillité, et cette différence si nette d'attitude, sur le coup, ça  m'avait frappé et beaucoup amusé.

    Ceux que j'appréciais le plus, c'étaient les "sadhus", les types habillés et enturbannés tout en orange, munis d'un trident et d'un petit seau métallique ou en plastique. La plupart portaient une barbe, avec une belle moustache. Malheur aux touristes qui occupaient les tables aux terrasses, près du trottoir ! Le sadhu s'arrêtait pour les regarder manger leur petit déjeuner. Oh le malaise ! Que cela devenait difficile pour eux de tartiner leur tranche de pain en feignant l'indifférence ! Ils n'osaient même plus se parler ! En fait, j'ai rarement vu quelqu'un donner un billet, sauf une fois, une européenne, elle voulait sans doute ne plus être dérangée pendant qu'elle tapotait l'écran de sa tablette. Il m'est arrivé quelquefois d'occuper une table près du trottoir. Quand l'un d'entre eux  venait tenter sa chance, il commençait par un bon sourire auquel je répondais d'une manière tout aussi avenante. Ensuite, je vérifiais que les responsables du restaurant étaient bien visibles, alors je les désignais au bonhomme, puis je l'encourageais à aller leur demander l'aumône. En général ils hésitaient un peu, ils souriaient encore mais pour masquer leur gêne, ils n'avaient pas l'habitude de voir les touristes réagirent ainsi.  J'insistais, avec de petits signes de la main, vas-y grand-père, vas-y ! A ma grande surprise, ils osaient tous entrer, et ils en sortaient à chaque fois avec un billet. Rapidement ! Dame ! Comme tous les commerçants du monde, les Népalais n'aiment pas qu'on vienne importuner leurs clients, ni dévaloriser leur établissement !

    Le sadhu qui m'épatait le plus, c'était un grand gaillard efflanqué, jeune.  Ah ça ! Il n'avait pas la tête chenue avec sa moustache noire ! Il marchait d'un pas énergique, énervé. Une fois, je l'ai imaginé quittant son logement à toute vitesse pour faire sa tournée, avec derrière lui sa femme qui hurle : Chéri ! N'oublie pas ton trident !

    Et il y avait cet homme, assis au pied d'un arbre, sur un trottoir face au lac. Il était habillé en noir, son visage irradiait le bonheur, la joie de vivre. Ses béquilles étaient posées sur le sol ; sa jambe gauche était coupé au niveau du genou, mais le moignon était propre, cicatrisé. Je l'ai vu trois fois, ce gars, à chaque fois avec un sentiment de malaise, dû sans doute à sa façon de s'emparer de sa cuisse gauche et de me la présenter fièrement, tel un trophée incongru qui méritait toute mon admiration. En passant devant lui la première fois, j'ai plongé mon regard interloqué dans le sien, sans doute voulais-je y lire une explication, un mode d'emploi, que sais-je encore, enfin quelque chose de compréhensible sur cette joie de vivre qui, pour ma part, m'a quitté depuis belle lurette. Il ne venait pas tous les jours. La deuxième fois, je marchais lentement, perdu dans mille pensées inconséquentes, je me suis aperçu de sa présence alors que j'étais juste à quelques mètres. Merde ! Il m'a fait les mêmes gestes. Affreux ! J'entendais dans ma tête " T'a vu mon moignon, hein? Regarde ça, magnifique, non?" Nom de dieu ! Pitié ! Tout à coup, des images du film " Erreur de la banque en votre faveur", avec Gerard Lanvin, me sont revenues en mémoire, exactement celles où le banquier passe devant un S.D.F. qui brandit une pancarte où il y a écrit "J'ai faim ", et le banquier, jetant un coup à sa montre, de dire : "Ah ! Midi ! En effet, c'est heure ! " Cela m'a suggéré une idée bien cynique : je me suis promis que si le gars revenait, je lèverai mon pouce en signe d'admiration !

    Environ une semaine plus-tard, je le revis, toujours à la même place. Attends un peu, mon gaillard !... Je ne suis pas passé devant lui, je n'ai pas osé. J'ai pris une rue sur la droite, pour le contourner. Après tout, me suis-je dis, tu n'es pas banquier, et c'est bien là ton principal handicap.



    Petits métiers à Pokhara


    Le rémouleur

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    Vendeur de légumes et distributeur de journaux

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    Réparateur de parapluie, mais aussi les chaussures, les sacs, etc, etc. Le Népal n'est pas près d'arriver à la société d'abondance, donc de gaspillage

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    Maadadayo !
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    Message par geob Jeu 11 Déc - 12:27


    Juste une photographie.


    On peut considérer cette photographie d'une manière circonspecte, sauf si on sait que les militaires ont pris le pouvoir en Thaïlande, et que tous les Thaïlandais sont priés de taire leurs opinions politiques sous peine de se faire incarcérer ! Alors, oui, franchement, c'est avec une immense joie que j'ai pris ce cliché, quelque part en Thaïlande. Une résistance passive, ma foi, fort rassurante !


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    Message par geob Lun 29 Déc - 9:24


    L'école des mendiants, à Paris.
    (III)


    Bon sang ! Cette scène m'est revenue à la mémoire d'un coup ! Une scène sidérante ! C'était l'été dernier, rue Falguière à Paris, à côté du Franprix où les employés installent les deux conteneurs verts à roulettes,  remplis jusqu'à la gueule de tous les rogatons de la société de consommation.  Lorsque je suis passé devant, j'ai vu une douzaine de personnes autour, en train de fouiller méthodiquement,  rejetant ce qu'elles estimaient impropre à la consommation ; on aurait dit une entreprise de tri de déchets avec des employés consciencieux et efficaces. C'étaient des "Roms".  J'ai été impressionné par cette vision digne d'un obscur Moyen Age... enfin  pas très longtemps, n'était-ce pas là  plutôt les conséquences du niveau de vie d'une société riche qui gaspille à tour de bras, et qui jette sans vergogne ce qu'elle estime invendable, comme par exemple des fruits et des légumes qui n'affichent pas une belle couleur ou un calibre normalisé, et aussi tout ce qui est soi disant attentatoire au fameux "principe de précaution", inscrit dans notre constitution?

    Dans mon quartier, je croise tous les jours plusieurs mendiants. En général, ils se placent devant une boulangerie ou la sortie d'un supermarché. Ainsi ce monsieur, un métropolitain, qui est apparu il y a quatre/cinq ans devant le Monoprix de la Tour Montparnasse. La première fois, je n'ai rien compris à ce qu'il disait, il semblait marmonner une phrase en avalant les mots, comme s'il répugnait à les dire haut et fort. Bon, j'ai fini par comprendre qu'il disait : "avez vous une petite pièce?" Une petite? Quel manque d'ambition !  D'aucuns n'hésitent pas à tenter : "Auriez vous un euro ou deux?". Une fois, j'ai mal réagi, c'est pas bien je sais mais j'étais énervé, alors j'ai rétorqué vivement au pauvre gars : " Un euro ou deux? Quand vous vous serez décidé, vous me passerez un coup de fil  !" D'autres, installés sur un petit tabouret, portable à l'oreille, vous font signe de mettre une pièce dans leur gobelet en polystyrène ; je me souviens de ce jeune gars énervé, en grande conversation téléphonique, , il m'a quasiment engueulé parce que j'avais eu l’outrecuidance de passer devant son gobelet sans rien y mettre. Ma réaction? J'ai éclaté de rire ! Sincèrement ! La majorité des immobiles sont des "Roms", et la plupart ont cette technique qui consiste à accrocher votre regard pour vous dire bonjour, pour vous faire sentir coupable de leur état. Quelquefois, ils sont décontenancés par le comportement de ceux qui donnent. Je me souviens de cette jeune fille qui a offert un sandwich à une femme, elle n'a pas vu la réaction de la "Rom" qui a reniflé le sandwiche, observé avec circonspection, et puis elle l'a posé à côté d'elle. La jeune fille a dû se sentir gratifiée par sa bonne action, mais elle ne savait sans doute pas que les mendiants de la communauté "rom" doivent rapporter de l'argent à ceux qui les mettent sur les trottoirs, oui, de l'argent, pas du pain, sinon gare !

    Et puis, il y a cette dame, cette métropolitaine. Elle n'a pas une figure d'ivrogne, de déclassée. La première fois que je l'ai vue, je me suis demandé pourquoi elle se trouvait dans cette situation tant sa présence m'a paru, sur le coup, complètement incongru. Elle se déplace toujours avec un baluchon et un duvet de plus en plus sales au fur et à mesure que les années passent. Elle ne demande rien, elle attend, elle attend, elle attend, la mort peut être, le bon ou la bonne Samaritaine. Parfois, je ne la vois plus pendant quelques mois,  je me dis qu'elle doit être morte ou récupérée par la société, et puis, d'ailleurs la dernière fois c'était quelques semaines avant de prendre l'avion, elle réapparait, toujours avec ses haillons de plus en plus sales, et puis ses jambes, nom de dieu, recouvertes d'une épaisse couche noire de crasse, comme si elles étaient gangrénées par la misère.

