Vovonne

Aïe, aille, aïe, je suis complètement ébarlutée depuis deux jours.
J'avais pas écrit dans mon ordinateur depuis longtemps et je me contentais de passer du pliz sur la housse noire. Le pliz, c'est pour toute surface et j'ai décidé de le passer sur la housse en toile. Ça fait propre et ça sent bon.

Mais maintenant il faut que j'écrive parce que je suis très contente.

On était à la rifle du rugby qui est une grande rifle avec des lots très beaux et qui coûtent cher.
J'avais envie de gagner autre chose que des terrines et du jambon et je sentais que c'était un bon jour.
Les rifles de journée sont mieux que les rifles de soirée parce qu'on est sur l'herbe du champ de foire qui fait stade aussi. Il y avait une grande foule parce que c'est l'été et les Parisiens ainsi que les Hollandais viennent respirer et s'amuser de la France profonde ou peut-être avec la France profonde, j'espère.
Avec Gwendoline, Willy, Queue de Cheval et sa femme, Tgv, celui de la gare et sa femme, la voisine et son mari et Félix et moi, on remplissait toute une table.
Des verres en plastique et des Crémant, des cartonnettes et des stylos et c'est parti, on a joué quatre heures protégés du soleil par un barnum rayé vert et blanc. On était bien placé faut dire parce que beaucoup de tables étaient sous le soleil en plein.
Ligne un, y'a du brouhaha, on entend mal les chiffres, deux lignes, c'est plus calme et trois lignes, c'est chuuut car c'est un beau lot.

Entre les cartons, on boit, on plaisante et je savais que j'allais gagner. Le bout de mes doigts picotaient, c'est dire.
J'ai donc remporté le gros lot. Un voyage en Thaïlande pour deux.

Ah ! La tête de Félix.

« T'es pas content ? » lui demande la voisine.
« Mais si bien sûr » il dit mon menteur de mari.
Il est aussi transparent qu'un film alimentaire.

Personne à notre table ne connait la Thaïlande.
Queue de Cheval a dit que c'était un pays pour les gros nazes qui se tapent des fillettes et du sexe pas cher qu'il l'avait lu dans un livre de l'écrivain Ouelbec, un nom de ce genre.

La voisine, elle m'a dit qu'elle connaissait un forum où je pourrais regarder tout ce que je veux savoir.

Alors, le soir, j'ai écrit dans mon carnet, celui où je note mes courses, toutes les questions qui arrivaient en vague dans ma tête :

Où c'était, parce que faut pas être idiote pour me rendre compte que c'est plus loin que Baccarat.
S'il faisait très chaud.
Si la cuisine était bonne.
Si je pouvais ramener des souvenirs comme une nappe, une assiette, des pots, des paletots typiques.
Si les gens parlent un peu le français.
C'est laquelle la religion principale parce que des églises et des temples ça se ressemblent pas.
Si il y a la mer et aussi la montagne.
C'est quoi l'argent.
Beaucoup d'autres questions aussi, que j'écris pas tout.

Et pis, je suis allée me coucher à côté de Félix qui faisait semblant de dormir.
J'ai parlé en regardant une cancouère qui tournoyait autour de la lampe de chevet.
J'ai dit :

« Tu ne veux pas aller à ce voyage ?, je sais que tu dors pas »
« Tu sais, c'est pas beaucoup de temps douze jours, dix nuits »

Toujours le silence comme réponse.

« Arrête d'être crambouli, si tu veux pas venir, j'irais quand même, c'est écrit -avec la personne de votre choix- »

Il a pas répondu.
J'ai pris le hanneton dans ma main, j'ai soufflé sur ma paume et il s'est envolé par la fenêtre. La nuit est rentrée à flot dans la chambre et moi je me suis glissée en elle.
J'ai fermé les yeux et presque j'étais en voyage.

Après, le lendemain...
Non, j'écrirai une autre fois, la pluie a cessé et on part aux escargots avec les voisins.