    Sur le boulevard Vaugirard, il y a une entrée de la gare Montparnasse avec un escalier mécanique. C'est là que s'installe un grand gaillard au visage rougeaud, toujours coiffé d'une casquette, il ne donne pas l'impression d'être à bout de course, loin de là, je dirais même qu'il me parait toujours revenir de vacances tant sa peau écarlate pourrait faire envie aux passants sevrés de soleil. D'ailleurs on ne le voit pas l'hiver, il part faire sa saison hivernale je ne sais trop où.

    J'ai l'habitude. Croiser tous les jours des gens en perdition, j'ai l'habitude. Mais ces jeunes, enfin plus ou moins, garçons et filles avachis sur le sol devant la gare Montparnasse, se confondant dans une dégénérescence sociale revendiquée,  en compagnie de leurs chiens apeurés face la violence soudaine qu'ils peuvent déclencher,  se pensent-ils en perdition, ces punks coiffés comme des Iroquois et habillés de tenues para-militaires?...

    Oyez cette banalité ! Dans ce siècle entamé, il vaut mieux être riche et bien portant que pauvre et malade ! L'avenir ne nous appartient pas, il est à ceux qui ont le vrai pouvoir, à savoir le contrôle de la monnaie, alors pour nous faire accroire que nous avons de l'importance, que nous existons, on nous permet tous les cinq ans de choisir un individu qui nous revient pas mais qui devra, vaut mieux en rire, nous représenter. J'ai revu dernièrement le film  "L'invasion de Los Angeles", de John Carpenter, et le titre exact : "Ils vivent mais nous, nous dormons" décrit si bien le monde dans lequel on vit. Nous dormons, c'est à dire que nous bornons notre horizon qu'à la satisfaction de de nos besoins nécessaires, et surtout de nos envies superfétatoires qui nous renforcent dans l'illusion de nous croire différents des autres, contribuant ainsi à faire perdurer la belle des  "Ils vivent...", et ceux là doivent s'étonner devant notre incapacité à comprendre réellement notre société, s'émerveiller de notre passivité, rire aux éclats de notre tendance à croire tout ce qu'on nous raconte, s'amuser de notre propension à traquer un bouc émissaire - l'immigré, le juif, l'arabe, le fonctionnaire, etc, etc  - pour mettre du baume sur nos perpétuelles frustrations...

    Ces punks, ces pseudo-anarchistes de la gare Montparnasse, eux aussi ils dorment, abrutis par l'alcool et la vie sur le bitume. Ah ils peuvent crier "Fuck la société" tant qu'ils veulent, ils n'empêcheront pas les "Ils vivent..." de dormir dans leurs draps de satin !

    Et puis, il y a elle, une silhouette frêle, engoncée dans un manteau trop grand pour elle. Elle marche à pas comptés, lentement, courbée sous le poids de son sac à dos qui semble contenir toute la misère du monde. Elle marche? Non, elle avance un pas après l'autre, inexorablement, si elle s'arrête peut être qu'elle n'aurait plus la force de reprendre sa déambulation,  le visage toujours parallèle au sol afin que personne ne voit sa figure. Juste un fantôme qui n'embête personne. Elle tourne toujours dans le secteur de la gare Montparnasse, parfois elle descend la rue Odessa. J'ai le sentiment qu'elle suit toujours un parcours qu'elle s'est imposée. Ce qui devait arriver, arriva. Un jour, dans la gare Montparnasse, au niveau du départ des trains, elle a surgi de derrière un panneau publicitaire, heureusement sa lenteur nous a sauvés d'une collision. A ma grande surprise, elle s'est vite redressée pour considérer l'obstacle de ma personne, et elle s'est aussi vite recourbée pour cacher son visage. J'ai donc vu son visage, celui d'une jeune femme portant une fine paire de lunettes en métal, une jeune femme d'origine asiatique, et tout s'explique : elle a honte, elle a peur que quelqu'un de sa famille, ou des amis de la même communauté la rencontrent dans la rue, dans son état, je me suis dis qu'elle ne veut pas perdre la face. La dernière fois que je l'ai vue, c'était rue du Montparnasse, un après midi d'été. Elle avait enlevé son manteau, et elle se tenait droite, s'épongeant le front avec un large tissu. Ce qui m'a frappé, c'est qu'elle doit mesurer plus d'un mètre soixante dix.

    En Thaïlande, la structure familiale est le socle encore solide de la société, les mendiants sont donc rarissimes. Dans la ville de Chiang Rai, il arrive parfois d'en voir mais se ne sont pas des Thaïs de souche, ce sont des gens des ethnies des montagnes. L'autre jour, je me suis arrêté pour boire un café. A chaque fois que je m'attable dans un endroit où il n'y a personne, il ne se passe guère de temps pour qu'un autre client survienne. Une jeune fille aux cheveux teints a arrêté son scooter, elle est venue commander un café glacé - les thaïs préfèrent le boire ainsi. Puis est arrivé un, comment dire, une sorte de routard, un chemineau du bitume...


    Debriefing - Page 11 Tambou10



    ... portant un paquet de plastiques en guise de sac à dos. Il a posé ses affaires près de la table où la jeune fille attendait sa commande. Elle a aussitôt changé de place, dégoutée. Je ne savais pas trop ce que cet homme, visiblement épuisé, avait commandé, en tout cas je l'ai vu fouiller dans son sac en toile et un sortir un petit sachet de plastique contenant de la monnaie. Il a commencé à compter les pièces sur la table tandis que la patronne lui disait que ce n'était pas la peine, c'était offert. Il a pris sa boisson, de l'eau avec du sirop de couleur rouge, et je crois qu'il a donné les pièces. La jeune fille a eu sa commande et elle est partie. Aussitôt l'homme a a levé la tête et il lui a lancé un regard brulant, celui d'un homme qui venait de subir une humiliation


    Qui va doucement, va longtemps  
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    Message par geob Mar 6 Jan - 6:00


    Une situation embarrassante



    A la "Old guest house" où je séjourne, il y a même des jeunes en route pour le Laos qui s'arrêtent une nuit, pas une de plus pensaient-ils mais, trouvant ce lieu tellement agréable, beaucoup en deviennent accrocs et ne sont plus pressés de le quitter. Ainsi cette jeune femme Française qui est là depuis bientôt une semaine. Elle est comme tous les jeunes : elle se veut cool, ne rechigne pas à lever le coude ou bien à fumer un joint, bref, à s'éclater et à ne pas se prendre la tête. Avec d'autres Français, elle sort tous les soirs et ils connaissent déjà tous les pubs et boites de la ville. Les alentours, la campagne, les vadrouilles dans la montagne, non, non, elle veut se reposer. Ça m'a toujours fasciné ces jeunes déjà fatigué de tout, qui mettent une écharpe d'un mètre cinquante autour de leur cou, même s'il ne fait pas froid, et qui arborent leur "piercing" comme le  symbole d'une pseudo-révolte contre la société, ou alors comme une esthétique visant à se démarquer du commun des mortels tout en se rassurant par leur appartenance à une "tribu", car croyant se différentier, ils cherchent surtout à ressembler à tous ceux qui s'imaginent en dehors du système, bref, ces individualistes ont l'esprit très communautaire !

    Comme il y a peu de tables à la "Old guest house", on est obligé de s'assoir avec des gens dont la tête nous revient pas. Ainsi, ce matin, la Française... bon, pour simplifier, supposons qu'elle s'appelle Paulette, je disais donc que ce matin, Paulette s'est assise là où je prenais mon petit déjeuner. Aussitôt elle a ouvert sa tablette, sorti son paquet de clopes, prit ses deux téléphones portables, enlevé une carte "sim" pour en mettre une nouvelle, puis elle a renouvelé l'opération, ensuite elle a fouillé dans son sac à la recherche de je ne sais quoi, elle s'est levée, elle est partie chercher du ketchup, elle s'est rassise, elle a pianoté sur sa tablette, enfin, quoi, elle était dans une telle activité, une telle fébrilité,  rien que de la regarder cela me fatiguait ! Ses grands yeux étranges semblaient ne plus voir qu'un ailleurs qu'elle seule connaissait. Je lui ai dit qu'elle devrait pratiquer l'hypnose. Ah tiens ! Un sujet qui l'intéresse !  Elle aimerait bien se faire hypnotiser, en attendant elle pratique l'auto-hypnose avec quelques petits verres pour faire la fête, et un joint que l'on s'empresse de faire tourner parce que c'est "cool" et que c'est ça la vraie vie.

    En fin d'après midi, je suis allé aux sources d'eau chaude. Après le bain dans une cabine privée, je me suis reposé à l'accueil, un espace ouvert aux quatre vents. En buvant du soja, j'observais les arbres au bord de l'étang, une vingtaine de mètres plus loin, les gens qui vont et viennent, le type qui jouait de son instrument de musique dans sa camionnette où il vend du café, chaud ou froid. J'ai vite repéré ce Thaïlandais qui arrivait en compagnie d'une femme blanche. Vous l'avez compris, c'était Paulette. J'ai trouvé l'allure de l’autochtone en parfaite adéquation avec ce que je supposais de Paulette : il avait les cheveux longs, une barbichette filandreuse, un petit chapeau canaille sur la tête, et son chanteur préféré doit être Bob Marley - j'en mettrais ma main au feu ! Paulette m'a repéré, j'ai tout de suite vu le changement sur son visage, son sourire s'éteindre, un malaise évident. Ils sont sorti de mon champ visuel. Une minute plus tard, le Thaïlandais, appelons le Bob, est passé devant moi pour se renseigner à l'accueil. Il est reparti. Pas de traces de Paulette. Bob m'a paru tout aussi fébrile que Paulette, il semblait la chercher. Où était-elle? Il était parti dans la mauvaise direction, il est revenu et il a semblé s'adresser à elle, que je ne voyais pas dans ma position, et il est revenu à l'accueil, il a payé deux serviettes de toilette. Oh nom de dieu ! J'ai vu Paulette : elle était mal planquée derrière un arbre !C'est pas vrai ! me suis-je dit ! Sur le coup, j'ai eu envie de m'attarder un maximum car il était évident que Paulette pensait que je ne l'avais pas vue, et il était aussi évident qu'elle ne voulait pas se montrer en compagnie de Bob ! Comme je suis quelqu'un de foncièrement gentil, et soudainement envahi par un sentiment de solidarité masculine, je voyais Bob qui attendait comme un con avec ses deux serviettes sous le bras, visiblement envahi, lui, par une envie pressante, j'ai vite pris mes affaires et je suis parti en regardant bien devant moi.

    Ah Paulette ! Que tu es bête ! Pourquoi avoir eu honte, car je crois que ça ne peut être que de la honte, de passer devant moi en compagnie de Bob? Assume, Paulette, assume ! Les femmes aussi veulent de l'exotisme, des souvenirs piquants et inoubliables ! Il n'y a pas que les hommes qui y ont droit ! Vis ta vie Paulette ! Sois réellement cool, bien dans ta peau, tu aurais pu passer devant moi avec une jeune femme, un transsexuel, ou je ne sais quoi, cela m'aurait fait ni chaud ni froid, ce n'est pas ma vie, c'est ta vie, et crois moi j'en ai rencontré des gens qui se fichaient royalement de l'opinion des autres ! Fais comme eux ! Assume, Paulette, assume !

    Un dernier mot. Ce matin, 6 janvier, tes amis Français se dispersent dans toutes les directions. Ils m'ont dit que toi seule restait car tu veux faire de la méditation. Je t'assure, Paulette, je n'ai pas éclaté de rire et je ne leur pas dit que rien ne vaut une bonne méditation dans un bain chaud, en agréable compagnie.






    Maadadayo !
    geob
    geob


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    Message par geob Ven 9 Jan - 16:17

    Exprimer une émotion


    Les catastrophes, les attentats, les guerres, les accidents de la route, les épidémies, j'en passe et des plus pires, rien sur cela nous est caché, nous voyons tout par la télévision, les vidéos, les photographies, et l'horreur devient une mauvaise habitude qui éteint en mois toute sensibilité. Il aura fallu que je lise ces mots : "Cabu, Wolinsky... sont morts dans l'attentat contre ". Cabu? Wolinsky? C'est pas possible ! Cela fait au moins quarante ans que je vois leurs dessins dans les magazines, les hebdos, les albums ! Une chape d'émotion m'est tombé dessus, à me rendre malade, groggy. J'ai vite averti des jeunes Français actuellement dans la "Old guest house" qu'il y a eu un attentat contre Charlie Hebdo. Charlie Hebdo? Heu... c'est quoi? Ah oui, oui, oui, d'accord ! Ah bon? Voila, ça m'apprendra à être bouleversé et à le montrer. Mais je sais qu'une émotion ne s'en va que si elle est exprimée, sinon elle finit par nous perturber, nous ronger de l'intérieur, alors je ne me suis pas gêné. Je me suis dit qu'une partie de ma jeunesse s'en est allée, celle d'une génération beaucoup plus politisée que celle d'aujourd'hui, la génération "facebook". J'ai cherché à comprendre pourquoi j'ai été à ce point bouleversé, jusqu'à ce que je reçois le mail d'un ami où il écrit ces mots :

    ...et on nous aussi arraché une partie de ce qui a fait  notre jeunesse nos reves et nos idées dans les années 68...

    Oui, c'est  bien ça, le même ressenti, c'est notre jeunesse qui est définitivement enterrée avec Cabu et Wolinsky, et aussi cette époque où on l'on pensait à la possibilité d'une autre société, où Charlie Hebdo dérangeait le gouvernement, se voyait parfois interdire. Bien entendu, je partage avec tout le monde cette émotion factuelle liée à ces morts effroyables, violentes mais, si toute la rédaction de "Charlie" avait été victime d'une intoxication alimentaire, mon bouleversement aurait été aussi fort. De loin, je vois la France émue qui manifeste parce que l'attentat a visé un lieu symbolique qui incarne la liberté d'expression, notre vie en république, dans notre république où maintenant il est difficile de dire, d'exprimer, de dessiner quelque chose qui n'est pas consensuelle, et je me dis pourvu que la résistance, la solidité de nos valeurs perdurent et que nous ne nous trompions pas de cible, seulement demain qu'en sera-t-il quand l'émotion sera tombé comme un soufflet? La routine reprendra le dessus, et tous ces gens qui se disent "Charlie", qui auront acheté le premier numéro d'après attentat, combien de temps continueront-ils à acheter "Charlie"? Tous ces "Charlie" qui s'affichent aujourd'hui,  combien soutenaient "Charlie" pendant tous ses procès, dont celui des caricatures, combien l'achetaient?  "Charlie" se battait dans une solitude et un manque de soutien manifeste de ses confrères. Tirage de "Charlie" : 60 000 exemplaires ! Pour ma part, je n'achetais jamais l'hebdo, je le lisais à l'occasion dans une bibliothèque, je n'aimais pas sa mise en page, sans doute la nostalgie de "Charlie" des Cavana, Reiser, Gébé, Wolinsky, Cabu... au fait, je me souviens de la mort de "Charlie Hebdo" quand la gauche est arrivé au pouvoir en 1981, la colère de Cavana qui a arrêté de le publier parce que de moins en moins de gens l'achetaient, et sa réplique quand un journaliste lui a dit qu'il abandonnait ses lecteurs : "Les lecteurs? Qu'ils crèvent !" C'est facile de se dire "Charlie", encore faudrait-il l'acheter, c'est beaucoup plus efficace ! Depuis des dizaines d'années j'achète Le Canard Enchaîné, alors que je pourrais le lire gratuitement. Acheter un journal, c'est la méthode la plus efficace pour le soutenir, manifester sur le coup d'une émotion fort compréhensible, une émotion très forte et sincère, d'accord, et après? Vivre en démocratie, liberté d'opinion, tout cela ne va pas de soi, rien nous est définitivement acquis, et, je sais, je suis naïf, j'espère que cela va réveiller les gens, les repolitiser.  Déjà des voix qui, sous couvert de défendre nos libertés, exigent un arsenal législatif avec de nouvelles libertés pour... les forces de l'ordre, bien sûr pour assurer la protection des citoyens prêts à tout au nom du principe de précaution. Oui, je pense que les Français sont capables d'accepter n'importe quoi pourvu, comme me l'avait dit un compatriote rencontré en Birmanie à propos de la dictature militaire, qu'ils se sentent protégés.

    Et puis, l'ultime tache de sang sur ce carnage : Bernard Maris est mort ! Bernard Maris qui nous faisait tout comprendre les rouages de l'économie, les rapports de force dans la société, le rôle délétère des banquiers, la manipulation des gens, l'endormissement de la population devrais-je écrire, par un personnel politique occidental au service de ceux qui détiennent le vrai pouvoir. Bernard Maris, dont j'ai lu ce qui restera de son dernier livre : "Houellebecq économiste", avec cette conclusion si pessimiste, était un honnête homme qui se faisait aucune illusion sur la possibilité de changer ce monde dans lequel nous vivons, aveuglés par nos envies consuméristes, et n'ayant comme objectif de vie que celui de vivre le plus longtemps possible et en bonne santé.

    Tous les vendredis sur France Inter, avant 8 h, on entendra plus Bernard Maris débattre avec un journaliste de droite.

    Le vide va durer longtemps.

    Maadadayo !
    geob
    geob


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    Message par geob Lun 2 Fév - 15:43

    Mon copain Léon, un motard âgé de neuf mois. (I)




    Ça m'énerve !

    Oui, ça m'énerve parce que je fais toujours de la moto en compagnie de gens plus grand que moi. Tiens, regarde cette photographie, prise sur une route militaire thaïlandaise le long de la frontière birmane. Le petit, c'est moi ! On dirait pas pas un entraîneur de basket, ou un demi de mêlée de rugby  près de ses premières lignes?


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    Pareil avec tes parents, Maria et Patrick ! Regarde nous sur le sommet du Pu Chi Fa ! Bon sang ! J'arrive à peine à la hauteur de leurs épaules ! J'ai pas assez mangé de soupes quand j'étais petit ! Heureusement que tu étais là, toi, Léon, le plus jeune motard que je n'aie  jamais connu ! Enfin ! Quelqu'un de plus petit que moi !


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    J’exagère, Léon, j’exagère, n'empêche, je n'en reviens toujours pas : on a fait trois cents kilomètres ensemble en deux jours ! Et vous trois sur une petite moto de rien du tout ! Il suffisait que je dise à Patrick ouh là ! ça va être difficile ! pour qu'il me rétorque pas de problèmes on y va, on te suit, et Maria n'était pas la dernière à me convaincre !  En fait, c'est moi qui avait besoin d'être rassuré. Bon dieu ! me suis-je dis au début de notre virée vers le Pu Chi Fa, pourvu qu'ils ne se cassent pas la gueule ! J'avais trop peur pour toi, Léon !  Quand je vous suivais, , je voyais bien que Maria n'avait pas beaucoup de place derrière, que son sac à dos qui contenait toutes vos affaires pendait à l'extérieur de la selle, jusqu'à cacher le feu rouge de la moto.  Mais ta mère est comme une femme des montagnes des alentours de Chiang Raï, solide mentalement et physiquement, toujours prête à aller encore plus loin...

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    ... tiens, comme cette Lisu sur la route de Mae Salong - j'ai pensé à vous deux en la photographiant.


    ... Tandis que ton père, en conduisant, montrait une assurance de capitaine au long cours capable d'affronter n'importe quelle tempête !  Et toi, au milieu, tu te comportais merveilleusement : tu dormais !

    Avant de nous rendre sur le Pu Chi Fa, nous avons vadrouillé autour de Chiang Rai, et là mon pote Léon, t'en a fait des ravages auprès des nanas ! Mince alors ! Dès qu'elles te voyaient, des sourires illuminaient leurs visages, elles voulaient toutes t'accaparer, te prendre dans leurs bras ! Sacré veinard va !

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    Tiens ! Regardes toi sur cette photographie. Nous sommes dans le village de Ban Yafu où les trekkeurs s'arrêtent pour une nuit. Ben nous, nous y sommes allés à moto, et toc !  Rencontre au sommet ! Je ne sais pas de quoi vous avez parlé tous les deux ! Commençons par ces visages Lahu du village...

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    Le dialogue est terminé, il s'est déroulé dans une atmosphère cordiale comme disent les politologues.


    Et puis il y a eu le nouvel an, bien entendu tu étais avec nous pour attendre minuit. Avant d'en dire quelques mots, je voudrais te parler de

    Noël.
    ..

    ...une fête que tu adoreras jusqu'à un certain âge. Ensuite... il y a un écrivain américain qui a écrit dans ses "Chroniques de San Francisco" :
    "Noël est une conspiration pour bien faire sentir aux célibataires qu'ils sont seuls".
    Bien entendu, cette phrase peut être mal comprise par la plupart des gens. En effet, ils s'imaginent que pour ne pas être seul il suffit d'avoir quelqu'un à ses côtés, un peu comme dans la plus ridicule chanson de Gilbert Bécaud,  "La solitude ça n'existe pas",  où il chante qu'il n'est pas seul parce qu'il a des "compagnons de flipper" ! Et c'était pour répondre aux cris déchirants de Léo Ferré dans "La solitude" !  L'horreur ! Combien de fois je me suis senti seul au milieu de personnes à qui je n'avais rien à dire, avec qui je ne partageais rien, et cela m'est même arrivé dans des réunions de famille. Ainsi, je me souviens d'un soir de Noël où mes parents étaient montés à Paris. Eh bien, tu ne me croiras pas Léon, j'ai préféré rester seul, chez moi. Seul? Pas vraiment ! J'étais en compagnie d'un livre que je ne pouvais quitter : "Walden, ou la vie dans les bois" de Thoreau. Je t'assure que c'est vrai ! Je trouvais dans ces pages une transcendance que je ne pouvais espérer au cours d'un repas de réveillon, et en plus je n'aurais eu personne avec qui la partager. Partager !  Voilà, tout est dit Léon !  Je me souviens d'un passage de "Voyage avec mon âne dans les Cévennes" de Stevenson, il y raconte une nuit à la belle étoile, ce bonheur intense qu'il éprouve dans cette nature sauvage, et puis soudain ce sentiment de solitude qui s'empare de lui parce qu'il ne peut partager ce bonheur avec sa femme qui n'a pu l'accompagner. Combien de fois me suis-je senti seul parce qu'il n'y avait personne à mes côtés pour partager ces instants inoubliables que nous procure parfois la vie. En somme, j'ai souvent ressenti la solitude durant ces brefs passages où le bonheur nous rappelle sa volatile possibilité. Mais revenons au...

    ... Nouvel An


    Ah Léon ! Si tu savais à quel point je vis la nuit du 31 décembre comme une corvée, un sinistre pensum ! C'est bien simple, les deux dernières années je me suis couché vers 22 heures. Mais la dernière fois, vous êtes arrivés tous les trois et ça tout changé. Lorsqu'on s'est rencontré à Bangkok, vous m'avez mis tout de suite à l'aise, et à Chiang Raï, trois semaines plus tard, ce fut comme si nous nous étions quittés la veille. Ainsi nous nous sommes rendus au centre ville, et nous avons attendu minuit dans un "bar à filles". Un bar à filles? J'entends déjà des voix effarouchées, donneuses de leçons de morale.

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    Tes parents m'ont raconté leur aventureuse descente sur les routes qui longent le Pacifique, en Amérique du Sud. A vélo, mon pote, à vélo ! Et souvent dans des conditions difficiles ! Alors ce n'est pas "un bar à filles", ouvert aux quatre vents, qui allait perturber Maria ! Pssst ! Dis donc ! Là encore, tu as eu vachement de succès !

    Grâce à toi, Léon, et à Maria et à Patrick, j'ai basculé dans l'année 2015 en toute décontraction. Je leur ai dit de vive voix, et maintenant je l'écris. T'as remarqué? Je ne cesse d'ouvrir des parenthèses, et je n'ai pas encore parlé de notre balade au Pu Chi Fa. Allez, hop ! mets ton casque, Léon, on y retourne !....

    Madadayo !
    Dolma
    Dolma


    Localisation : Je m'balade sur les chemins...

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    Message par Dolma Lun 2 Fév - 16:56

    Réalises-tu jeune Léon, du haut de tes 9 mois et encore dans tes couches-culottes, à quel point tu rends jaloux ce 'vieux bonhomme' de Geob clin d'oeil  ?
    Tu es un vrai chenapan dis donc ! Nan, en fait tu as une adorable petite bouille... toi rire
    geob
    geob


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    Message par geob Lun 9 Fév - 15:15

    Mon copain Léon... (2)

      La balade du Pu Chi Fa



    Chaque année,  j'inaugure un nouveau parcours, je découvre un endroit jusqu'alors inconnu de moi. Ainsi il en va pour le Pu Chi Fa, cette montagne à la frontière Laotienne où les gens se rendent pour assister au lever du soleil, et par la même occasion à son coucher - enfin, la veille car la plupart des gens quittent le village de Pu Chi Fa dans la matinée. Bon, ce genre d'activité n'est pas trop ma tasse de thé mais je me suis dis qu'avec vous trois  ça serait plus amusant.


    Sur la route, ton père avait pris l'habitude de repérer ce genre d'abri destiné à ceux qui travaillent la terre.

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    Lorsqu'il voulait se reposer de la conduite, on s'arrêtait pour investir l'endroit. Maria déballait les affaires, installait la natte acheté en ville, et hop te voilà chez toi Léon ! Ah vous m'avez épaté tous les trois ! Avec quelle rapidité, avec si peu de gestes, vous transformiez cette cabane en un chez vous que vous n'auriez jamais quitté !  Une ou deux fois, je me suis dit bon dieu qu'est-je que je fais citadin à vos côtés. Eh ! Oh ! Suis un parisien moi !  Je suis pas un montagnard  ! - ben, c'est dommage Léon, j'aurais eu au moins un taux d'hématocrite de champion !
    Nous sommes arrivés au village de Pu Chi Fa par la spectaculaire route 1093, une route de montagne étroite, superbe, où il vaut mieux ne pas tomber en panne sèche ou avoir une crevaison,  vu les rares villages que l'on traverse. Au lieu de trouver une auberge pour la nuit, ton père a voulu voir tout de suite le sommet du Pu Chi Fa. Nous avons trouvé la route très pentue qui y monte sur deux kilomètres. Ensuite, nous avons laissé les motos sur un parking, et nous avons entamé une marche d'environ 500 mètres sur un chemin caillouteux ; bon, ce n'est pas de la varappe mais ça grimpe fort tout de même. Et là, j'ai été tout de suite surpris par...


    Les enfants du Pu Chi Fa.


    Ce sont les enfants des ethnies de la Thaïlande qui se postent sur la montée. Au début, au bout d'une cinquantaine de mètres,  nous avons vu le premier mioche en tenue traditionnelle des Hmongs : il portait des lunettes de soleil rondes, telle une star de vidéos coréennes,  et affichait une aisance incroyable en se faisant photographier avec les touristes thaïs. Que je te le dise tout de suite : nous avons croisé que de rares occidentaux au milieu de ces Thaïlandais venant des grandes villes, visiblement issus des classes moyennes ou supérieures à  voir leurs visages et leurs habits. Revenons à ces enfants. Deux petite filles, plus haut,  se trémoussaient en ânonnant je ne sais trop quoi, d'autres carrément perchées sur un roche au pied duquel le père montait la garde devant une boite qui appelait les dons, toujours plus haut des plus jeunes encore en train de s'agiter pour attirer la sympathie et l'argent des thaïlandais, ces amateurs invétérés de "seflies". Ils donnaient ensuite une pièce ou un billet à l'enfant que les parents, jamais loin, s'empressaient d'empocher. Le plus ahurissant, c'est qu'on les verra tous à leur même place vers 4 heures  dans la nuit, sous la pleine lune bien venue, et toujours en train de s'agiter, de se trémousser, de chanter sous l'œil vigilant de leurs parents maquereaux, montreurs de singes savants !  Mais ils dorment quand ces enfants? Alors...


    Un point de vue ethnocentrique?


    ... ai-je le droit de traiter de souteneurs ces parents? Maria était attristée par ce spectacle, ton père et moi nous lui avons dit qu'il ne fallait rien donner. Pour ma part, je les comparerais aux "Roms"  qui utilisent aussi leurs enfants pour apitoyer les passants. Bah, après tout, il faut du fric pour s'acheter un smartphone, un objet fort répandu en Thaïlande, jusqu'aux ethnies des montagnes. Alors je prends le droit de dire que ces parents, sur la pente du Pu Fi Cha, se comportent comme des salopards ! Que l'on vienne pas me parler de misère, personne ne crèvent de faim en Thaïlande ! La seule ethnie en perdition ce sont les "Mabris", il y en a de moins en moins, ils ne se sont pas adaptés au changement dû au recul de la nature, à la modernité, je devrais plutôt écrire à la mondialisation, ils n'ont pas su abandonner leurs traditions, leurs coutumes qui les détruisent. Bon, faut pas que je m'énerve, Léon, allons voir cette fameuse falaise du Pu Chi Fa, tous les guides de voyages, les agences affichent cette image...


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    Bon, celle ci c'était donc dans la nuit, et avant d'en reparler voyant cette falaise au coucher du soleil !


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    ...


    Maadadayo !
    geob
    geob


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    Message par geob Dim 15 Fév - 5:56

    Mon copain Léon... (3)

    La balade du Pu Chi Fa

    Sur la pente du Pu Chi Fa, on y rencontre les Thaïlandais des villes, des grands centres urbains, ils sont d'un niveau social confortable, leurs vêtements ne sortent pas des foires campagnardes, et j'en ai vu pas mal,  garçons et filles, qui portent des jeans savamment troués. Ils suivent donc la mode et ils prennent des vacances. Ces vacanciers, ces touristes qui visitent leur pays, possèdent tous un appareil pour prendre des photographies, une tige métallique télescopique pour pouvoir faire des "selfies" en groupe et parfois seul, ce qui ne rebute pas  le solitaire de sourire devant l'objectif, et la jeune femme de s'auto-admirer dans l'image que lui renvoie son Iphone. Version moderne de "Blanche Neige et les 7 nains" : "Iphone, dis moi, suis-je toujours la plus belle?¨  Ah Léon ! T'inquiète ! C'est la vie d'aujourd'hui, tu connaîtras autre chose, j'en suis même sûr, puisque tes  parents ne suivent jamais le troupeau des moutons de Panurge. Tu veux un exemple? Tiens regarde où tu as dormi une nuit ! Dis donc, sous la protection du Bouddha ! Cela n'arrive pas à tous les motards de 9 mois !

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    Au pied de la fameuse falaise, les Thaïlandais se tirent le portrait à tour de bras, ils adorent aussi mettre en scène leurs compagnes, ainsi celle ci fait semblant d'attraper la lune.


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    En attendant le coucher du soleil, regardons la lune. Normal !

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    Et puis ton père, qui se sent pousser des ailes dès que ça monte, a dit pour toute notre bande :

    - Allez, on grimpe sur la falaise !
    - Euh... sans moi, ai-je dit.
    - Viens avec nous, tu vas voir, il n'y a pas de problèmes.
    - Allez Geob ! dit Maria, on y va tous !

    Bon, je les ai suivis. Tu comprends Léon, si toi tu arrives au sommet, et moi alors j'aurais eu l'air bête à vous attendre.

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    Au sommet de la falaise, les touristes thais ont été beaucoup à faire ce genre de portraits. C'étaient des gens de Bangkok.

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    Ton père a repéré l'endroit où nous allons attendre le lever du soleil, demain dans la nuit.

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    Et nous sommes redescendus au parking pour reprendre les motos, et nous voici partis à la recherche d'un endroit pour dormir dans le village de Pu Chi Fa....
    geob
    geob


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    Message par geob Lun 2 Mar - 15:21

    Mon copain Léon... (4)


    La nuit sur le Pu Chi Fa


    Ah Léon ! Ce fut une nuit épique, terrifiante ! Les éclairs fragmentaient le ciel noir d'incandescentes zébrures, le tonnerre me faisait regretter d'avoir oublier mes bouchons d'oreilles, le vent riait de notre inconsciente témérité et nous renvoyait à notre condition de fétus de paille, je veux dire d'êtres humains.  Oh Léon ! C'était comme dans...  "Une nuit sur le Mont Chauve" !





    Non, je plaisante Léon, en tout cas il a fallu se lever très tôt, d'ailleurs des hauts parleurs du village de Pu Chi Fa rappelaient à ceux qui voulaient rester au lit que c'était une mauvaise idée ! Mince ! Moi qui était entre deux rêves, j'ai cru que c'était un appel à la prière  d'une éventuelle mosquée voisine dis donc ! Bon, comme j'entendais des conversations à l'extérieur, je me suis dit que j'avais intérêt à ne pas fainéanter. Alors j'ai mis le nez dehors vers 4 h dans une nuit dénaturée par les faibles lumières jaunes de l'éclairage public, c'était blafard, tristounet. La première personne que j'ai vue ce fut ta mère. Maria était là, enveloppé par une couverture, et moi, sur le coup, comme je ne te voyais pas, je me suis dit ah ça alors ils laissent Léon dans leur chambre ! Bien sûr que non ! Léon tu étais bien au chaud, invisible, sous la protection de Maria.

    Nous avons embarqué dans une des camionnettes obligatoires pour prendre cette portion de route d'environ 2 kilomètres que nous avions monté avec nos motos, la veille. Mais en pleine nuit, macache ! Des militaires nous ont dit où l'on pouvait garer nos motos, et de faire comme tout le monde ! Trente baths pour monter, trente baths pour descendre, ça te rentabilise vite fait ton véhicule qui transporte à chaque fois une douzaine de personnes !

    Là haut, lorsque nous avons entamé la montée à pied, nous sommes passés devant une dizaines de personnes qui agitaient des lampes électriques. Heureusement pour nous, la pleine lune nous a permis de mettre un pied devant l'autre sans problèmes. Enfin, je dis ça mais il y en a eu, bon, c'est vrai, rien que pour moi. Merde ! J'y voyais pas grand chose, moi ! Et puis faire un effort comme ça, au sortir du lit, les muscles froids, ouh ! dur dur Léon ! Je ne suis pas un sprinter, juste un diesel au compteur kilométrique qui a déjà fait plusieurs tours. Alors tu devines bien que ma marche sur la pente du Pu Chi Fa n'était pas décontractée, sereine, lucide comme celle de ta mère. Néanmoins, en ahanant sur sa gauche, j'ai essayé de suivre son pas assuré, paisible, tandis que ton père s'envolait vers le sommet.

    Et hop ! J'ai trébuché, failli même me casser la gueule ! Sauf que Maria m'a vite mon bras droit pour me soutenir. Fais attention, Geob ! Et elle a continué à me soutenir quelques secondes. Oh Léon ! T'imagine pas ce que j'ai pu ressentir ! Quelle humiliation ! Oh nom de dieu ! Me voici déjà dans le quatrième âge, me suis-je dit, juste deux ou trois secondes, ensuite, brusquement, j'ai eu une autre vision de ce qui s'était passé, une vision? non ! une révélation, une évidence  ! je nous ai vus ensemble tous les trois avec une acuité saisissante, comme si j'étais sorti de moi même, et je te voyais Léon lové dans le bras droit de Maria, et je me voyais marchant en courbant l'échine, et entre nous, je voyais Maria en pleine lumière comme si elle avait jeté une passerelle entre nous, entre le passé et l'avenir. Tu auras du mal à me croire Léon mais dès que cette image, cette idée stupéfiante,  s'est imposée à moi je n'ai plus rien ressenti, je n'ai plus râlé  intérieurement, en fait j'étais tout à coup léger comme une plume, le cerveau débarrassé de pensées encombrantes et inutiles. Alors dès que je suis revenu en moi, je me suis fait violence, par orgueil.  Allez ! Avance ! J'ai accéléré le pas et j'ai marché devant vous. Mais tu vas voir, mon orgueil, je l'ai vite remis dans ma poche.

    La veille, ton père avait repéré la meilleure place pour attendre le lever du soleil. Mais dans la nuit, il n'était pas évident de trouver exactement comment y arriver. Il a donc  décidé que c'était par là, un étroit sentier qui dévalait une pente. Des enfants issus des ethnies, équipés de lampes électriques, ouvraient la voie aux touristes thaïs. La vache ! Non ! Je descend pas ça, moi, ai-je dit.  Il s'est marré ton père ! Tu dois te dire dans quelle galère je t'ai embarqué, m'a-t-il lancé. Accroche toi à mon sac, on y va ! Ah Léon ! Il aurait fait un sacré officier de commando le Patrick  ! Alors je me suis accroché à son sac à dos, et vaille que vaille nous avons progressé avec précaution. Je n'ai pas arrêter de jurer, de râler, et derrière moi, tranquillement, Maria descendait sans dire un mot, pas après pas, tranquille. Par moments, je me disais pourvu qu'elle ne tombe pas mais c'était juste une de mes inquiétudes car,  pour elle,  la chute n'était pas envisageable, d'ailleurs la sureté qu'elle montrait la réduisait à une simple hypothèse farfelue. Tu ne risquais rien, Léon, dans les bras d'une Savoyarde !

    A partir du moment où nous avons trouvé notre espace pour attendre le lever du soleil, je me suis senti beaucoup mieux. Nous n'étions pas seuls.


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    Petit à petit, des gens arrivaient en silence, des ombres, des silhouettes quelquefois saisies dans la nuit par le rayon d'une lampe électrique,  ou l'écran lumineux d'une tablette, s'asseyaient derrière nous et sur notre droite.

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    Nous étions tous habillés chaudement mais, étonnamment, il régnait sur le Pu Chi Fa une douceur agréable soulignée par un vent léger. Il était cinq heures du matin, nous avions encore deux heures à attendre, et je ne les ai pas vues passer.

    Voici que sur l'horizon, au dessus du Laos recouvert d'un épais édredon de nuages, l'aurore a commencé à poser ses couleurs pastels, rien que pour narguer le crépuscule qui se croyait éternel.  Au cours de nombreux voyages en avion que tu feras, Léon,  tu ne manqueras pas de voir cet instant visuellement sublime où le jour repousse la nuit. Sauf que là, nous ne  bougions pas, personne ne parlait, comme si tout le monde voulait communier avec cette lumière qui nous promettait une belle journée : nous étions immobiles au dessus des nuages.


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    Bientôt la nuit abandonna la partie, le jour retrouvait ses couleurs, les silhouettes devenaient des hommes, des femmes, des enfants. Le soleil nous est apparu vers les 7 heures...

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    et le sentier dangereux la nuit  est redevenu un chemin somme toute praticable pour tout le monde en plein jour ! Te marres pas Léon !


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    Ensuite, Léon, tu me connais, je n'ai cessé de causer... comme avec cette dame de Lopburi qui faisait un "selfie" avec son amie, et j'ai fini par être sur leur souvenir du Pu Chi Fa, tandis que Maria, plus bas, essayait de capturer le soleil !


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    Tu sais, Léon, ces Thaïlandais sont ahurissants avec leurs manies photographiques. Tiens, il y avait une jolie fille en face de moi, à même pas deux mètres, les lèvres en cul de poule pour faire semblant d'embrasser le soleil pour son ami qui la mitraillait de profil. J'ai pas osé la prendre en photo tellement elle était ridicule, Maria en bien ri, mais quand elle a fait semblant de manger le soleil, c'est mon objectif qui l'a mangé !

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    Ton père, lui, fasciné par le spectacle que nous offrait la nature, n'a pas beaucoup bougé, trop occupé à photographier et à filmer !



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    Vous voici tous les trois au pied de la Falaise. Dis donc, Léon, tu étais vraiment dans un cocon !



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    Et puis est arrivé le moment où les gens ont commencé à redescendre

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    Ensuite, nous avons repris nos motos, nous avons roulé toute la journée, et nous somme rentrés à Chiang Rai. Avec le recul, je me dis qu'on s'est bien marré, pas vrai Léon? Depuis, tu es revenu dans tes montagnes, et tu as retrouvé ton chat...

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    Porte toi bien mon copain, et n'oublie pas de manger ta soupe, et puis n'oublie pas de saluer tes parents pour moi !









    Maadadayo !
    fabizan
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    Message par fabizan Lun 2 Mar - 17:05

    Qu'il est mignon ce petit Léon sourire


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    Message par lahaut Lun 2 Mar - 21:47

    fabizan n'a pas tout compris de la semaine de la géraldine !! hop un nouveau massage !! et de 2!
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    Message par Dolma Mar 3 Mar - 10:10

    C'est si "extraordinaire" que ça ce lever de soleil pour que ça vaille la peine de tant d'efforts mon dieu ! ?

    En tous cas je me suis bien amusée à te voir entrain de crapahuter banane ! T'es trop fort muscu Certes, grâce au bambin Léon qui était là pour te motiver langue mais quand même ! Bravo...
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    Message par lahaut Mar 3 Mar - 10:42

    La géraldine Dolma me fera aussi un massage doux et sensuel la semaine prochaine !!! mais que je suis gâté moi !! ange
    geob
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    Message par geob Mar 10 Mar - 10:18

    Intermède laotien


    Un intermède dont je me serais bien passé, mon portefeuille aussi mais le monde étant abreuvé de drames autrement plus significatifs qu'une dépense imprévue de 259 €, je l'ai accepté avec bonne humeur.


    Le 2 mars, je me suis rendu à l'immigration de Chiang Rai pour demander une prolongation de séjour d'un mois. La routine des contingences administratives quand on est pas chez soi, rien de plus. Sauf que rien ne se passe jamais comme prévu. Le fonctionnaire qui m'a reçu m'a signalé que mon visa expirant le 3 mars n'était pas un visa touristique mais un  visa accordé aux plus de 50 ans, de ce fait je n'avais droit qu'à une prolongation de 7 jours. Disons le tout de suite : en Thaïlande, si vous venez pour vos vacances, ou alors si vous décidez de vous établir, ça vous sera plus facile que si vous restez quatre ou cinq mois, bref, je veux dire par là qu'il ne faut pas avoir le cul entre deux chaises car les demies mesures et les tergiversations, l'indécision et la procrastination deviennent trop compliquées à vivre, et on ne manque pas de vous le faire ressentir. Surtout avec les militaires au pouvoir.

    Je me suis donc retrouvé dans une situation bien embêtante. Que faire? La journée du 3 mars étant pour moi la dernière journée où j'étais en règle. Alors je suis allé dans une agence de voyage et j'ai acheté un billet d'avion aller/retour Chiang Mai/Luang Prabang. Le retour en avion m'assurait d'office un mois supplémentaire.

    Le lendemain 3 mars, j'ai pris le bus Chiang Rai/Chiang Mai. Un homme relativement jeune et de petite taille s'est installé à côté de moi, c'était...

    Un marathonien...



    Après quelques minutes de conversation, il m'a montré toutes ses performances homologuées, parlé aussi de sa recherche de sponsor pour l'aider à accomplir tous ses projets. Mais là où je l'ai étonné, c'est quand je lui ai dit qu'il était un Akha. Il a acquiescé en me regardant comme si j'étais le diable.


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    Debriefing - Page 11 Laos_011


    A Luang Prabang...

    ... oh ! juste une nuit ! Et dans une chambre agréable ! Le lendemain, avant de reprendre l'avion, j'ai voulu revoir ce restaurant au milieu du marché où j'avais rencontré...

    ... Les vieux messieurs qui regardaient passer les jolies dames !

    C'était il y a deux ans. Aujourd'hui, il n'en reste plus qu'un, celui qui est marié avec une Française. Où sont vos amis? lui ai-je demandé. Ils sont partis à Vientiane, ils trouvaient qu'ici c'était trop calme, et puis c'est à Vientiane qu'on trouve les plus jolies filles, a-t-il ajouté en souriant. Cet ancien haut-fonctionnaire reste un bel homme, toujours bien habillé, il ne quitte pas sa veste malgré la chaleur. Nous avons parlé de politique, du Laos et de la France, sans oublier cette brume qui s'accentue jour après jour dans le nord de l'Asie, résultat de cette culture sur brûlis des ethnies montagnardes. Faut bien qu'ils mangent, dit-il. Oui, effectivement, ce n'est pas nous qui allons les nourrir, alors nous, les touristes, on ferait mieux de ne pas râler après cette pollution non négligeable tout de même, et laisser les gens du pays régler leurs propres problèmes.

    Lorsque nous nous sommes quittés, il s'est arrêté devant ma table pour me tendre la main. Je me suis levé et je lui ai serré la main.

    Sur l'aéroport de Luang Prabang, l'ATR 72 attendaient les passagers.


    Debriefing - Page 11 Laos_012


    Une fois tous la trentaine de passagers embarqués, il est parti avec une vingtaine de minutes d'avance sur l'horaire prévu.


    A l'aéroport de Chiang Mai, le policier m'a mis un tampon sur mon passeport avec la date limite pour mon séjour : 2 avril.


    ( voir le message n°144 )


    geob
    geob


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    Message par geob Dim 22 Mar - 15:27

    UN CASQUE DANS LA SOUPIÈRE ET AUTRES CHINOISERIES

    Sur l'île d'Haïnan, il y a une ville dont je ne me souviens plus du nom. De toutes façons cela ne pouvait être qu'en Chine, ailleurs Brigitte Bardot aurait eu la possibilité de nous menacer en agitant sa canne sous notre nez et de nous maudire pour plusieurs générations. Avec le recul, nous nous sommes souvent dit que nous aurions peut être dû nous abstenir , réfréner notre curiosité insatiable. Oui, nous n'aurions pas du nous en prendre à cette pauvre tortue qui nous avait rien fait !

    Au cours d'un voyage de six semaines en Chine, avec un ami, nous avons visité l'île d'Haïnan pendant dix jours. Et tous les soirs, comme sur le continent, nous nous sommes mis en quête d'un restaurant apte à surprendre nos papilles. Ainsi, dans cette ville dont je ne me souviens  plus du nom, nous fûmes intrigués par une caisse disposée à l'entrée d'un restaurant : elle contenait des tortues...vivantes. Bon, nous avions l'habitude de voir des animaux provisoirement en vie à l'entrée des restaurants,  il nous était même arrivé de choisir une volaille, mais là... Bien que n'ayant jamais eu une petite tortue dans ma chambre d'enfant, ni piqué des feuilles de salade pour la nourrir, je restais dubitatif devant ces bestioles qui ne me semblaient guère appétissantes. On essaie? me proposa l'ami. Sur ce, le patron nous aborda, nous lui expliquâmes que nous voulions goûter ce symbole de longévité. Lorsque nous lui demandâmes le prix, il s'empara de la tortue - d'une bonne taille - que nous lui avions désignée et la pesa avant de nous indiquer une somme qui nous agréa, malgré tout.

    Nous fûmes invité à entrer, nous nous installâmes non sans une certaine appréhension sur la finalité de notre commande. Peu après, nous entendîmes du bruit provenant de la cuisine. Nous avions l'impression qu'ils étaient en train de réparer quelque chose. Oh bon sang ! Ces coups de marteau ! Bon Dieu ! Nous réalisâmes que la tortue passait de vie à trépas. Et ça durait, et ça durait, même qu'on entendait la musique stridente d'une scie, oh la pauvre petite bête !
    - On a envoyé à la mort une bête qui ne demandait qu'à vivre ! dis-je
    - Bah, après tout, les chinois sont réputés " pour manger tout ce qui vole, sauf les avions, et tout ce qui a quatre pattes...excepté les bancs !"

    Ce dicton bien connu nous évita de sombrer dans l'anthropomorphisme. Mais tout de même, c'était bien long, et ce vacarme dans la cuisine ne laissait pas de nous inquiéter.

    Une vingtaine de minutes plus tard, le patron et un employé déposèrent le premier plat sur notre table. Je n'ai pas souvenir d'avoir calé sur cette viande excellemment cuisinée. Tandis que nous dînions, l'employé revint avec une grande soupière. Lorsqu'il la posa à côté de nous, quelque chose cogna à l'intérieur. Voyons si la soupe à la tortue est bonne, dit l'ami. Il souleva le couvercle...horreur ! il y avait la carapace dans la soupière !
    - On dirait un casque allemand ! m'exclamai-je.
    - Tu veux goûter?
    L'ami s'empara de la louche, remua la soupe, mais cette preuve de la mort de la tortue me coupa l'envie. Et puis l'aspect du liquide n'incitait pas à tendre son assiette.

    Lorsque nous quittâmes le restaurant, nous fîmes le serment de ne jamais plus attenter à la vie d'une tortue.



    Un voyage culinaire

    La cuisine chinoise est une des meilleures du monde. Lu Wenfu, dans son remarquable et délicieux roman " Vie et passion d'un gastronome Chinois ", signale avec fair-play qu'elle est aussi admirable que la française

    Pour expérimenter la qualité, l'inventivité, l'authenticité de la cuisine chinoise, il faut se rendre en Chine. A Paris, si on se contente des restaurants de Belleville ou du XIIIe arrondissement, on ne fera que l'effleurer, et encore ! ou alors il faut mettre le prix !

    Je me souviens d'un repas dans un grand hôtel de Kumming. Le plat principal fut un poulet au jambon du Yunnan. Ma première réaction fut de demander à l'ami s'il avait son appareil photographique à portée de main car c'était d'abord un régal pour les yeux. Oui, le premier plaisir, dans la cuisine chinoise, c'est le plaisir des yeux - nous l'avons constaté jusqu'aux restaurants les moins huppés.

    Le marché de Canton...

    ... est un voyage en soi, il illustre bien le dicton chinois cité plus haut. Nous avons vu toutes sortes d'animaux en vente, quelquefois nous avions du mal à leur donner un nom,  beaucoup de mal aussi pour éviter, une nouvelle fois, de tomber dans  l'anthropomorphisme. Ainsi, nous avons vu, dans une cage, un petit mammifère qui ressemblait à un raton laveur. Un type s'informa du prix, parut marchander, puis s'accorda avec le vendeur. Ils eurent d'énormes difficultés à sortir la bête terrorisée de sa cage pour la jeter ensuite dans un sac de jute. Affolée, elle urina, montra ses dents, sortit ses griffes. Au bout d'une minute l'affaire était pliée, le sac fermé par une corde, elle s'en alla donc  vers sa destinée culinaire. Au marché de Canton, les chiens étaient bien entendu présents, mais il ne faut pas s'imaginer des Chihuahuas, des Caniches, ou des Yorkshires, non, ce sont des plutôt des chiens de taille moyenne dont nous n'avons jamais vu la gueule puisqu'ils reposaient déjà cuits sur les étals, décapités, la peau caramélisée, laquée - une vision obscène !  Nous avons aussi vu des chats en cage...bon appétit ! Après tout, les produis frais sont la base d'une bonne cuisine !



    A Canton, nous nous sommes rendus dans un fameux restaurant de serpents, ouvert depuis 1860(?) A l'entrée, de grands vivariums dans lesquels une multitude de serpents se rampaient les uns sur les autres. Il y en avait de toutes les tailles ! Encore une fois, nous étions assurés de la fraîcheur des produits ! Nous montâmes à l'étage, et, une fois assis, on nous remit un menu en anglais - ce qui prouve la réputation du lieu. A notre grande stupéfaction, la carte offrait le choix entre 120 façons d'accommoder les reptiles ! Le seul souvenir qui me reste de cette expérience, c'est l'incomparable finesse de la chair.


    Sur le Mont Emei, ...


    ...nous avons dormi dans les monastères. Nous attendions donc le bon vouloir du moine cuisinier quant à la nature du plat : il fallait manger comme tout le monde,  en général, c'était une soupe. Si on n'aime pas la soupe, il faut éviter de voyager en Asie. La soupe chinoise, qui se décline de différentes manières, fut toujours un régal pour moi. A Kumming, je me souviens qu'un soir, dans la rue et le froid, assis sur un tabouret presque à ras du sol, je me suis régalé tant et si bien que j'ai repris un deuxième bol : une soupe avec des gros raviolis fait main ! L'après midi de cette journée là, nous étions passés dans une rue où l'on vit des gens les préparer un par un, minutieusement. Restons à Kumming. Quand nous sommes arrivés nous avons échangé quelques mots avec un voyageur allemand qui en repartait et qui nous conseillait de ne pas y séjourner. Ville pas très intéressante, une allure occidentale avec ses avenues bordées d'immeubles modernes, nous assura-t-il. Ce n'est pas par esprit de contradiction que nous sommes restés trois ou quatre jours, mais simplement parce nous ne sommes pas contentés d'arpenter les grands axes. Oui, il suffisait de faire un pas de côté pour être vraiment dans une Chine immuable avec ses maisons de thé et ses restaurants qui nous ont enchanté.

    Je me demande si ce n'est pas dans la ville de Guillin où nous sommes sortis en quatrième vitesse d'un restaurant. La patronne nous avait apporté le menu...en chinois. Nous lui fîmes comprendre qu'on voulait voir la cuisine et choisir quelque chose ( bien entendu, elle ne parlait pas anglais, comme se fut le cas la plupart du temps avec les restaurateurs, mais je précise que nous avions toujours eu affaire à des gens aimables ). Au milieu de la cuisine, il y avait une immense table, ou plutôt un châlit recouvert de verdure, sur laquelle étaient disposés tous les produits nécessaires pour la composition des plats. Près des légumes, deux cadavres. Deux cadavres de chiens, exactement comme ceux que nous avions vu sur le marché de Canton. Oh nom de nom ! Nous avons blêmi, et, stupidement, nous nous sommes carapatés en disant merci, merci en chinois, mais je crois surtout que la dame a du se perdre en conjectures sur l'attitude bizarre de certains touristes occidentaux.

    Pourtant, nous avons fini par manger du chien...sans le vouloir. C'était sur un bateau qui descendait la rivière de Wencheng (?) à Canton. Le matin, pour le petit déjeuner, un tour à la cafétéria - n'imaginez pas un paquebot ! Bon, on s'installe, un gars vient nous voir, on lui fait comprendre qu'on veut manger, le gars semble embêté, on insiste, et, quelques minutes plus tard, il nous apporte nos deux plats. De la viande, des légumes une sauce relativement épaisse C'est excellent ! Mais la texture de la viande nous intrigue, c'est quoi? Du poulet, non, du lapin, non plus, en tout cas pas du serpent ni du bœuf...  Des Chinois nous regardent manger en souriant. Là, pas besoin de nous faire un dessin : nous étions en train de manger du chien ! Franchement, nous avons fini nos plats sans états d'âme. La viande de chien est une viande roborative, recommandée durant la saison froide. Après tout, seriez vous capable de manger un steak après avoir vu la vache mourir dans un abattoir?

    Ce n'est qu'en arrivant à Chengdu, capitale du Sichuan, l'état le plus peuplé de la Chine, qu'on s'est dit : enfin, nous sommes en Chine ! La foule ! Ces pelotons de cyclistes ! D'ailleurs, je suis sûr que le nombre de cyclistes a dû se réduire depuis lors, ainsi que la partie de la chaussée qui leur était réservée. J'évoque Chengdu parce qu'il y a une image qui vient de surgir de ma mémoire. Le soir, dans un restaurant. Non loin de nous, une table ronde où une demi-douzaine de Chinois semblait se régaler d'un plantureux repas. Entre les plats, un se levait et criait, en brandissant son verre d'alcool :" kampeï ! " Quant à nous, après avoir passé commande, nous patientâmes quelques minutes, puis on nous apporta tous nos plats en un seul service. Mais ce ne fut pas terminé pour autant. Je vis arriver une serveuse, derrière l'ami, munie d'un énorme bambou qu'elle tenait à deux mains,
    - Fais gaffe, dis-je. Elle va te frapper ma parole !
    - Hein? Quoi?

    La serveuse s'empara d'un plat oblong, vide. Elle enleva un bouchon qui  obturait  le bambou et y versa des champignons fumants et odorants. Ils avaient cuit à l'intérieur,  ils étaient fort goûteux !

    Non content de me souvenir de la gentillesse des Chinois - en 1994 !- je pense toujours à leur merveilleuse cuisine. Nous avons découvert que l'acte de manger sollicite, interpelle tous les sens ; même les matins, durant les petits-déjeuners, en ne se nourrissant que de mets simples comme les petits pains farcis, cuits à la vapeur.

    La Chine de 2015 n'a plus rien à voir avec celle de 1994, c'est du moins ce que beaucoup de voyageurs m'ont dit. Les Chinois sont devenus âpres aux gains, tout change, tout se transforme. D'accord, d'accord, chacun a un avis sur tout, néanmoins cette réflexion me parait pertinente, et somme toute banale, malgré tout je préfère rester sur mes souvenirs de charmantes rencontres ... ad vitam aeternam !


    Pékin et la muraille de Chine, on verra ça dans une autre vie !




    Maadadayo !
    Ban Narai
    Ban Narai


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    Message par Ban Narai Dim 22 Mar - 16:14

    Salut Geob.
    Quel bonheur et en même temps quelque peu de nostalgie de lire ce récit de voyage.
    Lilie
    Lilie


    Localisation : Pieds sur Terre, tête en l'Eire

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    Message par Lilie Dim 22 Mar - 19:46

    Oh! Le Petit Leon! Je suis fan! Tout sourire le Petit Leon!  top !

    Lilie
    geob
    geob


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    Message par geob Mar 31 Mar - 12:10

    Revoici les Thaiyay


    En passant par des rues étroites où se dressent des habitations sommaires pour étudiants, un raccourci pour rejoindre l'université de Chiang Rai, j'ai vu une barrière pour ralentir la circulation, et des voitures garées n'importe où. Et puis cette musique au rythme répétitif,  elle me rappelait quelque chose,  et ces gens habillés de tenues traditionnelles, la tête enturbannée, des fleurs sur les oreilles... mais oui, ce sont des "Thaiyay", alors que je pensais avoir raté leur fête qui se déroule toujours dans un temple chinois, à Chiang Rai, fin octobre. Cette fois ci ils sont pas loin des sources d'eau chaude de Pong Pra Bath, à 1o klm de la ville. Je ne m'attendais pas à les revoir en cette période, si loin de la ville. Je reconnais des visages d'il y a deux ans, au temple chinois. Comme d'habitude, ils boivent sans retenue, et les dames ne sont pas en reste.  (voir messages n°199 et 200),


    ainsi que la vidéo


    https://www.dailymotion.com/video/x16heos_fete-des-thaiyay-dans-un-temple-a-chiang-rai_travel


    Je suis resté une demi heure mais j'ai eu du mal à les prendre en photo vu l'espace restreint,  j'ai évité les verres de whisky en prétextant que j'avais mal au foi ! Peu importe, eux, ils sont là pour fêter leur communauté.


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    Debriefing - Page 11 Thaiya11

    Debriefing - Page 11 Thaiya12

    Le type en rouge ne m'a pas lâché au début, à chaque fois que je prenais une photographie, il tenait à y figurer. C'était comme le sparadrap du capitaine Haddock !!!


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    Debriefing - Page 11 Thaiya14


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    Complètement saoule, elle invitait tout le monde à trinquer avec elle, les musiciens n'y ont pas échappé !

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    Debriefing - Page 11 Thaiya17
    (Il y a deux ans, elle n'était pas loin du coma éthylique !)


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    Debriefing - Page 11 Thaiya19

    Debriefing - Page 11 Thaiya20
    Maadadayo !
    fabizan
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    Message par fabizan Mar 31 Mar - 13:05

    C'est la débauche en Thaïlande, quand je vois la taille du pétard ! mort de rire !


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    Fabienne
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    Message par Lilie Mar 31 Mar - 20:29

    fabizan a écrit:C'est la débauche en Thaïlande, quand je vois la taille du pétard ! mort de rire !

    rire top !

    Lilie
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    Message par Lilie Mar 31 Mar - 20:30

    Geob,

    Tu le connais le beau jeune homme en jaune-ruban rouge sur l'avant dernière photo? bisou bisou bisou sherlock gag !

    Lilie

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